La République de Côte d’Ivoire va changer de Constitution, moyennant une révision totale de l’actuelle Constitution du 1er août 2000. Lorsque la Constitution organise sa « révision » sans autre précision, le Souverain peut en effet décider de procéder à sa révision totale, c’est-à-dire la remplacer par une autre, dans le respect des règles de révision en vigueur.
Le changement en cours de Constitution respecte en tout et pour tout le titre XIV- De la révision de la Constitution aujourd’hui applicable à toute modification de la loi fondamentale.
Politiquement, la réforme constitutionnelle était l’une des promesses de campagne du Président de la République, très largement réélu le 25 octobre 2015 ; son contenu a été arrêté de concert avec les principaux responsables de la mouvance présidentielle, après de larges consultations. Techniquement, le projet de nouvelle Constitution a été rédigé par un comité d’experts, nommé et mandaté, le 31 mai 2016, par le Président de la République ; le comité d’experts a remis « son » avant-projet de Constitution, le 24 septembre 2016, au commanditaire … qui l’a maintenu en fonction (cf. discours présidentiel).
Sur ces bases, après délibération du Conseil des ministres le 26 septembre 2016, le Président de la République a pris formellement l’initiative de la révision totale de la Constitution, … sans que le texte proposé soit rendu public dans la presse, sur le site de la Présidence de la République et/ou sur le site de l’Assemblée nationale. C’est un parti d’opposition qui a mis en ligne, le 1er octobre 2016, l’avant-projet de Constitution transmis aux députés .
Le 5 octobre 2016, le Président de la République a prononcé un discours devant l’Assemblée nationale, pour défendre et exposer les motifs de « son » projet de III° République de la Côte d’Ivoire.
Le 7 octobre 2016, la Commission des affaires générales et institutionnelles de l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, le texte - très légèrement amendé - du projet de nouvelle Constitution. Elle ne l'a pas purgé des faiblesses de forme et de fond relevées par un éminent professeur agrégé de droit public et de science politique .
Le 11 octobre 2016, l’Assemblée nationale a « pris en considération » (art. 125), par 239 voix pour, 8 contre et 2 abstentions, le projet de loi portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire . Ce vote quasi-unanime – par 96% des députés … alors que la majorité qualifiée requise pour toute révision s’élève à 2/3 des députés – a été la conséquence directe de la victoire écrasante de la mouvance présidentielle aux élections législatives de 2011 … boycottées par une très grande partie de l’opposition. Constitutionnellement normale et correcte, la phase parlementaire a souffert de cette « anomalie démocratique ». La politique délibérée de la « chaise vide » a privé l’opposition d’une tribune institutionnelle, légale et légitime ; elle l’a enfermée dans le cercle vicieux de la contestation extra-parlementaire tous azimuts ; elle a donné tout pouvoir à une ultra-majorité parlementaire pour proposer « sa » Constitution « gage de stabilité » selon le Président de l’Assemblée nationale .
La phase parlementaire étant close, le peuple ivoirien, seul détenteur de la souveraineté (art. 31), est appelé à approuver, à la majorité absolue des suffrages exprimés (art. 126), ou à rejeter la révision totale de la Constitution. A cet effet, le Président de la République, vu la loi organique du 26 juillet 2016 portant organisation du référendum pour l’adoption de la nouvelle Constitution , a pris le décret du 12 octobre 2016 portant publication du projet de Constitution de la République de Côte d’Ivoire . Le référendum aura lieu le 30 octobre 2016, à l’issue d’une brève campagne référendaire … sur fond de boycott du principal parti de l’opposition et de ses alliés … misant sur les élections législatives de la fin 2016 .
La Constitution de la III° République de Côte d’Ivoire serait-elle déjà mal partie ?