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  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE
  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE est un espace d’expression, de réflexion et d’échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde
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  BOLLE STEPHANE 

Stéphane BOLLE

Maître de conférences
HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III 
 

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La Constitution en Afrique est un espace d'expression, de réflexion et d'échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde.
Ce site propose un regard différent sur l'actualité constitutionnelle foisonnante des pays africains. Il ne s'agit pas de singer les gazettes ou les libelles, de s'abîmer dans une lecture partisane des constitutions, des révisions, des pratiques et des jurisprudences. Sans angélisme ni scepticisme, il urge d'analyser, en constitutionnaliste, une actualité constitutionnelle largement méconnue et passablement déformée.
La Constitution en Afrique se conçoit comme l'un des vecteurs du renouvellement doctrinal qu'imposent les changements à l'œuvre depuis la décennie 1990. La chose constitutionnelle a acquis dans la région une importance inédite. Il faut changer de paradigme pour la rendre intelligible ! C'est d'abord au constitutionnaliste de jauger le constitutionnalisme africain contemporain, ses échecs - toujours attestés -, ses succès - trop souvent négligés. Sans verser ni dans la science politique, ni dans un positivisme aveugle, le constitutionnaliste peut et doit décrypter la vie constitutionnelle, en faisant le meilleur usage des outils de la science actuelle du droit.
La Constitution en Afrique est enfin un forum, un lieu ouvert à la participation des chercheurs débutants ou confirmés qui souhaitent confronter leurs points de vue. N'hésitez pas à enrichir ce site de commentaires, de réactions aux notes d'actualité ou de lecture, de billets ou de documents. Vos contributions sont attendues.

Au plaisir d'échanger avec vous

 

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III

 

12 avril 2008 6 12 /04 /avril /2008 08:21

Vous trouverez ci-après le texte d’une réflexion du SeFaFi (l’Observatoire de la Vie Publique) sur la Constitution territoriale de Madagascar. Je vous invite à le commenter sans modération sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE.

 

 

SEHATRA FANARAHA-MASO NY FIAINAM-PIRENENA

SeFaFi

Observatoire de la Vie Publique

Rue Rajakoba Augustin Ankadivato Antananarivo

Tél. : 22 663 99 Fax : 22 663 59 Email : sefafi@netclub.mg

 

 

                                       

 

QUELLE DÉCENTRALISATION POUR MADAGASCAR ?

 

 

 

1. Régions et Communes

 

 

         Comme dans beaucoup de pays, notamment ceux qui ont hérité de la tradition jacobine et centralisatrice de la France, la décentralisation reste, à Madagascar, un problème non résolu.

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ici la signification du mot « décentralisation », que le Larousse 2008 définit comme un « système d’organisation des structures administratives de l’Etat qui accorde des pouvoirs de décision et de gestion à des organes autonomes régionaux ou locaux (collectivités locales, établissements publics) ». Il s’agit donc, de la part de l’administration de l’Etat (qui dépend, pour l’essentiel, des ministères établis dans la capitale), de donner des pouvoirs ou plus de pouvoirs aux administrations qui sont établies dans les régions et les communes.

La volonté de décentralisation reflète un double objectif de démocratie et d’efficacité. Le pouvoir appartenant au peuple, il est normal que les décisions administratives concernant les problèmes régionaux et locaux puissent être prises sur les lieux et par les gens concernés, et non par des fonctionnaires lointains qui connaissent peu ou mal les problèmes de la base. Par ailleurs, la proximité géographique donne aux administrateurs décentralisés une meilleure connaissance de la situation, et donc une plus grande efficacité.

 

Un passé d’incohérence et d’inefficacité

 

         Depuis l’indépendance, chaque régime a tenté, en vain, d’imposer sa vision de la décentralisation. Mais les préjugés idéologiques et la volonté de rester maître du jeu local ont mené toutes ces entreprises à l’échec. De ces tentatives, le SeFaFi a déjà pris acte, qu’il s’agisse de la création des régions, de la suppression des provinces ou du problème récurrent du Fokonolona(1). Aujourd’hui, les nouvelles structures de décentralisation sont sur le point d’être installées. Il est urgent de réfléchir sur l’ensemble du système, et de proposer des remèdes à son insuffisance démocratique et à son inefficacité notoire.

         La décentralisation n’a guère eu de place sous une 1ère République (1960-1972) façonnée à l’image de l’ancienne puissance coloniale. La « République démocratique » qui lui a succédé portait pour sa part l’ambitieux projet de « collectivités décentralisées » (Fokontany, Firaisampokontany, Fivondronam-pokontany et Faritany), censées fonctionner sur le principe du « centralisme démocratique ». On sait ce qu’il en advint. Il faudra attendre la 3ème République  pour que la loi introduise, en 1994, une décentralisation à trois niveaux (région, département et commune), qui ne fut jamais appliquée…

En 1998, une nouvelle révision constitutionnelle maintient un système de décentralisation à trois niveaux, avec la province autonome, la région et la commune. La région devient alors un démembrement de la province autonome, et non plus de l’Etat. Et la loi du 17 juin 2004 a voulu organiser les régions, mais sur des bases constitutionnelles discutables. Dernier avatar, la révision constitutionnelle du 4 avril 2007 , tout en supprimant les provinces, fait des régions et des communes les seules collectivités territoriales décentralisées (Art. 138) ; et l’Article 134 précise que, « dotées de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière, (elles) constituent le cadre institutionnel de la participation effective des citoyens à la gestion des affaires publiques ».

         Au bout d’un demi-siècle d’indépendance, cette structure territoriale à trois niveaux (Etat, Région, Commune) finira-t-elle par s’imposer, mettant un terme à ces longues années d’errements et d’incertitudes ? On peut l’espérer, si toutefois elle entraîne un fonctionnement administratif à la fois plus stable, plus efficace et plus démocratique. Ce sont en effet les questions qui se posent aujourd’hui avec acuité, au point de menacer l’ensemble de l’édifice.

 

Les conditions d’une décentralisation sincère

 

         Une institution ne se limite pas à ses structures ; elle est d’autant plus viable et donc durable, qu’elle sait s’attacher les hommes qui la peuplent et qui la dirigent. En matière de décentralisation, cet attachement est lié au contenu et à l’étendue de « la participation effective des citoyens »,  pour reprendre les termes de l'article 134 de la Constitution. Concernant les régions, un premier obstacle à cette participation est le refus du politique dans la définition imposée par la même Constitution (Art. 141) : « les régions ont une vocation essentiellement économique et sociale ». Etrange limitation, qui exclut le politique, dont la raison d’être est précisément de gérer le bien commun, de la gestion de ces collectivités régionales !

 

         Le choix démocratique des dirigeants constitue un second critère de la participation des citoyens à leurs collectivités décentralisées. L’abstention massive aux récentes élections communales et régionales montre à l’évidence que les citoyens ne se sentent pas concernés. Une des premières raisons de ce rejet est le mode de scrutin. Organiser deux votes distincts (au suffrage universel direct pour les conseillers municipaux, pour le maire et pour les conseillers régionaux, au suffrage indirect pour le chef de région), avec le risque de voir les fonctions délibératives et exécutives confiées à des personnes de sensibilité politique différente, est aberrant. La plupart des pays démocratiques font élire le conseil ou l’assemblée délibérante au suffrage universel, avec une forte dose de proportionnelle, la majorité de l’assemblée choisissant ensuite son président. Cette méthode garantit stabilité et efficacité pour toute la durée du mandat des élus.

         Ce mode de scrutin est théoriquement celui des régions, mais l'article 144 de la Constitution modifiée ajoute que « les parlementaires sont membres de droit du conseil régional ». Et un récent décret décide que les députés n’auraient pas droit de vote, mais que les maires de la région participeraient au scrutin. Il faut dire que l'effectif squelettique de ces conseils, de 5 à 14 membres, rend difficile une élection pluraliste. En toute hypothèse, cette composition hétéroclite du conseil régional est une entorse supplémentaire à l’esprit d’autonomie de la décentralisation ; elle contredit la Constitution qui veut que « les collectivités territoriales décentralisées s’administrent librement par des assemblées » (Art. 139).

         Une autre manière de contourner la volonté du suffrage populaire et donc la participation citoyenne, est de nommer des PDS (Présidents de Délégation Spéciale). Cette mesure, utilisée à tout moment et sans discernement ces dernières années, remplace le libre choix des habitants des régions et des communes par une désignation arbitraire du pouvoir central. La succession de nominations visant à écarter des responsables élus pour les remplacer par d’autres, plus dociles, ne peut que décourager les citoyens soucieux d’une gestion autonome et rigoureuse de leur collectivité décentralisée. Le recours à un PDS devra revenir à ce qu’il n’aurait dû cesser d’être : exceptionnel et provisoire.

         Enfin, une dernière étrangeté brouille l’image des chefs de région et leur responsabilité démocratique. La loi de 2004 précise en effet que le chef de région est à la fois un élu - qui n’a de compte à rendre qu’aux électeurs -, et un représentant de l’Etat - qui n’a de compte à rendre qu’à des supérieurs hiérarchiques de la capitale, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur. Le SeFaFi avait déjà stigmatisé cette incohérence dans son communiqué du 4 mars 2005 : « Décentralisation ou centralisation ? »(2). Une contradiction juridique doublée d’un non-sens démocratique, que reprend l'article 143 de la Constitution: le chef de région est « chef de l’administration dans sa région »…

         Il reste que, le 16 mars 2008, aux journalistes qui l’interrogeaient sur le mode de désignation des chefs de régions (élection ou nomination), sans hésitation le Président Ravalomanana a répondu : « Conformément à la Constitution : ils seront nommés (tendrena) ».

        

La garantie de ressources nécessaires au fonctionnement et aux investissements des collectivités décentralisées pose des questions tout aussi délicates. De quelle autonomie peuvent disposer des collectivités qui doivent attendre l’essentiel de leurs ressources du bon vouloir de l’Etat central ? Significativement, la question des ressources des collectivités décentralisées fait l’objet d’un sous-titre de la Constitution, mais celui-ci se limite aux deux articles 150 et 151 : les dispositions prévues sont aussi brèves et vagues que les ressources allouées sont maigres et aléatoires !

A l’exception de quelques régions plus riches, les perspectives d’autofinancement sont illusoires pour la plupart des autres. Et l’expérience récente de municipalités tenues par l’opposition montre à l’évidence que ni la loi ni la neutralité de l’administration ne suffisent pour obliger l’Etat à tenir ses engagements. Or l’autonomie d’une région ou d’une commune est un leurre si elle ne s’accompagne d’une réelle autonomie financière. Celle-ci implique que les ressources soient à la fois suffisantes et garanties, c’est-à-dire tirées pour l’essentiel de l’économie locale. Manifestement, le législateur a écarté ce choix, ce qui maintient les collectivités décentralisées sous sa tutelle.

Enfin, concernant les communes, des dispositions spécifiques devraient être étudiées et adoptées pour leur donner une plus grande liberté d’action. Il conviendrait d’abord d’unifier les deux statuts qui distinguent les rurales et les urbaines. A quoi bon cette différentiation d’un autre âge ? Si les critères retenus par la Constitution en son article 141 ne sont guère compréhensibles (« … en considération de leur assiette démographique réduite ou non à une agglomération urbanisée »), le texte malgache ne retient qu’un critère numérique : « … araka ny isan’ny mponina ao aminy ka nahatonga azy ireny ho lasa tamba-tanàna ambonivohitra na tsia ». En réalité, la plus grande étendue des communes de campagne permet sans peine de réunir autant d’habitants que les villes les plus petites – à l’exception de quelques zones particulièrement sous-peuplées ; et l’agrégation de plusieurs Fokontany peut donner à tout groupement humain la dimension minimale pour se prendre en charge, où qu’il soit situé.

Dans le même esprit, il serait urgent de clarifier les conditions de la coopération intercommunale, telle qu’elle est prévue par l’Article 146, que les communes se constituent en groupements ou non. Plus surprenante est l’absence de toute mention des agglomérations urbaines spécifiques aux très grandes villes (Antsirabe, Toamasina et Antananarivo). L’aménagement de ces ensembles suppose une approche spécifique qui ménage l’autonomie de chaque participant, les plus petits étant généralement les plus pauvres, et la nécessité d’investissements lourds en matière d’infrastructures, de zones industrielles, d’habitat ou de traitement d’ordures

 



Vous trouverez la seconde partie de cette réflexion ICI sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE 




(1) « De la véritable décentralisation, I. Les ambiguïtés de la cellule de base (13 août 2004), II. La mise en place des Régions (1er octobre 2004) », in SeFaFi, Une démocratie bien gérée, décentralisée et laïque, à quelles conditions ?, 2005, pages 26 à 39. Et « Décentralisation ou centralisation ? » (4 mars 2005), in SeFaFi, Une société civile sans interlocuteurs, déni de bonne gouvernance ?, 2006, pages 6 à 11.

(2) « Plus étonnant est le statut hybride des Régions : en son article 4, la Loi 2004-001 relative aux Régions précise en effet que « Les Régions sont à la fois des Collectivités territoriales décentralisées et des circonscriptions administratives ». Cela signifie que les futurs responsables porteront, selon leur humeur ou les besoins du moment, tantôt la casquette d’élus investis du suffrage universel et chargés d’administrer librement la Région (ce qui relève de la décentralisation), tantôt la casquette de représentants de l’Etat ou du Chef du Gouvernement, chargés de mette en œuvre la politique de l’Etat central (ce qui relève de la déconcentration). Faut-il préciser que ces deux fonctions, en stricte logique politique et administrative, sont incompatibles ? » SeFaFi, Une société civile sans interlocuteurs, déni de bonne gouvernance ?, 2006, pages 6.

 

(1) « Elire ses représentants : qu’est-ce que la représentativité ? », 13 novembre 2001, in Libertés publiques, les leçons d’une crise, SeFaFi, 2002, page 114.

