La Constitution est – encore ! - en chantier au Niger. Celle, controversée, de la VI° République, a été suspendue et ses institutions dissoutes le 18 février 2010, après le renversement du Président Mamadou Tandja (cf. déclaration du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie). Celle, abrogée, de la V° République, n’a pas été et ne sera pas restaurée. « La restauration du processus démocratique engagé par le peuple nigérien », que garantit le Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD), ne vise pas la restauration de la légalité constitutionnelle, bafouée par le Président déchu (cf. notamment "Au nom de la Constitution, contre la Constitution").
Le CSRD conduira, jusqu’au 18 février 2011, la transition à la VII° République, une transition neutre (cf. les ordonnances n°s 2010-02 et 2010-03 du 11 mars 2010), régie par des ordonnances du Président du CSRD, Chef de l’Etat, le chef d’escadron Djibo Salou. L'ordonnance n°2010-01 du 22 février 2010 portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition, modifiée par l'ordonnance n°2010-05 du 30 mars 2010, fait ainsi office de Constitution.
La nouvelle loi fondamentale doit être adoptée par référendum fin 2010. La Guinée, qui s’est donnée la Constitution du 7 mai 2010 sans référendum, par contrat entre les représentants cooptés de la société civile et de la classe politique et le détenteur du pouvoir, n’a pas fait école au Niger.
Trois acteurs institutionnels interviennent dans le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution.
· Le Comité des Textes Fondamentaux (CTF), une instance d’expertise présidée par le Professeur Mamadou Gazibo (cf. sa composition), a été chargé de rédiger les avants-projets de textes devant régir la VII° République. Le comité a achevé sa mission en mai 2010 et, en particulier, a proposé un avant-projet de Constitution qu’éclaire un exposé des motifs.
· Le Conseil Consultatif National (CCN), depuis le 29 juillet 2010, est réuni en session ordinaire pour examiner, entre autres, le texte de l’avant-projet Gazibo (cf. discours d'ouverture). Cette institution, ersatz de conférence nationale, comprend 131 représentants des partis politiques et des diverses composantes de la société civile, nommés par décret du Président du CSRD, après élection ou désignation par leurs groupes. Comme l’indique sa dénomination, le CCN n’est pas le décideur : placé auprès du Gouvernement et du CSRD, il se borne à leur adresser ses avis et suggestions, après délibération selon les canons du droit parlementaire classique (cf. règlement intérieur du CCN).
· Le Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD) aura le dernier mot. L’épisode du maintien par lui de dispositions du nouveau code électoral rejetées par le Conseil Consultatif National (cf. http://www.temoust.org/) a conforté sa prééminence.
Reste que le CSRD pourra toujours suivre l’exemple de la junte de Guinée qui a purement et simplement entériné les arrangements convenus entre les principales forces du pays. Avant que le peuple du Niger ne fasse entendre sa voix souveraine.
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/