(2) « De la véritable décentralisation », in Une démocratie bien gérée, décentralisée et laïque, à quelles conditions ?  SeFaFi, 2005, pages 26 à 31.

(3) « Décentralisation ou centralisation ? », in Une société civile sans interlocuteurs, déni de bonne gouvernance ? SeFaFi, 2006, pages 6 à 11.

(4) « De quelques modifications constitutionnelles » : Des provinces aux régions, communes et fokontany, in Elections et droits de l’homme : la démocratie au défi, SeFaFi, 2008, pages 20 à 23.

(5) In Elections et droits de l’homme : la démocratie au défi, SeFaFi, 2008, pages 58 à 67.

(6) « Référendum constitutionnel : décentralisation et fokontany » 28 février 2007, in SeFaFi : Elections et droits de l’homme : la démocratie au défi, pages 8 à 15.

(7) « De quelques modifications constitutionnelles », 21 mars 2007, in SeFaFi : Elections et droits de l’homme : la démocratie au défi, p 20.

(8) Elections et droits de l’homme : la démocratie au défi, pages 58 à 66.

(9) « Les ambiguïtés de la cellule de base », 13 août 2004, in De la véritable décentralisation, SeFaFi, 2005, page 30.

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8 avril 2008 2 08 /04 /avril /2008 15:19

            Le 4 avril 2008, Paul Biya, Président de la République du Cameroun, a déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale, conformément à l’article 63 (1) de la Constitution de 1996, le projet de loi n° 819/PJL/AN visant à modifier et à compléter certaines dispositions de la constitution du 18 janvier 1996. Après des mois de controverse, le pouvoir de révision souverain va se prononcer sur le texte ci-après, publié par le quotidien "Mutations" et annoté par votre serviteur :


Article 6 :

Alinéa 2 (nouveau) : Le président de la République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible.

La levée de la limitation du nombre de mandats présidentiels constitue l’objet principal de la révision à venir de la Constitution. Très controversée, considérée par les opposants comme un attentat contre la paix civile, la fin programmée du double septennat remet en cause l'un des acquis du néo-constitutionnalisme libéral de la décennie 1990 en Afrique et rouvre la possibilité pour Paul Biya, 75 ans, d’être indéfiniment réélu à la charge suprême.

Pour autant, l’abandon de la clause de l’alternance automatique au sommet n’est pas en elle-même antidémocratique : le Président de la République, dans ses vœux à la Nation pour 2008, a souligné qu’il s’agissait de supprimer "une limitation à la volonté populaire, limitation qui s'accorde mal avec l'idée même de choix démocratique". Partisans et détracteurs de la clause avancent des arguments somme toute classiques, rappelés par Augustin Loada.

Mais le débat passionné et passionnel sur l’article 6 (2) de la Constitution camerounaise s’inscrit aussi et surtout dans une société politique de défiance mutuelle : "La Constitution de la République du Cameroun" d'Alain Didier Olinga (p. 72) enseigne qu’en 1996 « Le principe de la limitation des mandats (a) été acquis au terme d’une âpre bataille » et qu’il était « la contrepartie » du passage du quinquennat au septennat ; l’opposition fait valoir, en 2008, que le pouvoir RDPC n’a de cesse de « truquer » les élections concurrentielles  et que l’adoption de l’amendement garantira donc la réélection de Paul Biya en 2011. Le raisonnement n’est pas sans faille : à Constitution constante, Paul Biya, à l’instar de Vladimir Poutine en Russie et, peut-être demain d’Abdoulaye Wade au Sénégal, n’aurait-il pas pu faire élire son « dauphin » pour empêcher l’opposition de conquérir le pouvoir ? En réalité, tout alternance semble exclue tant que l’ancien parti unique, qui a remporté toutes les élections depuis le rétablissement du multipartisme intégral, sera en capacité de « surdéterminer » la Constitution, de la façonner à son gré, seul ou avec des alliés obligeants.

Alinéa 4 (nouveau) : En cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif constaté par le Conseil Constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République doit impérativement avoir lieu vingt (20) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l’ouverture de la vacance.

a) L’intérim du Président de la République est exercé de plein droit, jusqu’à l’élection du nouveau Président de la République, par le président du Sénat. Et si ce dernier est, à son tour empêché, par son suppléant suivant l’ordre de préséance du Sénat ;

b) Le Président de la République par intérim- le Président du Sénat ou son suppléant- ne peut modifier ni la Constitution, ni la composition du Gouvernement. Il ne peut recourir au référendum. Il ne peut être candidat à l’élection organisée pour la Présidence de la République ;

c) Toutefois, en cas de nécessité liée à l’organisation de l’élection présidentielle, le Président de la République par intérim peut, après consultation du Conseil Constitutionnel, modifier la composition du Gouvernement.

Deux amendements sont ici envisagés.

Il s’agit, d’abord, de réécrire la première phrase de l’article 6 (4) de la Constitution pour porter de 40 à 120 jours le délai maximum prévu pour la tenue d’une élection présidentielle anticipée. En décembre 2007, un député révisionniste RDPC faisait observer : « Tout le monde reconnaît que la période de 40 jours imposée au Président de la République par intérim est très courte, et que l'organisation d'un scrutin dans ces délais est irréalisable ». Si des considérations techniques, également avancées au Mali en 2001, peuvent amplement justifier le triplement du délai maximum, il y a lieu de s’interroger sur le maintien du délai minimum de 20 jours, évidemment « irréaliste ». A titre de comparaison, une élection présidentielle consécutive à une déclaration de vacance a lieu dans un délai de 30 jours au moins et de 40 jours au plus au Bénin (Constit. 1990, art. 50), de 45 jours au plus en Côte d'Ivoire (Constit. 2000, art. 40), de 30 jours au moins et de 60 jours au plus à Madagascar (Constit. 1992 révisée 2007, art. 47), de 3 mois au plus en Mauritanie (Constit. 1991 amendée 2006, art. 40), de 45 jours au moins et de 90 jours au plus au Niger (Constit. 1999, art. 42), de 60 jours au moins et de 90 jours au plus au Sénégal (Constit. 2001, art. 31) et en République Démocratique du Congo (Constit. 2006, art. 76). La réécriture de la première phrase de l’article 6 (4) de la Constitution camerounaise pose question : aurait-elle été conçue pour ménager plusieurs scénarios de succession constitutionnelle de Paul Biya, un scénario court de 20 jours au cas où le RDPC aurait un candidat « naturel », un scénario de 120 jours au plus dans l’hypothèse où le RDPC serait amené à choisir son candidat entre plusieurs prétendants ?

Le second amendement portant sur l’article 6 (4) c) de la Constitution est additionnel : il consiste à conférer au Président de la République par intérim le pouvoir de décider un remaniement gouvernemental, après avis simple du Conseil Constitutionnel, « en cas de nécessité liée à l’organisation de l’élection présidentielle ». La mesure fait partiellement droit à une préoccupation exprimée par un député révisionniste RDPC, en décembre 2007 : « un Président de la République par intérim qui ne pourrait modifier ni la constitution, ni le Gouvernement, ni organiser un référendum, n'aurait aucun pouvoir et ne saurait se faire obéir par qui que ce soit ». Mais, partout dans le monde, les attributions constitutionnelles du Chef de l’Etat intérimaire sont moindres que celles du titulaire ; et la loi fondamentale gèle souvent, pour la durée de l’intérim, la composition du Gouvernement, de manière à écarter, dans une période délicate, certaines manœuvres intempestives, susceptibles d’entraver le libre choix par le peuple souverain du nouveau Président de la République. Que vise donc l’amendement proposé au Cameroun ? S’agit-il de donner au futur Président de la République par intérim une base constitutionnelle pour s’imposer dans la course à la succession ? Dans l’affirmative, l’article 6 (4) c) nouveau de la Constitution contredirait l’interdiction faite au Chef de l’Etat provisoire par l’article 6 (4) b) maintenu de se porter candidat à l’élection présidentielle anticipée. Une autre hypothèse mérite attention : l’article 6 (4) c) nouveau de la Constitution permettrait à un Président de la République par intérim d’écarter du Gouvernement un ministre « gênant », qui se présenterait contre le candidat investi par le RDPC.

En toute hypothèse, la modification des règles constitutionnelles de succession ne sera pas anodine. Gageons que la discussion parlementaire de la révision en éclairera les ressorts !

Article 14 :

Alinéa 3 a (nouveau) : Les Chambres du Parlement se réunissent aux mêmes dates en sessions ordinaires chaque année aux mois de mars, juin et novembre sur convocation des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, après consultation du Président de la République.

Pour saisir l’intérêt de cette modification technique, il convient de se reporter à "La Constitution de la République du Cameroun" d'Alain Didier Olinga (p. 121) : l’ordre actuel de présentation des sessions ordinaires des chambres du Parlement (juin, novembre, mars) correspondait à l’année budgétaire « étalée du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante » ; « Avec l’alignement de l’année budgétaire sur l’année civile, la situation change. C’est ainsi que le règlement intérieur [de l’Assemblée Nationale] tel que modifié par la loi du 2 décembre 2002 précise à son article 9 alinéa 2 : « L’année législative de l’Assemblée Nationale est arrimée à l’année civile. La première session ordinaire de l’Assemblée Nationale s’ouvre au mois de mars, la deuxième au mois de juin et la troisième au mois de novembre ». Le pouvoir de révision souverain est donc invité à actualiser la Constitution pour purger l’ordre juridique d’une disposition désormais caduque. Cette invite pose question au regard de la hiérarchie des normes, car l’Assemblée Nationale, auteur de la loi de révision constitutionnelle, devrait s’aligner, sur l’Assemblée Nationale, auteur de la loi infra-constitutionnelle portant règlement intérieur !

Article 15 :

Alinéa 4 (nouveau) : En cas de crise grave ou lorsque les circonstances l’exigent, le Président de la République peut, après consultation du Président du Conseil Constitutionnel et des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, demander à l’Assemblée nationale de décider, par une loi, de proroger ou d’abréger son mandat. Dans ce cas, l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale a lieu quarante (40) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l’expiration du délai de prorogation ou d’abrègement de mandat.

Il s’agit ici de doubler le délai maximum d’organisation d’élections législatives anticipées consécutives à la promulgation d’une loi exceptionnelle d’autodissolution de l’Assemblée Nationale ; l’échéance serait identique à celle fixée par la première phrase de l’article 6 (4) de la Constitution après sa modification. La révision pourrait permettre de résoudre les difficultés techniques inhérentes à l’organisation d’élections imprévues, comme cela avait été envisagé au Mali par le projet de 2001. Mais sa portée – politique et institutionnelle – mérite d’être appréciée au regard du projet de modification de l’article 6 (4) : le Président de la République, par intérim ou successeur constitutionnel de Paul Biya, n’aura-t-il pas la possibilité de provoquer la tenue d’élections législatives anticipées, pour que le Chef de l’Etat puisse s’appuyer sur une majorité parlementaire nouvelle construite sur son nom ?

Article 51 :

Alinéa 1 (nouveau) : Le Conseil Constitutionnel comprend onze (11) membres désignés pour un mandat de six (06) ans non renouvelable.

Paul Biya, dans ses vœux à la Nation pour 2008, a annoncé : "nous donnerons sa forme définitive au Conseil Constitutionnel". Il ne s’agissait visiblement pas de procéder à l’installation de l’institution, licitement différée en vertu du principe de progressivité de l'article 67 (1) de la Constitution de 1996. Le projet de révision du 4 avril 2008 vise simplement de réformer la durée du mandat des membres d’un Conseil Constitutionnel toujours virtuel, malgré la promulgation des textes infra-constitutionnels qui le régiront (Loi N°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel et Loi n°2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel). Pourquoi faudrait-il en 2008 réduire de 9 à 6 ans cette durée ? Le sexennat envisagé n’exposera-t-il pas l’institution gardienne de la Constitution au risque d’une plus grande politisation, d’un moindre découplage avec la vie politique, rythmée par des élections législatives tous les 5 ans et une élection présidentielle tous les 7 ans ? L’indépendance du Conseil Constitutionnel et la continuité de sa jurisprudence ne risqueront-elles pas d’être durablement compromises par la perspective d’un renouvellement en bloc tous les 6 ans ?

Article 53 (nouveau) :

Alinéa 1 : La Haute Cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions par :

- le Président de la République en cas de haute trahison ;

- le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement et assimilés, les hauts responsables de l’administration ayant reçu délégation de pouvoirs en application des articles 10 et 12 ci-dessus, en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.

Alinéa 2 : Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres les composant.

Alinéa 3 : Les actes accomplis par le Président de la République en application des articles 5, 8, 9 et 10 ci-dessus, sont couverts par l’immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l’issue de son mandat.

Alinéa 4 : L’organisation, la composition, les conditions de saisine ainsi que la procédure suivie devant la Haute Cour de Justice sont déterminées par la loi.

Il est proposé de réécrire entièrement l’article 53 de la Constitution qui, dans sa version actuelle ne comporte que deux alinéas et qui renvoie à une loi d’application. Or, comme on peut le lire dans "La Constitution de la République du Cameroun" d'Alain Didier Olinga (p. 174) : « La Haute cour de justice est probablement la seule institution de l’histoire constitutionnelle camerounaise à n’avoir jamais accédé à l’effectivité. Figée dans un environnement institutionnel en mutation, elle semble ne survivre que du fait de la potentielle clameur civique qui naîtrait de l’impression d’irresponsabilité et d’impunité déduite de son inexistence ».

Le projet de révision est de nature à renforcer cette impression.

L’article 53 (1) confirmera le privilège de juridiction du Président de la République et, surtout, innovera en limitant le champ de sa responsabilité personnelle au cas de haute trahison, notion que ne définit pas le Constituant camerounais, contrairement à la plupart de ses homologues africains.

L’article 53 (2) rendra plus ardue la mise en accusation du Président de la République : l’exigence d’une majorité surqualifiée des 4/5 dans les deux chambres paraît exorbitante au regard des textes constitutionnels africains d’aujourd’hui.

Enfin, l’article 53 (3) créera une immunité absolue au bénéfice d’un ancien Président de la République : ce dernier sera mis à l’abri de toute poursuite pour tout acte accompli dans l’exercice de ses fonctions antérieures. Avec une telle innovation, le Cameroun surpasserait le Gabon, où la Constitution révisée en 2003 dispose en son article 78 in fine : « Le Président de la République qui a cessé d'exercer ses fonctions ne peut être mis en cause, poursuivi, recherché, arrêté détenu ou jugé pour les faits définis par la loi organique prévue à l'article 81 de la Constitution ».

Le projet de révision doit-il être compris comme permettant, à un terme indéterminé, une sortie de charge « sécurisée » du Chef de l’Etat actuel ? Dans l’affirmative, ce serait le « prix constitutionnel » à acquitter pour que s’ouvre au Cameroun une nouvelle page de la construction  d’un Etat de droit et de démocratie pluraliste. Il faut rappeler à ceux qui s’offusqueraient d’une telle perspective que la réussite de certaines transitions tient à la réconciliation nationale dans et par le pardon. C’est ainsi que le modèle béninois de transition repose, notamment, sur la loi n°91-013 du 12 avril 1991 portant immunité personnelle du Président Mathieu Kérékou. 

Titre 13 – Dispositions transitoires et finales

Article 67 :

Alinéa 6 (nouveau) : Au cas où la mise en place du Sénat intervient avant celle des Régions, le collège électoral pour l’élection des sénateurs est composé exclusivement des conseillers municipaux.

Cette disposition a pour objet d’appliquer au Sénat le principe de progressivité énoncé par l'article 67 (1) de la Constitution de 1996. Elle donne à penser que les élections sénatoriales pourraient avoir lieu avant les élections régionales, alors même que le Sénat apparaît avant tout comme une représentation des régions, à la lecture de l'article 20 (1) et (2) de la Constitution. La promulgation des lois d’application de la Constitution (Loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions, Loi n° 2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d’élection des Conseillers régionaux, et Loi n° 2006/005 du 14 juillet 2006 fixant les conditions d’élection des sénateurs) pourra continuer à apparaître comme un leurre, puisque le projet de révision confirme que c’est aux pouvoirs législatif et exécutif de déterminer librement l’agenda de mise en place des collectivités et institutions prévues par la Constitution.

Article 2 : La présente loi sera enregistrée, publiée suivant la procédure d’urgence puis insérée au Journal officiel en français et en anglais.

Le projet du 4 avril 2008 ne détermine pas les conditions d’application de la révision dans le temps. Par conséquent, il va sans dire que le texte, y compris l’article 6 (2) nouveau, entrera immédiatement en vigueur. C’est, en tout cas, la leçon de droit que le Conseil Constitutionnel du Burkina Faso a logiquement tirée en 2005 des silences de la Constitution Compaoré.  

Pour approfondir la réflexion engagée par cette note d’actualité constitutionnelle, vous pouvez lire avec profit les analyses contradictoires proposées, d’une part, par le quotidien progouvernemental "Cameroon Tribune" sous le titre "double enjeu"", d’autre part, par le quotidien indépendant "Mutations" sous le titre "Révision: Une nouvelle Constitution "taille patron"". Vous pouvez aussi consulter l'exposé des motifs du projet sur icicemac.com

Commentez sans modération sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE !

SB

 

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2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 16:32

Vous trouverez ci-après le texte d’une contribution de Samuel-Jacques PRISO-ESSAWE au site LA CONSTITUTION EN AFRIQUE. Je vous invite à le commenter sans modération.

 

Ordonnances du 7 mars 2008.

La Constitution obligeait-elle le Président BIYA  à respecter le droit de la CEMAC ?

 

Samuel-Jacques PRISO-ESSAWE

Maître de conférences en droit public,

Vice-Président de l’Université d’Avignon et des pays de Vaucluse

 

Le mois de février a été spécialement mouvementé au Cameroun, mettant ce pays à la une de nombreux médias internationaux. Les grondements populaires décriant la difficulté croissante de faire face aux basiques défis quotidiens, et son refus d'une probable révision constitutionnelle sur la limitation du nombre de mandats présidentiels, ont laissé sur le tapis quelques victimes de plus. À la fin d'une série pour le moins agitée, le président Biya a (re)pris la main, en répondant sur deux fronts. Gardant, sans réelle surprise, le silence sur la question de la révision de l'article 6 (2) de la Constitution de 1996 , il a d'abord tapé du poing sur la table, par un « musclé » rappel à l'ordre. Il a ensuite adopté différentes mesures destinées à « améliorer » la vie quotidienne. Deux décrets du 7 mars 2008 ont relevé le niveau de rémunération des fonctionnaires et autres agents de l'Etat, et deux ordonnances du même jour ont mis en place quelques mesures d'ordre fiscal et douanier : Paul Biya a en effet fixé le tarif Extérieur Commun sur les ciments à 10% jusqu'au 31 août 2008 et suspendu les droits et taxes de douane sur certains produits de première nécessité. Les ordonnances présidentielles, consultables ici, visent entre autres textes « l'article 22 de la convention instituant l'Union Économique de l'Afrique Centrale », invitant ainsi le droit de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale)  dans la crise sociale au Cameroun. Mais les exigences du texte visé n'ont pas tout à fait été respectées, et du point de vue constitutionnel, il convient de déterminer si on pourrait identifier dans la Constitution du 16 janvier 1998 des éléments obligeant le Président à se plier aux obligations communautaires.

 

Le droit communautaire n'a pas été respecté.

 

Que dit l'article 22 de la Convention visée ? L'article 22 de la convention de l'UEAC instaure la possibilité pour les Etats membres de la CEMAC de prendre un certain nombre de mesures en cas de difficultés nationales. Ces mesures sont de deux ordres. Un Etat peut d'abord remédier à des « difficultés graves dans un ou plusieurs secteurs économiques » en adoptant des « mesures de protection ». Dans l'hypothèse d'une « crise économique soudaine affectant notamment la balance des paiements », l'Etat peut aussi prendre des « mesures de sauvegarde ». L'article 22 définit des conditions de procédure (autorisation préalable ou contrôle a posteriori) et de fond (durée maximale, effet des mesures, nécessité, proportionnalité). L'action de l'Etat en cause est encadrée différemment selon la mesure envisagée.

Les mesures de protection (article 22§1) sont des dérogations aux règles générales de l'union économique et de la  politique commerciale commune. À ce titre, elles ne peuvent être adoptées qu’après autorisation du Conseil des ministres de l'UEAC, sur proposition du Secrétariat exécutif de la CEMAC. Par ailleurs, les mesures sont adoptées pour une « durée limitée ».

Les mesures de sauvegarde quant à elles (article 22§2) ne nécessitent pas d'autorisation préalable de l'UEAC. Toutefois, elles font l'objet d'un contrôle a posteriori dans la mesure où leur durée ne peut excéder six mois, qu'elles « ne doivent provoquer qu'un minimum de perturbations sur le fonctionnement du marché commun », et qu'elles doivent être « entérinées, tant dans leur durée que dans leur contenu, par le Conseil des Ministres ».

Dès lors, en ne visant l'article 22 que de manière générale, les ordonnances du 7 mars 2008 pèchent par imprécision, en n'indiquant pas spécifiquement l'alinéa pertinent de la disposition conventionnelle.

 

L'ordonnance sur les produits de première nécessité n'indique pas de limite dans le temps. L'article 22 de la convention de l'UEAC limite l'action des Etats dans le temps. Les mesures de sauvegarde « ne peuvent excéder une durée de six mois » (art. 22§2), et les mesures de protection doivent être prises « pour une durée limitée » (art. 22§1). Or l'ordonnance 2008/002 ne fixe aucun délai de validité de la suspension des droits et taxes douaniers décidée pour certains produits (poisson, blé, farine de blé et de froment, riz). Il n'est donc pas besoin d'aller plus loin pour établir l'irrégularité de ce texte présidentiel.

L'ordonnance « ciments » quant à elle fixe à 10% le taux du TEC pour une période allant « de la date de signature » de l'ordonnance (art. 3) « jusqu'au 31 août 2008 » (art. 1er), soit une durée légèrement inférieure à six mois. L'ordonnance respecte ainsi les exigences des deux paragraphes de l'article 22 ; le critère « temporel » n'est donc pas suffisant pour définir matériellement la mesure prise par l'ordonnance 2008/001, et attester du respect des autres exigences communautaires.

 

La recherche d'éléments de réponse dans la lecture des deux ordonnances permet de dégager quelques certitudes, insuffisantes elles aussi :

1. Elles ont pour objet de faire face à des difficultés immédiates, et constituent une réaction unilatérale de l'Etat, ce qui est envisagé par la convention. La qualification de ces difficultés et leur rattachement à l'un ou l'autre des paragraphes de l'article 22 reste toutefois à établir.

2. Elles dérogent au droit communautaire : elles suspendent les droits et taxes douaniers, et fixent un taux du Tarif extérieur commun. L'UEAC étant une union douanière, il va de soi que de telles mesures dérogent au droit communautaire.

3. Aucune action préalable – au sens de l'article 22 de la convention de l'UEAC – n'a été menée par le Cameroun auprès des organes de l'UEAC, et aucun acte du Conseil des Ministres n'a été adopté pour autoriser l'Etat membre à prendre des mesures d'urgence. Cela laisse donc supposer que pour les autorités camerounaises, la fixation provisoire du taux du TEC pour les ciments est une mesure de sauvegarde.

 

Les ordonnances n'énoncent pas de mesures de sauvegarde. Pour la convention de l'UEAC, la mesure de sauvegarde est une mesure « (prise) à titre conservatoire » pour faire face à une « crise économique soudaine affectant notamment la balance des paiements ». L'analyse contextuelle des ordonnances amène difficilement à dire qu'il y ait eu « crise économique soudaine ». Si l'on peut admettre par hypothèse l'existence d'une crise économique, l'on ne peut pour autant pas dire que les émeutes qui ont conduit aux ordonnances présidentielles du 7 mars 2008 en aient été le révélateur soudain ; les difficultés brutalement mises en évidence par les émeutes du mois de février sont récurrentes... Et les ordonnances présidentielles ont été davantage une réaction à une crise sociale qu'un acte de sauvegarde d'une économie structurellement menacée ! La référence à une « crise économique soudaine » n'est donc pas la bonne. Par ailleurs, le caractère sectoriel des mesures prises (ciments, blé et farine de blé, riz, poissons) fait davantage référence (en raisonnant par défaut) aux « difficultés graves dans un ou plusieurs secteurs économiques » au sens du premier paragraphe de l'article 22 de la convention UEAC. Si la référence à l'article 22 s'imposait donc du fait que les mesures prises dérogent à la réglementation communautaire (modification du tarif douanier de la CEMAC), la mesure de protection apparaissait comme la qualification la mieux adaptée. Une autorisation du Conseil des Ministres statuant à la majorité qualifiée était donc nécessaire.

Reste la question de savoir si la Constitution camerounaise pouvait être un rempart de protection du droit communautaire.

 

Quel « secours » constitutionnel pour le droit communautaire ?

 

C'est au regard de la nature juridique des textes concernés que cette interrogation doit être recherchée. L'article 22 de la convention de l'UEAC entre dans la catégorie des clauses d’un traité ou accord international et est donc régi par les dispositions des articles 43 à 45 de la Constitution de 1996 ; les ordonnances présidentielles quant à elles sont régies par l'article 28 du texte constitutionnel.

 

La Constitution impose au Parlement de veiller au respect du droit communautaire. Si le Président de la République peut statuer par ordonnance sur des matières législatives, c'est en vertu d'une autorisation du Parlement. Ces ordonnances ont une valeur réglementaire tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par le Parlement. L'intervention a posteriori du législateur a donc deux effets sur les ordonnances : elle lui permet d'une part d'assurer un contrôle de la validité du texte présidentiel (les ordonnances « demeurent en vigueur tant que le Parlement n’a pas refusé de les ratifier ») ; elle confère d’autre part aux ordonnances ratifiées (validées) une valeur législative. Et donc inférieure aux conventions internationales régulièrement ratifiées ou approuvées. Sans nous étendre sur la question de l'autorisation parlementaire dans le cas d'espèce, on peut d'emblée retenir que seule la validation parlementaire permet un contrôle, et le cas échéant une sanction de la mauvaise application du texte international par l'ordonnance présidentielle. L'article 22 de la convention de l'UEAC – et partant l'ensemble de la réglementation communautaire concernée – devrait donc pouvoir bénéficier de ce contrôle...

Dans l'hypothèse – vraisemblable – d'une validation des ordonnances par le Parlement, la question de l'autorité compétente pour exercer le contrôle restera entière. Les ordonnances auront en effet acquis une valeur législative. Elles pourront échapper au contrôle du juge constitutionnel, à moins que ce dernier n'accepte de considérer une telle violation du droit communautaire comme étant une violation de l'obligation constitutionnelle de respecter les engagements internationaux de l'Etat... Elles pourront aussi échapper au contrôle du juge ordinaire, sauf si ce dernier s'inspire, par exemple, de la jurisprudence française (administrative et judiciaire) en matière de contrôle de la conventionnalité des lois. Mais dans tous les cas, ces juridictions ne disposent d'aucun outil spécifique au droit communautaire : le droit de la CEMAC n'a dans la constitution du 18 janvier 1996 aucun statut particulier ni reconnaissance spécifique.

 

La ratification des traités et conventions de la CEMAC ouvre la voie à un contrôle communautaire des ordonnances. L'absence de contrôle au plan national n'empêche pas, en tous cas, l'examen de la validité des ordonnances présidentielles dans l'ordre juridique de la CEMAC. La Cour de justice de la Communauté, saisie dans le cadre du contrôle de légalité tel qu'organisé par la convention relative à cette Cour, est naturellement compétente pour se prononcer sur la conformité des ordonnances au droit communautaire. Cette perspective intéressante, dont il est souhaitable (pour les délices du juriste comme pour la perspective politique de voir les engagements respectés) que le Conseil des ministres, le Secrétariat exécutif de la CEMAC ou des particuliers se saisissent, ouvrirait très probablement un fort intéressant débat entre autorités nationales et communautaires.

 

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2 avril 2008 3 02 /04 /avril /2008 10:20
 

 

 

 

            IDRISS DEBY ITNO, Président de la République du Tchad, après avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature, vient de gracier les membres de l’Arche de Zoé, condamnés par la Cour criminelle de N’Djaména le 26 décembre 2007. Vous pouvez prendre connaissance sur le site de la Présidence de la République du Tchad du :

compte rendu de la réunion du Conseil supérieur de la magistrature, le 28 mars 2008

http://www.presidencedutchad.org/Activites/Actualites/Compterendu28mars.08.htm

  • décret de grâce du 31 mars 2008

http://www.presidencedutchad.org/Activites/Actes/Decret%20no%20490_fichiers.htm

           

Le dernier acte tchadien de la rocambolesque affaire de l’Arche de Zoé est ainsi consommé.

 

            Quel regard portez-vous sur l’exercice par le Chef de l’Etat de la prérogative régalienne que lui reconnaît l'article 89 de la Constitution de 1996 ? La régularité juridique du décret de grâce est-elle douteuse ? La grâce présidentielle constitue-t-elle en elle-même une négation du pouvoir judiciaire du titre VI de la Constitution de 1996, qui avait été décelée dans l'attitude de défiance des autorités françaises ? Traduit-elle le « fait du prince » dans un système non pas présidentiel mais présidentialiste, où le Chef de l’Etat a pu récemment, avec le consentement ultérieur de l’Assemblée Nationale et sur le fondement de la Constitution, déclarer l'Etat d'urgence pour s'octroyer des pouvoirs exceptionnels ? En somme, quelles leçons de droit constitutionnel faut-il tirer de la grâce accordée par le Président IDRISS DEBY ITNO aux membres de l’Arche de Zoé, qui devront rendre des comptes devant la justice française ?

 

            Au plaisir de lire et publier vos commentaires

 

SB

 

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30 mars 2008 7 30 /03 /mars /2008 11:05

            En Afrique, le Parlement remplit-il mieux qu’hier sa fonction constitutionnelle de contrôleur du Gouvernement ? Nombre d’africanistes succombent à la tentation de répondre péremptoirement par la négative … sans prendre la peine de tirer les leçons de l’actualité constitutionnelle ou d’éprouver des faits incontestables de nature à porter un autre regard sur la vie parlementaire.

            Il convient de verser au débat l’interpellation du Premier Ministre de la République Démocratique du Congo, qui a été récemment reportée pour vice de procédure.

Le 11 mars 2008, Delly SESANGA DJA KASENG, député national MLC (opposition), a pris l’initiative d’interpeller le Premier ministre, un droit que lui reconnaît l'article 138 de la Constitution du 18 février 2006 et qui s’exerce selon la procédure prescrite par les articles 171 à 177 du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale :

Article 171

L’interpellation est une demande d’explication adressée au Gouvernement ou à ses membres, aux gestionnaires des entreprises publiques, des établissements et des services publics les invitant à se justifier, selon le cas, sur l’exercice de leur autorité ou sur la gestion d’une entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public.

Elle peut être initiée à tout moment de la session ordinaire.

En session extraordinaire, l’interpellation ne peut avoir lieu que si elle est préalablement inscrite à l’ordre du jour fixé dans l’acte de convocation.

Article 172

Le député qui se propose d’interpeller le Gouvernement, ses membres, les gestionnaires des entreprises publiques, des établissements ou des services publics, fait connaître au Bureau de l’Assemblée nationale l’objet de son interpellation par une déclaration écrite.

Article 173

Le Bureau de l’Assemblée nationale inscrit l’interpellation à l’ordre du jour de la séance la plus proche, au cours de laquelle son auteur est invité à en exposer le contenu et les motifs à l’Assemblée plénière.

Si l’objet de l’interpellation est approuvé, elle est inscrite en priorité au calendrier des travaux.

Article 174

L’interpellé se présente devant l’Assemblée nationale dans le délai de huit jours francs à dater de la notification de l’interpellation.

Si l’objet de l’interpellation concerne la politique générale du Gouvernement, le Premier Ministre est chargé d’y répondre.

Article 175

A la plénière de l’Assemblée nationale programmée à cet effet, l’interpellé donne ses explications après l’exposé de l’interpellateur.

Le Président ouvre le débat en invitant les députés inscrits à faire leurs interventions.

Ces interventions sont suivies par la réponse en réplique de l’interpellé. Le débat est clos par la dernière réplique de l’interpellateur.

Article 176

Les conclusions du débat comportant, le cas échéant, les recommandations ou les motions de l’Assemblée nationale, font l’objet d’un rapport approuvé par la plénière et transmis, selon le cas, au Président de la République, au Premier ministre, au Ministre de tutelle par le Bureau de l’Assemblée nationale dans les soixante douze heures suivant la clôture du débat.

Au cas où les recommandations contiennent des propositions de sanctions et que dans les trente jours qui suivent la transmission du rapport au Président de la

République, au Premier ministre et au Ministre de tutelle, ces sanctions ne sont pas prises, le Président de l’Assemblée nationale saisit l’autorité judiciaire compétente conformément à la loi.

Article 177

En cas de refus de l’interpellé ou s’il se présente après le délai ci-dessus, le Bureau adresse un rapport circonstancié approuvé par la plénière avec ses recommandations au Président de la République si l’interpellé est le Premier ministre ; au Premier ministre si l’interpellé est membre du Gouvernement ; au Ministre de tutelle, s’il est gestionnaire d’une entreprise publique, d’un établissement ou d’un service public.

 


 

 

            La motion inédite d’interpellation du chef du Gouvernement est intervenue dans un climat politique tendu, marqué par les discours de rentrée parlementaire du 15 mars 2008, prononcés par des personnalités proches du pouvoir : Vital KAMERHE, Président de l'Assemblée Nationale, et Léon KENGO WA DONDO, Président du Sénat, ont fait publiquement l’inventaire sans complaisance des graves problèmes sécuritaires, économiques et sociaux, que rencontre la République Démocratique du Congo. Delly SESANGA DJA KASENG, député de l’opposition, n’a fait, en somme, que développer, dans le texte de son interpellation, l’appréciation critique d’une année de Gouvernement d’Antoine GIZENGA, que partageaient la plupart des parlementaires, de retour de leurs circonscriptions. Son initiative de mettre en cause directement le Premier ministre rencontrait aussi la volonté des présidents des assemblées de rehausser l’institution parlementaire. C’est à ce double titre que la lecture du texte de l’interpellation, publié par le journal "La Prospérité", s’impose :

 

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

 Au moment où le Gouvernement que vous dirigez accomplit, ce 24 février 2008, un an de service dans le cadre de cette première législature de la 3ème République, soit 20% de sa durée théorique maximale ; il est venu le temps, ainsi que vous vous étiez engagé devant la représentation nationale, de rendre compte sur la politique conformément à l’article 91 alinéa 2 de la Constitution. Prenant appui sur les articles 100 al.2 et 138-3 de la Constitution et 152- 3, 171,172 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, j’ai l’honneur de vous interpeller conformément à l’article 174 alinéa 2 du Règlement intérieur précité, sur l’exercice de votre autorité, comme chef du Gouvernement, dans la conduite de la politique générale du Gouvernement sur les points qui suivent.

 Excellence Monsieur le Premier ministre,

Notre interpellation n’est pas fondée sur des considérations générales. Elle vise contrôler la manière dont vous avez exercée votre autorité au service des engagements que vous avez librement pris devant l’Assemblée nationale, lors de votre investiture en février 2007 ainsi que lors de la présentation des budgets 2007 et 2008.

Dés lors que l’Assemblée nationale avait adopté, après débats, votre programme ; celui –ci est devenu le cadre de référence dans la conduite des affaires de l’Etat. Il s’impose ainsi comme l’unité de mesure de votre responsabilité constitutionnelle devant l’Assemblée nationale.

C’est donc à lui, et à lui seul, que nous nous référons dans le cadre de la présente interpellation.
A ce sujet, notre préoccupation réside dans les contre performances enregistrées et qui mettent en cause sa réussite, hypothéquant ainsi l’avenir de ce Congo dont vous avez nourri l’ambition d’en assurer le redressement dans un plus bel élan.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Il vous souvient que lors de votre discours d’investiture vous aviez, avec raison, stigmatisé la précarité de la situation du congolais, que vous aviez, considérée comme la résultante, je cite, entre autres : « du démantèlement des piliers essentiels du pouvoir étatique, le manque de rigueur dans la gestion des ressources financières et économiques, l’érosion monétaire due à la gestion irresponsable des finances publiques et de la monnaie ainsi que le pillage et l’exploitation de ressources naturelles ». Et vous diagnostiquiez que : « tout cela n’est pas ni de l’incapacité des dirigeants, mais les conséquences d’une œuvre de destruction et de spoliation des régimes de domination, qui affaiblit un peuple en lui enlevant tous les droits. »

Conscient de la situation préoccupante du moment, vous avez proposé dans un élan volontariste de rupture un programme de refondation axé sur :

• la consolidation de la Nation, la construction de l’Etat et la restauration de son autorité ;

• la relance de l’économie,

• la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales,

• la restauration de la famille et des valeurs sociales avec un accent particulier sur la lutte contre la corruption, sous toutes formes, et contre l’immoralité politique.

A l’analyse, nous sommes aujourd’hui préoccupés par le niveau de réalisation des facteurs et des repères que vous avez soulignés, comme la clé de réussite de votre programme.

D’où l’objet de la présente interpellation.

C’est donc sur la foi des engagements de votre programme que nous souhaitions avoir des éclairages sur leur mise en œuvre, conscient de la lourde et délicate mission qui est la vôtre à la tête du Gouvernement de la République.

1. SUR LE PLAN DE LA CONSOLIDATION DE LA PAIX ET DE LA NATION AINSI QUE DE LA RESTAURATION DE L’AUTORITE DE L’ETAT

Le contrat de gouvernance, que vous décriviez comme l’innovation de taille dont le peuple appréciera la pertinence et l’impact dans les prochains mois tarde à donner la mesure des résultats spectaculaires que vous lui assigniez.

Dans le cadre du Contrat de Gouvernance, vous vous êtes néanmoins engagé à mettre en place des institutions sécurité des personnes et de leurs biens, la sécurité juridique et judiciaire, la transparence dans la gestion, l’obligation de rendre compte et l’obligation de réaliser des résultats. Vous avez, à cette occasion, ciblé les domaines prioritaires que sont l’intégration de l’armée, la démobilisation et la réinsertion ainsi que la modernisation de la police et du système judiciaire.

A. La défense nationale et sécurité : Armée et Police nationale

Concernant la réforme de l’Armée, la question à cette étape consiste à savoir quelle est votre politique dans la conduite de ce processus en vue de doter notre pays d’une armée opérationnelle, disciplinée, dissuasive et moderne, capable de sécuriser nos populations et nos frontières. Combien a coûté le processus ?

Combien vous faut- il pour parachever l’intégration de l’armée et en combien de temps ? L’opinion aura noté qu’il aura fallu un an presque pour que le Gouvernement consente à tenir une table ronde sur la sécurité. Qu’est- ce qui explique un temps si long sur un sujet aussi urgent que sensible ? Dans quels délais peut- on alors espérer, au niveau du Parlement, obtenir la loi sur la programmation militaire que vous avez promise lors de votre investiture ? Vous avez fait du contrôle de nos frontières l’une de vos missions de premier plan. Vous proclamiez alors qu’elle est une garantie de votre politique de paix et de bon voisinage. Comment sont gardées nos frontières ? Après l’affaire de KAHEMBA, quelle est la politique menée pour assurer nos citoyens sur le respect de l’intégrité de nos frontières ? Quant à la sécurité des biens et des personnes, vous vous êtes engagé à améliorer, de manière significative, le service public de la Police nationale. Vous avez promis les actions urgentes en vue de renforcer la sécurité des biens et des personnes. Où en êtes- vous avec l’engagement de ces actions et en quoi elles consistent d’autant que la dégradation de la situation sécuritaire n’est plus l’apanage des zones de conflit de notre pays, mais est devenue le lot quotidien de toutes les agglomérations de la République où on assiste à la recrudescence des viols et braquages des paisibles citoyens sans que la justice promise ne s’en suive. Elle est où cette police en nombre et en qualité que vous avez promise pour sécuriser les biens et les personnes ? Pouvez- vous expliquer à la représentation nationale pourquoi l’opinion nationale a le sentiment que le recours à la force dans les opérations de maintien de l’ordre donne lieu à un usage disproportionné de la force publique, au détriment des droits de l’homme ? La Constitution place les services de sécurité sous l’autorité du Gouvernement. Quelles sont les actions que vous avez entreprises dans la perspective d’avoir l’autorité effective sur ces services, mais aussi quelles sont les mesures envisagées pour asseoir leur restructuration en vue d’adapter leur fonctionnement au nouveau contexte démocratique ?

B. Justice : Indépendance du pouvoir judiciaire et réforme de la Justice

Lors de votre investiture, vous aviez engagé le Ministre de la Justice à accélérer la mise en œuvre de la réforme qui garantirait l’indépendance du pouvoir judiciaire. Où en sommes nous avec cette réforme ? Et surtout, comment expliquez- vous que vous ayez engagé le Gouvernement dans la violation de l’indépendance du pouvoir judiciaire avec les récentes nominations des hauts magistrats ? Quelle a été l’urgente nécessité qui vous donne autant des libertés avec la Constitution ? Quelle est l’orientation que vous donnez à cette réforme ? Quelle est la nature de l’accélération que vous entendez lui imprimer et dans quel horizon de temps cette réforme sera-t- elle appliquée et pour quels résultats ? Quel en est le coût ? Dans la lutte contre l’impunité, le ministre de la Justice était chargé d’établir un contrat de performance avec les organes de poursuite dont l’inexécution devait entraîner, ipso facto, la relève de fonctions des responsables inefficaces. Où en sommes-nous avec l’élaboration de ce contrat de performance ? Et quels en sont les termes de référence ?

L’accélération de la décentralisation

Vous aviez annoncé du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, l’engagement des actions d’urgence pour accélérer la mise en œuvre de la décentralisation et redynamiser l’administration de la proximité sur ce volet, vous aviez promis trois projets de loi portant respectivement sur Conseil économique et social que la loi financière. A ce jour, aucun de ses projets de loi n’a été déposé au Parlement. Pourquoi ? Comment, par ailleurs, entendez-vous accélérer la mise en œuvre de la décentralisation sans que votre Gouvernement ne puisse se donner des instruments financiers cités ci haut, promis en urgence ? Y a- t- il un sens à l’urgence lorsque vous évoquez celle-ci ? A quelle durée et à quel rythme cela correspond-t-il ?

C. Le pluralisme politique : réforme des médias publics et dialogue avec l’opposition

Vous avez fait de la communication l’un des secteurs clés de votre action gouvernementale. A cet effet, vous aviez promis la reconfiguration du paysage médiatique pour coller aux réalités et faire de la radio et de la télé nationales des véritables médias publics, accessibles à tous les courants de pensée. Et, vous vous êtes engagé pour la révision de la législation de la communication et une nouvelle politique d’attribution d’aide publique.

Où en sommes nous avec cette réforme annoncée ? Comment pouvons-nous expliquer que les antennes de la RTNC soient plus fermées qu’avant à la diversité d’opinions, d’autant que les émissions de débat politique contradictoire ont disparu de la grille des programmes ?

En démocratie ouvert, vous aviez pris l’engagement d’avoir un dialogue et d’être à l’écoute de l’opposition. Par quel mécanisme assurez-vous ce dialogue et comment êtes-vous à l’écoute de l’opposition un an après ?

E. La moralité publique : la responsabilité politique au seuil de la lutte contre l’impunité

Vous avez pris le ferme engagement de coopérer étroitement et en toute transparence avec le parlement, et vous renchérissez qu’il en sera le cas même lorsqu’il y aura des désaccords.

A cet effet, vous avez solennellement dit, je cite : ‘‘Je m’engage en particulier sur trois points » ;
‘‘Premièrement, si un membre du Gouvernement n’est manifestement pas à la hauteur de sa tâche, où s’il manque aux obligations que lui impose sa charge, je n’hésiterai pas à lui demander sa démission.

‘‘Deuxièmement, je reconnais l’importance du contrôle démocratique exercé par l’Assemblée nationale. Je m’emploierai donc à fournir rapidement toutes les informations nécessaires à cet effet.

‘‘Troisièmement, je maintiendrai un dialogue régulier avec l’Assemblée nationale ; notamment à travers les engagements de transparence souscrits dans le contrat de gouvernance.

‘‘Quatrièmement, mon Gouvernement sera proche de l’opposition et sera en permanence à son écoute’’.
Au bout d’un an d’exercice, lequel de ces points a été respecté ? A chaque fois que le Parlement a exercé le contrôle de l’exécutif, mieux vous avez fait la sourde oreille aux désapprobations du parlement, pire vous l’avez défié en assumant l’épreuve de force, en vous abritant derrière la majorité pour évacuer ses réprobations les plus totales et absolues.

A quels principes de refondation, mettez-vous votre poids moral qui est certain dans notre pays ?
Concernant les incompatibilités qui frappent certains membres du Gouvernement par rapport à leurs fonctions au sein des organes dirigeants des partis politiques, vous vous êtes engagé en tant que Chef du Gouvernement pour qu’après leur investiture, tous les membres du Gouvernement se mettent en règle par rapport à la Constitution et à la loi.

Et pourtant, de façon encore ostentatoire, les membres du Gouvernement se revendiquent encore d’assumer des fonctions dans leurs partis politiques, qui ont été convertis en fonctions honorifiques sous des appellations diverses qui ne cachent rien de la réalité du détournement de la loi.

II. SUR LE PLAN ECONOMIQUE ET FINANCIER

Vous aviez annoncé avoir levé l’option de l’économie sociale du marché qui sera concrétisée par des réformes structurelles et sectorielles que vous alliez engager et expliquer dans le plan d’action sectoriel de chaque département ministériel.

 A. Le chantier des réformes structurelles et sectorielles

L’engagement du Gouvernement était de déposer au cours de la session d’avril 2007 une loi-cadre regroupant les réformes prioritaires en vue de répondre aux exigences d’un cadre incitatif au développement des investissements privés et des affaires.

Pourquoi ces plans d’action sectorielle des ministères, en fait des différents secteurs clés de l’économie, ne sont jamais venus pour concrétiser la promesse du Gouvernement ? Dès 2007, il avait été promis un plan d’action avec une feuille de route précise, à la fois réaliste et ambitieuse pour tenir compte du programme d’urgence. Il n’est jamais venu.

Faut-il rappeler que vous aviez promis que le Gouvernement déposera son plan détaillé et chiffré avec les séquences opérationnelles et les différents cadres sectoriels à court et moyen termes à l’occasion du dépôt de la loi budgétaire.

A l’occasion des dépôts des projets de loi budgétaire en 2007 et 2008, rien de tel n’est venu constater ces cadres sectoriels.

Au mois d’Avril 2007, la loi cadre sur les réformes promises n’est pas venue concrétiser la promesse gouvernementale.
Vous aviez pris l’engagement de relever les recettes de l’Etat en recourant notamment, dans le cadre des réformes fiscales et douanières, à la mise en place d’un partenariat public-privé pour renforcer le mécanisme de perception des droits de douanes en assurant plus d’efficacité et de transparence. Ce choix existe-t-il toujours ? Où en sommes-nous avec sa mise en œuvre ? Si tel n’est pas le cas, quelles sont les motivations qui ont justifié le revirement du Gouvernement ?

En vue de favoriser l’investissement direct étranger et le partenariat public-privé, vous vous étiez engagé à mettre fin aux monopoles inutiles, de fait comme le droit, dans le domaine de la production. Vous visiez alors le secteur de l’eau, de l’électricité, des transports, des travaux publics, de l’habitat, des assurances et de la sécurité sociale.

Quels sont les secteurs qui sont en voie d’être ouverts à la concurrence ? Quelles sont les dispositions légales et règlementaires que votre Gouvernement s’apprête à prendre dans cette réponse ?

B. La lutte contre les inégalités : le chômage et la hausse de prix

Vous aviez martelé que la lutte contre le chômage n’est pas une priorité, mais qu’elle est la priorité des priorités. Combien d’emplois ont été générés depuis ? Le Forum sur l’emploi s’est-il tenu ? Quels en ont été les termes de référence ? Vous aviez promis, par un choix politique difficilement tenable dans le contexte actuel, les embauches dans l’administration publique pour résorber une partie du chômage. Avez-vous répertorié les postes disponibles et combien d’embauches ont été opérées ? Et surtout où en êtes-vous avec la politique active et responsable promise en matière de la gestion de la paie du personnel civil et militaire de l’Etat ?

En attendant la restructuration d’un certain nombre des secteurs en vue de libérer les énergies et notamment de favoriser la création d’emploi ; le potentiel d’emplois dans les domaines des services, des transports et de l’énergie est gelé par l’inaction du Gouvernement, mettant en cause les perspectives d’une amélioration de l’emploi par le secteur privé. Celui-ci a remis, par l’intermédiaire de la FEC, un document sur les réformes essentielles à conduire, dont certaines sont rapides à déployer. Que fait le Gouvernement dans ce secteur de la conduite des grandes réformes économiques et à quand les plans sectoriels de travail ?

Toujours sous le sceau de l’urgence, vous aviez promis d’engager la réforme de la sécurité sociale et la transformation de l’INSS. J’avais personnellement trouvé que cet engagement en valait la peine.

Pouvez-vous, Excellence Monsieur le Premier Ministre dire à l’Assemblée nationale, et à travers elle aux millions des bénéficiaires légaux des prestations de l’INSS, où en êtes-vous avec cette réforme urgente et en combien de temps pensez-vous la faire aboutir ?

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

En novembre 2007, vous affirmez à l’Assemblée nationale d’avoir non seulement réussi à stabiliser la monnaie ainsi que les prix des biens et services sur les marches mais résorbé le déficit public. Et pourtant, la reprise de l’inflation au cours de ce premier trimestre a fait voler en éclat le cadrage macroéconomique très optimiste de votre Gouvernement. Avec ce dérapage, la flambée des prix confine aujourd’hui nos populations dans une plus grande misère, rivées à la pauvreté abjecte, mettant en cause les améliorations de certains salaires consenties votre Gouvernement.

Les augmentations consenties étant captées par la hausse des prix ; les inégalités et la pauvreté reprennent le dessus dans la vie quotidienne de nos populations.

Qu’entend faire votre Gouvernement face à cette réalité ? Quel est le sens que vous donnez à la lutte contre les inégalités dans votre programme ?

C. La gestion des finances publiques : le point d’achèvement

Dans le cadre de la Bonne Gouvernance sur le plan des finances publiques, vous vous êtes engagé, vu le résultat les résultats de la gestion antérieure que vous avez eu raison de critiquer fortement, à restructurer la gestion des finances publiques de sorte à les rendre transparentes ainsi que ka gestion des ressources naturelles.

Vous aviez, à l’occasion de la présentation du budget 2007, présenté une situation résultante des finances publiques avec les économies budgétaires réalisées de plus de 50 milliards CDF. Et vous affirmiez avoir consacré plus de la moitié aux opérations de sécurisation de l’Est du pays. Cependant, le Gouverneur de la Banque centrale vous a récemment contredit en soulignant l’absence de la discipline budgétaire et le relâchement de la politique monétaire.

Comment expliquer, Excellence Monsieur le Premier Ministre que malgré les resserrements de la politique budgétaire et la conduite de la politique monétaire prudente, dont vous étiez fait le garant en novembre 2007, le pays se soit retrouvé dans une forte perturbation économique en fin décembre 2007 au point que la perspective de conclure un programme formel avec le FMI soit remis à plus tard.

Puisque vous évaluez conformément au DSCRP, à 14 milliards de dollars américains pour les trois premières années (2007, 2008, 2009), vous rassuriez alors que cette hypothèse repose sur votre détermination à conclure dans un bref délai un programme avec les institutions financières internationales. Quel est le cap de financement à ce jour et aussi quel est l’impact de la non conclusion d’un accord formel avec le FMI, alors que nous sommes pratiquement à la moitié de la période à financer ?

Plusieurs d’entre nous députés, avions à l’époque suggéré, Monsieur le Premier Ministre, de dresser un chemin critique qui sécurise l’accès du pays au point d’achèvement.

Vous aviez semblé considéré cela comme dérisoire. Car, vous répondiez en ces termes : ‘‘s’agissant du chemin critique vers le point d’achèvement …il sera développé dans le plan d’actions détaillé qui va accompagner le dépôt du projet de la loi budgétaire 2007’’.

Et, si vous estimiez qu’en ce moment là il était hasardeux, voire irresponsable, de présenter un chemin critique vers le point d’achèvement, sans états des lieux exhaustifs et sans connaître réellement l’héritage légué par le Gouvernement ‘‘1+4’’, lors du dépôt du budget 2007, ni le plan d’actions détaillé, ni l’origine des ressources, toutes choses promises en même temps, le chemin critique vers le point d’achèvement n’ont été présentés dans le budget 2007  et pourtant, en novembre 2007, vous affirmiez ici que vous aviez accompli et réussi à :

- Sortir le Gouvernement congolais de la spirale du financement monétaire, responsable de la dépréciation constante de notre monnaie ; - Respecter les critères devant conduire à la conclusion prochaine d’un programme formel qui bénéficiera de l’appui financier des partenaires extérieurs et à engager résolument le pays sur la voie du point d’achèvement et de l’annulation de sa dette extérieure à l’horizon 2008.

- Est-ce l’excès d’optimisme ? Ou encore les choses vous ont échappé ? Ou encore que la détermination a fait défaut ?

Le résultat aujourd’hui, Excellence Monsieur le Premier Ministre, est là ; la réalité financière vous rattrape et avec vous, le pays n’a pas atteint le point d’achèvement en 2007, et ce ne sera pas 2008, le plus tôt et au mieux c’est 2009 et voire 2010.

Quand est-ce que le pays atteindra le point d’achèvement de l’initiative PPTE ? Et quand est-ce que votre Gouvernement va être en programme avec le FMI ? Qu’est-ce qui vous empêche d’y parvenir ? Acceptez-vous d’en dressez un chemin critique responsable ?

D. La tolérance zéro du secteur minier

Quelle est au demeurant, le sens d’une politique de révisitation des contrats assortie d’une politique de signature concomitante d’autres contrats dans des termes identiques ?

Vous vous engagez dans le cadre du partenariat avec la Chine dans la signature des nombreux contrats dont l’objet viserait à couvrir le part des engagements de l’Etat congolais dans le programme d’infrastructures à construire.
Pouvez-vous expliquer à l’Assemblée nationale pourquoi les résultats de révision des contrats miniers ne sont pas toujours mis à la disposition ?

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Vous aviez pourtant promis d’observer une tolérance zéro dans le secteur minier et de dénoncer les éventuels aspects léonins ou les mauvaises applications éventuelles des contrats des secteurs minier, forestier, des télécommunications et autres.

E. La politique des investissements publics : exigence de transparence

Vous avez pris l’engagement de soumettre au Parlement une loi de programmation des investissements. Mais c’est par les médias que les représentants du peuple apprennent que certains ministres ont décidé du gros des infrastructures à bâtir. Ces infrastructures sont par ailleurs inégalement réparties sur l’étendue de la République.
Quand est- ce que cette loi viendra ? Quelle sera sa portée dès lors tout aura été vidé de sens préalablement ?

F. La cerise sur le gâteau : des nouvelles technologies aux sports de vacances

Le Gouvernement entendait, dans le domaine de la recherche scientifique et des nouvelles technologies des actions ciblées qui seront définies dans le plan détaillé et qui devait être présenté dans le projet de loi budgétaire 2008.

Quels sont ces domaines de recherche et des nouvelles technologies où les actions ciblées ont été menées avec quels résultats ?

A la nombreuse jeunesse de notre pays, vous avez promis l’organisation des sports de vacances.
Quand est-ce que ces sports de vacances sont programmés et quelles vont être les parties prenantes ?

Enfin, nous avions été frappés par le souci de la culture de votre Gouvernement. Il y avait là lieu d’innover et nous attendons toujours l’inventaire du patrimoine culturel, matériel et intellectuel pour en préserver la qualité, comme vous l’aviez suggéré.

 
Delly SESANGA DJA KASENG

Député National

[Continuez et terminez la lecture de l'article en cliquant http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-18259963.html]
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30 mars 2008 7 30 /03 /mars /2008 11:03
[Suite et fin de

* Interpellation du Premier Ministre Gizenga en RD du Congo : les leçons du report http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-18259749.html]



Une Constitution s’use lorsque les acteurs constitutionnels ne s’en servent pas. Tel n’a pas été le cas en l’espèce.

La motion d’interpellation du député Delly SESANGA DJA KASENG a été traitée, lors d’une "session haute tension!", suivant les prescrits du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, qui développe les articles 112 et 138 de la Constitution de 2006.

  • Les soutiens de l’exécutif n’ont pas empêché l’inscription de l’interpellation du Premier ministre sur l’agenda de l’Assemblée Nationale. Ainsi,  La conférence des présidents a fait figurer la motion déposée pour le compte de l’opposition parlementaire sur le projet de calendrier des travaux de la première session ordinaire 2008, qu’elle a arrêté, conformément à l'article 51 du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale.
  • Le Président de l’Assemblée a soumis ce projet à l’assemblée plénière, « organe suprême de l’Assemblée Nationale » qui a seule compétence pour fixer l’ordre du jour selon l'article 8 du Règlement intérieur.
  • Lors de la plénière du 20 mars 2008, la recevabilité de la motion d’interpellation a été discutée et rejetée, comme le relate le journal "Le Potentiel" dans un compte rendu fort instructif :   

« Le débat a tourné donc autour des articles 61, 171,172, 173 et 174 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Au moment où le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, a demandé au député Sessanga Impungu, auteur de l’interpellation, de la lire, le député Emery Okundji, par motion, a suggéré au président de l’Assemblée nationale de suspendre la séance en attendant que les textes soient distribués à tous les députés pour qu’ils en prennent connaissance et réagissent en connaissance de cause. Et ce en conformité avec l’article 61 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale [« Les documents à soumettre aux délibérations des membres de l’Assemblée plénière, sont distribués quarante-huit heures au moins avant les séances, sauf cas d’urgence. »]. Son collègue Bofassa Djema a répliqué en s’appuyant sur les articles 172 et 173 du même Règlement intérieur qui n’imposent pas que le texte soit distribué au préalable. Il en est de même du député Lomeya qui a estimé par sa part, dès lors que le bureau de l’Assemblée nationale est saisi, cette interpellation est d’office initiée. Non, ont rétorqué les députés Munday et Tshibangu qui ont évoqué l’article 171, lequel souligne que l’interpellation peut intervenir à tout moment, mais pendant « la session ordinaire ». Or, le député Sessanga a déposé l’interpellation le 11 mars au bureau de l’Assemblée nationale alors que la session ordinaire s’est ouverte seulement le 15 mars. Le fait s’étant produit hors délai, cette interpellation n’engage par la session. Et qu’en plus, l’interpellation est initiée par le député, son auteur, et non le bureau ou l’Assemblée nationale, ont-ils soutenu.

La voie de sortie pour les départager a été proposée par le député Jean-Claude Vuemba. Etant donné que le gouvernement s’est excusé pour des raisons d’Etat, avec la réunion du Conseil des ministres ce vendredi à Matadi, au Bas-Congo, il a invité son homologue Sessanga, au regard de la pertinence des observations soulevées, particulièrement l’article 171, de reprendre la procédure. Proposition acceptée par le député Sessanga qui a décidé de se référer à sa famille politique afin de se conformer au Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. « En droit, la forme prime sur le fond », a-t-il reconnu. C’est sur ce ton plein de sagesse que le président de l’Assemblée nationale a clos le débat sur ce point ».

 

En attendant l’acte II, l’affaire de l’interpellation du Premier ministre Gizenga mérite attention. Comment analyser le recours effectif à la Constitution pour activer un spectaculaire instrument de contrôle parlementaire et fixer son sort ? S’agit-il seulement, sous couver du droit, d’un règlement de comptes entre les composantes de la majorité présidentielle hétéroclite qui soutient Joseph KABILA ? Faut-il y voir une « fronde parlementaire » prometteuse – inimaginable dans la France d’aujourd’hui qui pourrait réformer ses institutions en copiant les africains -, une avancée de l'Etat de droit et de démocratie pluraliste, ou encore l’espoir d’une pacification durable de la politique par la Constitution ? Ces questions se posent avec d’autant plus d’acuité que la Constitution du 18 février 2006 a subi certaines attaques, avec, d’une part, la tentative avortée de l’automne 2007 de procéder à de réviser précocement la loi fondamentale pour attribuer au Chef de l'Etat la présidence du Conseil supérieur de la magistrature, et, d’autre part, les ordonnances présidentielles du 9 février 2008 de purge de la magistrature. Le pouvoir législatif, à la différence du pouvoir judiciaire, serait-il en passe de s’émanciper de l’exécutif, nonobstant le présidentialisme ? En somme la Constitution du 18 février 2006 pourrait-elle générer de « bons » usages du droit ?

 *

Amis et visiteurs de LA CONSTITUTION EN AFRIQUE, je vous invite à laisser vos commentaires, à séparer le bon grain de l’ivraie pour tirer les leçons de l’acte I de l’interpellation du Premier ministre Gizenga. 

Au plaisir d’échanger

 

SB

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28 mars 2008 5 28 /03 /mars /2008 07:43
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LA CONSTITUTION EN AFRIQUE a six mois.

Un détour par les statistiques permet de mesurer le chemin parcouru, depuis le précédent bilan : 2007 sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE. Selon OVER-BLOG, le site a accueilli, jusqu'au 27 mars 2008, 15 884 visiteurs uniques et 52 404 pages ont été vues. C’est là un réel succès, au regard des chiffres affichés, au même terme, par le blog français de droit constitutionnel.

Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui font vivre et grandir LA CONSTITUTION EN AFRIQUE. Grâce à vous, s’est installé dans la blogosphère juridique un espace inédit où le(s) droit(s) constitutionnel(s) d’Afrique gagnent en visibilité et sont appréhendés autrement. Je compte sur vous pour que ce mouvement se poursuive et s’amplifie : vos suggestions, vos commentaires, mais aussi vos contributions sont très attendus. Adressez-les à la-constitution-en-afrique@voila.fr.

Je forme le vœu que 2008 soit l’année d’une plus grande interactivité sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE .

Au plaisir d’échanger

 

SB

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25 mars 2008 2 25 /03 /mars /2008 11:49

 

Le chantier constitutionnel ne semble jamais clos en Afrique.

2008 s'annonce comme l'année des révisions constitutionnelles de plus ou moins grande ampleur : le pouvoir de révision souverain devrait intervenir

- au Cameroun pour permettre à Paul Biya de briguer un nouveau mandat présidentiel ;

- au Bénin pour un toilettage consensuel de la Constitution de 1990 ;

- ou encore au Sénégal pour faire renaître la Cour suprême.

Le Mali doit être ajouté à la liste des pays ayant succombé à la « fièvre révisionniste » : avec l'installation, le 28 février 2008, d'un comité d'experts chargée de la réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali, le Président Amadou Toumani Touré vient d'ouvrir une étape décisive dans le processus - quasi-permanent - de relecture des textes fondamentaux, dont la Constitution du 25 février 1992.  Le comité, qui devra remettre son rapport d'ici le 31 août 2008, est composé comme suit, d'après koulouba :


Président
 : Monsieur Daba DIAWARA

1er Rapporteur : Monsieur Moustapha Sidi Mahamane CISSE

2ème Rapporteur : Monsieur Sékou Mamadou Chérif DIABY

Membres :

1. Monsieur Mohamed TRAORE, Professeur

2. Monsieur Mamadou SISSOKO, Administrateur Civil

3. Monsieur Modibo DIAKITE, Professeur

4. Madame M'Bam DIARRA N'DOURE, Avocat

5. Monsieur Makan Moussa SISSOKO, Professeur

6. Monsieur Sina Aliou THERA, Administrateur Civil

7. Monsieur Harouna BARRY, Chargé de Mission à la Présidence de la République

8. Madame BERTHE Mariétou MACALOU, Administrateur Civil

9. Madame KANTE Hawa KOUYATE, Magistrat

10. Monsieur Oumar KANOUTE, Professeur

11. Monsieur Seydou Nourou KEITA, Administrateur Civil

12. Monsieur Abdoulaye SIDIBE, Journaliste et réalisateur

13. Madame TOURE Safiatou TOURE, ancien député.

 

Le Président de la République a adressé publiquement sa « feuille de route » au comité Diawara :

 

LA LETTRE DE MISSION

adressée par le chef de l'Etat

à l'ancien Ministre Daba Diawara

Source : koulouba

 

Monsieur le Ministre,

Le 31 mars 1991, par l'Acte constitutionnel N° 1/CTSP, le Comité de Transition pour le Salut du Peuple a rétabli le pluralisme politique dans notre pays.

La Constitution (actuelle), qui fixe l'organisation et le fonctionnement de nos institutions, a près de seize ans. Elle est issue des travaux de la Conférence Nationale, tenue en juillet-août 1991. Elle a été adoptée par référendum le 12 janvier 1992 et promulguée le 25 février 1992.

Outre cette loi fondamentale, une loi électorale et une loi portant charte des partis politiques, ont été adoptées.

La Constitution et ces deux lois constituent les textes fondateurs de la démocratie malienne.

Quatre (4) élections pluralistes, présidentielles et législatives, se sont tenues sur leur base en 1992, en 1997, en 2002 et en 2007.

C'est dire que la démocratie est une réalité dans notre pays depuis une quinzaine d'années. Les principes et valeurs démocratiques sont globalement respectés et les acquis sont indéniables.

C'est ce qui vaut à notre pays d'être cité au rang des pays démocratiques du monde.

Cependant, la pratique institutionnelle des quinze (15) années écoulées a mis en évidence un certain nombre de lacunes et d'insuffisances qui constituent des sujets de préoccupation aussi bien pour la société politique que pour la société civile.

Malgré les nombreuses relectures de la loi électorale et de la loi portant charte des partis politiques, le processus électoral et le financement public des partis politiques connaissent encore des lacunes et des insuffisances.

Celles-ci concernent notamment :

 le mode de scrutin,

 la multiplicité des structures intervenant dans l'organisation des élections,

 le faible engagement des partis politiques et des candidats aux différents scrutins,

 la faiblesse récurrente du taux de participation aux différents scrutins en relation avec le mode d'inscription sur les listes électorales et les difficultés rencontrées dans la distribution des cartes électorales,

 la difficulté d'identification des bureaux de vote par les électeurs, - l'absence fréquente des représentants des partis politiques au sein des commissions administratives de révision des listes électorales,

 la fraude électorale,

 le coût élevé des élections,

 le contentieux électoral et,

 l'éligibilité des partis politiques au financement public.

Il convient, certainement, de corriger ces lacunes et insuffisances relevées et, d'une manière générale, d'améliorer notre système électoral et notre mode de financement public des partis politiques.

La démocratie implique que l'opposition ait les moyens politiques, juridiques et financiers lui permettant d'exercer son rôle et que ses droits soient reconnus et garantis.

L'organisation et le fonctionnement des institutions de la République suscitent régulièrement des débats au sein de la classe politique et dans l'opinion publique nationale. Les principales préoccupations concernent les questions relatives aux rapports entre les institutions.

A l'aune de la pratique institutionnelle, il me paraît important de clarifier davantage les compétences des institutions de la République ainsi que les relations entre elles et, au besoin, de recentrer ou de renforcer lesdites compétences.

Je suis convaincu que la vitalité d'une démocratie réside dans sa capacité de se remettre constamment en question. C'est pourquoi, j'ai souhaité vous confier la mission de réfléchir sur notre système électoral et le statut de l'opposition ainsi que sur l'organisation et le fonctionnement des institutions de la République, afin de me faire des propositions visant à conforter le cadre juridique et la pratique de la démocratie.

Pour accomplir votre mission, vous serez assisté d'un comité d'experts que vous présiderez et qui comportera deux rapporteurs. Vous disposerez également d'une équipe d'appui administratif.

Vous pourrez consulter les institutions de la République, les administrations, les partis politiques, les organisations de la société civile et toute personne qualifiée de votre choix.

Je vous saurais gré de bien vouloir me remettre, avant le 31 août 2008, un rapport comportant les conclusions auxquelles vous serez parvenu.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma considération distinguée./.

Amadou Toumani TOURE

 

DISCOURS du 28 février 2008

du Président de la République

lors de la cérémonie de remise de la lettre de mission

à l'ancien Ministre Daba Diawara

Source : koulouba

 

Monsieur le Premier Ministre,

Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,

Monsieur le Président de la Cour Suprême,

Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle,

Monsieur le Président du Haut Conseil des Collectivités,

Monsieur le Président du Conseil Economique, Social et Culturel,

Honorables Invités,

Mesdames, Messieurs

A la veille du 22 septembre 2007, m'adressant à la Nation, en ma qualité de Président de la République, Chef de l'Etat, Gardien de la Constitution et chargé de veiller au fonctionnement régulier des pouvoirs publics, j'ai annoncé ma décision de confier à une éminente personnalité une mission de réflexion sur la consolidation de la démocratie dans notre pays. Par la présente cérémonie, je m'acquitte du devoir de concrétiser cet engagement.

Monsieur le Ministre Daba DIAWARA,

Par décret n°072/PRM du 07 février 2008 je vous ai désigné pour conduire cette mission de réflexion.

La présente cérémonie m'offre l'occasion de vous rappeler qu'en mars 1991, sous la direction du Comité de Transition pour le Salut du Peuple, notre pays s'est engagé résolument dans la mise en place d'un régime politique démocratique et multipartite.

Depuis 1992 nos institutions fonctionnent assez correctement, sur la base des textes fondateurs de notre démocratie, à savoir la Constitution, la loi électorale et la charte des partis politiques.

Notre pays est cité parmi les pays démocratiques du monde. Le peuple malien en est fier. Cependant force est de reconnaître que le pari de la démocratisation n'est pas entièrement gagné.

En effet, la pratique institutionnelle des quinze dernières années écoulées a révélé un certain nombre de lacunes et d'insuffisances qui constituent des sujets de préoccupation aussi bien pour la société politique que pour la société civile.

Ces lacunes et insuffisances concernent notamment le système électoral, le fonctionnement des partis politiques, l'organisation et le fonctionnement des institutions constitutionnelles.

Monsieur le Ministre,

Il s'agira pour le comité d'experts que vous dirigez de tirer toutes les leçons de notre pratique institutionnelle et de me faire des propositions réalistes, visant à rénover nos institutions en vue de consolider notre démocratie. Je vous remercie d'avoir accepté cette lourde responsabilité. Le choix porté sur votre personne n'est pas fortuit.

En effet, nous connaissons vos nombreuses qualités, votre compétence avérée en matière institutionnelle, votre sérieux au travail, votre grande connaissance du domaine politique, votre intégrité morale et surtout votre engagement constant pour la démocratie.

J'ai eu le plaisir de constater que les hommes et les femmes que vous avez choisis pour vous accompagner sont tous des cadres compétents dans des domaines couverts par votre mission .

En vous remettant la lettre qui constitue les termes de références de votre mission, je vous donne l'assurance que vous bénéficierez de toute l'assistance et de tout le soutien nécessaires.

Vous avez mon soutien total et je veillerai à ce que vous travailliez en toute indépendance.

Je vous remercie. Koulouba, le 28 février 2008

 *

Je vous invite à commenter sans modération ces documents d'actualité constitutionnelle. A votre sens, le comité Diawara est-il comparable au comité Balladur qui, à l'automne 2007, a formulé 77 propositions de réforme des institutions françaises et/ou à la commission Glélé récemment installée au Bénin ? Le Président Amadou Toumani Touré est-il en situation de réussir une révision consensuelle de la Constitution du 25 février 1992 ? A-t-il tiré les leçons de l'échec politique du projet de révision de 2001 d'Alpha Oumar Konaré, entériné par la décision de la Cour Constitutionnelle d'invalidation d'une loi de révision ad referendum ? Le cadrage des travaux du comité Diawara par le Président de la République vous paraît-il de nature à écarter toute révision régressive de la Constitution, toute remise en cause des acquis de l'Etat de droit et de démocratie pluraliste au Mali ? Jugez-vous vraiment indispensable que tout ou partie de la Constitution du 25 février 1992 soit révisée?

Vos commentaires sont très attendus.

Au plaisir d'échanger

SB  

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23 mars 2008 7 23 /03 /mars /2008 12:06
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La Constitution sénégalaise de 2001 va être à nouveau révisée. C’est ce qui ressort du communiqué du Conseil des ministres du 21 mars 2008, dont font état nettali et Walfadjiri. Abdoulaye Wade, Président de la République, invite le pouvoir de révision souverain à fusionner en une Cour suprême unique la Cour de cassation et le Conseil d’Etat.

 

Le « troisième pouvoir » devrait connaître un retour partiel à sa situation d’avant 1992. La loi n°92-22 du 30 mai 1992 portant révision de la Constitution de 1963 avait éclaté la Cour suprême en « trois juridictions souveraines :

-         le Conseil Constitutionnel, chargé de veiller au respect de la Constitution,

-         le Conseil d’Etat, pour contrôler l’administration, mais aussi pour la conseiller,

-         la Cour de cassation, qui régulera l’activité des Cours et Tribunaux, assurera l’égalité de tous devant le Droit et garantira la sécurité de l’activité économique ».

Selon l’exposé des motifs - reproduit dans le recueil "Textes constitutionnels du Sénégal" d’ Ismaïla Madior Fall -  « la complexité et la spécificité des différentes branches du Droit se sont considérablement accrues depuis l’Indépendance, au point qu’il est désormais impossible à un juriste, même s’il compte parmi les plus éminents, de maîtriser parfaitement la matière juridique dans toutes ses dimensions. La spécialisation n’est pas un simple choix d’opportunité ; elle est devenue un impératif pour la sauvegarde même de l’institution judiciaire ». Le même impératif avait présidé à la création ultérieure de la Cour des Comptes, par détachement du Conseil d’Etat : la loi n°99-02 du 29 janvier 1999 de révision de la Constitution avait parachevé « la réforme judiciaire entreprise en 1992 », pour tenir compte d’un « formidable mouvement de décentralisation [ayant] pour conséquence une extension des compétences du Conseil d’Etat aux nouvelles personnes morales de droit public issues de la décentralisation et un accroissement réel du volume des affaires attraites devant cette haute juridiction ».

 

Abdoulaye Wade entend revoir et corriger le sommet de l’organisation judiciaire, en instaurant une nouvelle Cour suprême. Il s’agit de rendre la justice davantage performante et moins coûteuse, comme l’a affirmé le Chef de l’Etat, dans son allocution du 23 janvier 2008 lors de la rentrée solennelle des cours et des tribunaux : « Le souci d'efficacité plaide en faveur d'un regroupement de la Cour de Cassation et du Conseil d'Etat en une seule entité. Les autorités politiques sont obligées de prendre en compte la rapidité et la réduction des coûts en tant que critères de choix dans le fonctionnement de la justice ». La fusion des deux hautes juridictions serait justifiée par leur trop faible rendement : « En 2006, la Cour de Cassation a seulement prononcé 11 jugements. Sans remettre en question la compétence des magistrats de cette Cour, on peut légitimement s'interroger sur les dépenses engagées dans le cadre de son fonctionnement ». Un tel raisonnement aurait pu légitimer aussi l’absorption par la nouvelle Cour suprême du Conseil Constitutionnel et de la Cour des Comptes. Mais le Président Wade a décidé de ne pas remettre en cause leur autonomie institutionnelle :

-         Le Conseil Constitutionnel « en 15 ans, n'a seulement rendu qu'une centaine d'arrêts ». « C'est une activité fort limitée, mais compte tenu de la trace symbolique de cette juridiction, il y a lieu de plaider son maintien. Mais, elle ne doit pas seulement s'intéresser aux questions électorales ». Le diagnostic est sévère ; un audit davantage approfondi s’imposerait. Les sénégalais se souviennent qu’en 2001 le Président de la République avait contesté une décision du juge électoral concernant l’utilisation de ses nom et effigie. Et l’opposition n’a de cesse de fustiger les décisions de complaisance du juge constitutionnel que le Chef de l’Etat choisit discrétionnairement. La justice constitutionnelle mériterait certainement une revalorisation consensuelle, pour consolider l'Etat de droit et de démocratie pluraliste et mieux garantir la paix par la Constitution. Telle n’est pas l’option du Président de la République qui ne préconise pas la moindre médication constitutionnelle.

-         Abdoulaye Wade veut préserver l’indépendance et la spécificité de la Cour des Comptes,  « jouant un rôle à la frontière entre le contrôle de gestion, le droit et l'économie ». Selon toute probabilité, les motifs de droit communautaire de la loi n°99-02 du 29 janvier 1999 de révision de la Constitution sont toujours d’actualité : « Le Sénégal entend opter pour une juridiction autonome afin d’avoir une Cour moderne et exemplaire. Cette autonomie est d’ailleurs requise par les instances de l’Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui recommandent également que les juges des comptes soient indépendants et obéissent à des règles très spécifiques ». Ces préconisations ont été suivies d’effets dans la région ; et le Bénin devrait prochainement autonomiser la juridiction supérieure de contrôle des finances publiques, à l’occasion du toilettage à venir de la Constitution de 1990.


Que penser de la disparition programmée du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation au profit d’une Cour suprême nouvelle formule ?
Le constitutionnaliste ne manquera pas d’observer que le projet de révision de la Constitution de 2001 s’inscrit dans un continuum historique : Ismaïla Madior Fall a souligné, dans son ouvrage "Evolution constitutionnelle du Sénégal", que « Le cycle des réformes constitutionnelles … inscrit le Sénégal dans un tourbillon où le Constituant tourne en rond, avec un mouvement de va-et-vient incessant entre des institutions qu’on instaure, supprime ou restaure, sans que la logique qui sous-tend ce mouvement soit toujours motivée par des préoccupations de rationalité démocratique ». Jusqu’ici « L’instabilité et le vertige constitutionnels » ont surtout atteint les institutions politiques ; elles seraient en passe d’atteindre les institutions judiciaires. Au-delà de l’évidente banalisation des révisions constitutionnelles – avérée dans les « vieilles » démocraties -, il convient de s’interroger sur les apports de la Cour suprême nouvelle formule qui se profile. Les usagers et les praticiens de la justice sénégalaise reconnaissent-ils la nécessité de fusionner de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat, alors que le mouvement inverse d’éclatement du pouvoir judiciaire est consacré par pratiquement toutes les constitutions africaines d’aujourd’hui ? Les motifs officiellement avancés en 2008 pour remettre en cause la réforme judiciaire entreprise en 1992 emportent-ils la conviction ? Le projet de renaissance de la Cour suprême obéirait-elle à des ressorts cachés ?

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SB

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16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 18:28
Vous trouverez ci-après le texte de la communication que j’ai présentée, le 5 mars 2008, à la Sorbonne, à l’occasion de la conférence "Révisions constitutionnelles en Afrique. Le Cameroun marche-t-il vers le chaos?". Je vous invite à le commenter sans modération.
 
 
LE POUVOIR DE REVISION
PEUT-IL TOUT FAIRE ?
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
 
Le pouvoir constituant originaire fait la Constitution. Le pouvoir de révision constitutionnelle aussi appelé pouvoir constituant dérivé – refait ou défait la Constitution, dans le respect des prescriptions constitutionnelles prévues à cet effet.
LE POUVOIR DE REVISION PEUT-IL TOUT FAIRE ?
C’est en constitutionnaliste, sans parti pris, que je voudrais, avec vous, apporter des éléments de réponse à cette question d’actualité aussi centrale que délicate. La réflexion s’inscrit dans un contexte singulier en Afrique, celui d’une  d’un néo-constitutionnalisme libéral qui tend à succomber sous les coups de révisions régressives, parfois initiées peu après la promulgation de la Constitution, comme en République Démocratique du Congo à l'automne 2007. Un chef de l’Etat peut-il impunément faire changer par une représentation nationale complice l’œuvre du constituant des années 1990 et 2000 ? Des révisions sur-mesure peuvent-elles venir - ouvertement ou subrepticement - défaire sans limite la Constitution originelle, pour créer un sénat d’inspiration bonapartiste[1], supprimer le second tour de l’élection présidentielle[2], coupler les élections législatives et présidentielles[3], ou encore rétablir la possibilité d’être président à vie[4] ? Le juge constitutionnel est-il contraint d’avaliser des révisions rejetées par l’opposition, comme le Conseil Constitutionnel du Burkina Faso en 2005 ? Ces interrogations sont au cœur de l’actualité constitutionnelle africaine, une actualité largement méconnue et passablement déformée.
S’interroger sur la latitude laissée en droit au pouvoir de révision, c’est entreprendre de réfléchir sur l’un des sujets les plus complexes, les moins évidents de la science du droit constitutionnel. Comment concevoir qu’un pouvoir soit tout à la fois souverain et limité ? Tentons d’énoncer la problématique. L’expérience démontre qu’une Constitution ne peut prétendre à l’éternité ; il est donc sage qu’un pouvoir - le pouvoir de révision – puisse compléter, actualiser ou, même, corriger l’œuvre du Constituant originaire, pour lui permettre de résister à l’épreuve du temps. Mais il serait déraisonnable que le pouvoir de révision puisse totalement disposer, comme il l’entend, de la Constitution, qu’il puisse défigurer la « norme des normes » de tout Etat de droit et de démocratie pluraliste. Le pouvoir de révision ne peut être qu’un souverain limité, soumis à la volonté constituante initiale. Seulement, dans quelle mesure le Constituant originaire peut-il enchaîner le pouvoir de révision, le soumettre à une volonté politique d’un autre temps ? L’excessive « pétrification » de la Constitution menacerait la Constitution elle-même : elle ne pourrait plus être changée que par la force. Où le curseur doit-il s’arrêter pour éviter les embardées du pouvoir de révision ? Un contrôleur est absolument nécessaire pour faire respecter le titre de la Constitution spécialement consacré à sa révision. Le juge constitutionnel a-t-il la légitimité et les compétences pour contrôler et, le cas échant, censurer une loi de révision, adoptée par les élus du peuple ou par le peuple lui-même, en violation de la Constitution ? Dans l’affirmative, la Constitution cesserait d’être le jouet des politiques ; le juge constitutionnel deviendrait en quelque sorte le « maître de la Constitution », au risque qu’un « gouvernement des juges » remplace les gouvernants démocratiquement élus.
Vous le voyez : le champ ouvert à notre réflexion est particulièrement vaste. Nous ne l’explorerons pas dans l’abstrait ; nous ne ferons pas de la philosophie ou de la théorie du droit. Je vous propose un exercice réaliste de droit constitutionnel appliqué ; il s’agit de tirer les leçons de l’expérience, d’examiner les réponses qu’apportent, en Afrique en général et au Cameroun en particulier, les textes, la jurisprudence et la pratique à la question : LE POUVOIR DE REVISION PEUT-IL TOUT FAIRE ?
A l’examen, il apparaît que le pouvoir de révision peut pratiquement tout faire : d’une part, c’est un pouvoir que le constituant originaire a relativement peu balisé (I) ; d’autre part, c’est un pouvoir peu contrôlé par le juge constitutionnel (II).
 
I.     UN POUVOIR RELATIVEMENT BORNE PAR LE CONSTITUANT ORIGINAIRE
 
Selon le doyen Georges Vedel, « Le pouvoir constituant dérivé n’est pas un pouvoir d’une autre nature que le pouvoir constituant initial : la Constitution lui donne sa procédure…, elle ne borne point son étendue »[5]. La lecture des constitutions contemporaines enseigne que le constituant originaire prescrit une procédure spéciale de révision, mais également énonce des limites matérielles à la révision. Il n’en demeure pas moins que, dans la plupart des pays africains et singulièrement au Cameroun, la Constitution est assez facilement révisable (A) et presque toute la Constitution est révisable (B).
 
A. LA CONSTITUTION EST ASSEZ FACILEMENT REVISABLE
 
Chacune des constitutions africaines d’aujourd’hui est rigide : le pouvoir de révision, pouvoir institué, ne peut agir que moyennant le respect de règles constitutionnelles de procédure, plus lourdes que celles prescrites pour l’adoption d’une simple loi. Ces règles varient selon les pays et le Cameroun se distingue par une procédure assez peu contraignante. Par ailleurs, partout dans le monde, les formalités constitutionnelles apparaissent comme des barrières de papier, chaque fois qu’une très large majorité parlementaire se trouve en situation d’exercer seule le pouvoir de révision. Au Cameroun, plus encore que dans les autres pays africains, une révision de la Constitution peut être facilement engagée et adoptée.
 
  • Le Président de la République, 1/3 des députés et 1/3 des sénateurs partagent le droit d’initier une révision constitutionnelle, selon la Constitution de 1996, art. 63, paragraphes (1) et (2). Mais, dans une configuration présidentialiste, la solidarité politique entre l’exécutif et sa majorité parlementaire relativise le critère organique de l’initiative : le pouvoir unifié peut, à son gré, déposer un projet ou une proposition. Grande est la liberté du bloc majoritaire dans le choix des formes de l’initiative de la révision.
     
  • Dans un tel contexte, l’adoption de la révision constitutionnelle constitue une simple formalité. A cet égard, la Constitution camerounaise, en son article 63, paragraphes (3) et (4) prévoit deux voies concurrentes d’adoption d’une loi de révision :
-         La voie parlementaire est certainement la plus facile à emprunter. Partout en Afrique, c’est le franchissement d’un seuil constitutionnel élevé, la réunion d’une majorité qualifiée (3/5, 2/3, ¾ ou même 4/5), qui conditionne la validité du vote de la représentation nationale. Or, au Cameroun, il faut et il suffit que les deux assemblées du Parlement réunies en Congrès votent le texte de révision, à la majorité absolue des parlementaires. Une majorité qualifiée des 2/3 n’est exigée qu’au cas où le Président de la République demanderait une seconde lecture de la révision… Vous le savez, depuis les dernières législatives de 2007, le RDPC occupe 153 des 180 sièges à l’Assemblée Nationale ! Cette ultramajorité parlementaire a donc juridiquement les coudées franches pour réviser la Constitution de 1996. Certains objecteront qu’en l’absence du Sénat, qui n’a toujours pas été installé, l’Assemblée Nationale ne saurait constituer à elle seule un congrès de révision. Seulement, l’objection tombe à la lecture de l’article 67 (3) : « L’Assemblée Nationale … jouit de l’ensemble des prérogatives reconnues au Parlement jusqu’à la mise en place du Sénat ».
-         Même s’il est peu probable qu’elle soit empruntée, la seconde voie de révision, la voie référendaire mérite examen. Sur le fondement des articles 36 et 63 (4), le Président de la République camerounaise peut décider de faire approuver un projet ou une proposition de révision par référendum, à la majorité absolue des suffrages exprimés. Il dispose là d’une arme constitutionnelle majeure, celle d’organiser un plébiscite sur la révision, comme ses homologues du Sénégal  et de Madagascar. Mais l’on voit mal pourquoi le Chef de l’Etat prendrait le risque d’une votation populaire pour modifier la Constitution de 1996 qui a été initialement approuvée par la seule Assemblée Nationale.
Facilement révisable, la Constitution peut être entièrement révisée ou presque.
 
B. PRESQUE TOUTE LA CONSTITUTION EST REVISABLE
 
            Il n’est pas rare qu’une Constitution interdise au pouvoir de révision de porter atteinte à son « noyau dur », pour prévenir la fraude à la Constitution. Les limites matérielles à la révision dérogent à un principe fondamental, énoncé en France par la Déclaration des droits de 1793: « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures ». C’est pourquoi les exceptions au principe sont souvent assez limitées et le Cameroun ne fait pas exception ; par ailleurs, il y a lieu de se demander si une révision totale de la Constitution ne pourrait pas venir anéantir les prétendues « clauses d’éternité ».
  • Les limites matérielles à la révision sont relativement inconsistantes. C’est ce qui ressort d’une lecture réaliste des constitutions contemporaines. Au Cameroun, elles sont au nombre de deux, selon l'article 64 de la Constitution de 1996 :
-         Le pouvoir de révision ne peut porter atteinte aux caractéristiques essentielles de l’Etat : le constituant originaire a proclamé intangibles « la forme républicaine » de l’Etat, son « unité » et son « intégrité territoriale ». Comment délimiter ces interdits ? Toute sécession – par exemple, de la partie anglophone - est-elle exclue, alors même que le droit international permet certaines évolutions territoriales ? Une présidence à vie viole-t-elle la forme républicaine de l’Etat ?
-         Le pouvoir de révision ne peut davantage porter atteinte « aux principes démocratiques qui régissent la République ». C’est là une « clause d’éternité » particulièrement floue. Un consensus pourrait se dégager pour qualifier de « principes démocratiques » la détention de la souveraineté nationale par le peuple (art. 2 (1)) ; l’élection au suffrage universel des gouvernants (art. 2 (2)) ; le caractère égal et secret du vote (art. 2 (3)) ; ou encore le multipartisme intégral (art. 3). Faut-il ajouter à cette liste la clause de l’article 6 (2), celle du double septennat ? La limitation à deux du nombre de mandats présidentiels est, certes, une « règle d’or » du néo-constitutionnalisme libéral africain de la décennie 1990. Mais, une telle clause d’alternance automatique au sommet n’existe pas dans toutes les démocraties et, là où elle existe, elle est très discutée au nom de la démocratie, au nom du libre choix par le peuple de ses gouvernants ! C’est pourquoi, en l’absence d’une interdiction expresse – du type de celle qui figure dans la Constitution de la Mauritanie, depuis son amendement de 2006 ou dans la Constitution de la République Démocratique du Congo de 2006 – il peut être valablement soutenu que l’article 6 (2) est révisable.
 
  • Les limites matérielles à la révision sont-elles intangibles ?  Rien n’est moins sûr dès lors que le constituant originaire n’a pas mis à l’abri de toute révision les « clauses d’éternité ». Comment ne pas retenir l’hypothèse classiquement avancée d’une révision licite en deux temps : le pouvoir de révision ferait sauter, par une première loi constitutionnelle, les verrous contenus dans la Constitution, puis, par une seconde loi constitutionnelle, réviserait de fond en comble la Constitution. Qui pourrait juridiquement entraver le déroulement de ce scénario de révision totale ?
Un constat désabusé s’impose : le pouvoir de révision peut juridiquement tout faire ou presque, car le Constituant originaire lui laisse une grande latitude pour revoir et corriger la Constitution, y compris en procédant à une révision totale. Et le juge constitutionnel ne paraît pas souvent en mesure de « sauver » la Constitution et de la préserver des « mauvais coups » que voudrait lui porter le pouvoir de révision.
 
II.       UN POUVOIR PEU CONTROLE PAR LE JUGE CONSTITUTIONNEL
 
Dans un Etat de droit et de démocratie pluraliste, le contrôle par le juge constitutionnel du pouvoir de révision peut paraître raisonnable, souhaitable et praticable. Mais les obstacles sont nombreux : aux préventions d’une grande partie de la doctrine - qui y voit un contrôle de supraconstitutionnalité conduisant à un « gouvernement des juges » - s’ajoute le silence du constituant originaire. En Afrique, le juge constitutionnel, lorsqu’il a l’audace de se reconnaître compétent, nonobstant l’absence de texte (A), exerce souvent un contrôle très mesuré de la loi de révision (B).
 
A. UN CONTROLE SANS TEXTE
 
L’obstacle est de taille : le juge constitutionnel doit s’autoriser à vérifier la constitutionnalité d’un acte de révision, soit une compétence qui ne lui a été expressément ni attribuée, ni refusée par le constituant originaire. C’est pourquoi il n’est pas illégitime qu’à l’instar du Conseil Constitutionnel du Sénégal, en 1998 et en 2006[6], ou de son homologue de France en 2003[7], le juge constitutionnel s’interdise de contrôler le pouvoir parlementaire de révision.
Des juridictions africaines ont opté, non sans audace, et sans toujours bien motiver leur décision, pour l’autohabilitation : il s’agit de la Cour Constitutionnelle du Mali, en 2001 (Arrêt n° 01 – 128 du 12 Décembre 2001), du Conseil Constitutionnel du Tchad en 2004 (Décision n°001/CC/SG/04 du 11 juin 2004), et de la Cour Constitutionnelle du Bénin, en 2006 (Décision DCC 06-74 du 8 juillet 2006). Ces décisions sont reproduites in extenso sur le blog LA CONSTITUTION EN AFRIQUE. Elles supposent que le juge constitutionnel, d’une part, se donne un titre de contrôle singulier, d’autre part, définissent des normes de contrôle spécifiques.
 
  • Un titre de contrôle singulier :
-         Sauf à méconnaître la hiérarchie des normes, une loi de révision n’est pas une loi comme les autres, puisqu’elle vise à modifier la norme suprême. Pourtant en accueillant le recours des opposants à une révision, la cour ou le conseil tend à assimiler une loi de révision à une loi ordinaire justiciable du contrôle de constitutionnalité. C’est ainsi, par exemple, que le juge constitutionnel ne pourra se prononcer que s’il est valablement saisi par le nombre requis de parlementaires : un seul au Bénin, 1/10ème au Mali ou au Tchad, mais 1/3 des députés ou sénateurs au Cameroun (Constitution de 1996, art. 47 (3)). Autant dire que, dans le contexte actuel, l’opposition parlementaire n’est pas en situation de saisir le Conseil Constitutionnel ou la Cour Suprême en tenant lieu. Par ailleurs, le contrôle ne peut, en principe, s’exercer qu’à l’égard d’une loi en instance de promulgation (lorsque l’exception d’inconstitutionnalité existe, l’ont voit mal comment elle pourrait être soulevée à l’encontre d’une loi de révision à l’occasion d’un procès…) : or, au Cameroun, le Président de la République pourrait toujours « prendre de vitesse » les anti-révisionnistes en promulguant sans tarder une loi de révision (art. 31).
-         En même temps, le contentieux d’une loi de révision n’est pas un contentieux comme les autres, ce qui a conduit la Cour Constitutionnelle du Mali, en 2001, à justifier son contrôle par sa qualité « (d’)organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ». Le pouvoir de révision devient alors un pouvoir public comme les autres et son contrôleur autoproclamé le pouvoir suprême. Le « gouvernement des juges » se profile…

  • Des normes de contrôle spécifiques
Quelles sont les normes opposables au pouvoir de révision ? C’est au contrôleur de fixer l’ampleur de sa tâche, de livrer la représentation qu’il se fait du pouvoir contrôlé. Ou bien le législateur constitutionnel, à l’instar du législateur ordinaire, est astreint au respect d’un bloc de constitutionnalité hypertrophié, et alors un contrôle tatillon risque de l’entraver. Ou bien il est soumis à un corpus réduit de normes[8], et alors le contrôle préserve sa liberté de décision.
La Cour Constitutionnelle du Mali a enfermé son contrôle dans la stricte limite des énoncés de l’article 118 de la Constitution: « le contrôle de constitutionnalité de la loi portant révision de la constitution consiste à l'analyser pour déterminer si l'autorité qui en a pris l'initiative est habilitée à le faire de par la Constitution, si le quorum indiqué par la Constitution a été atteint lors de son vote par l'Assemblée Nationale, si son vote n'a pas eu lieu alors qu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire et enfin si elle n'a pas révisé les normes qui de par la Constitution ne peuvent faire l'objet d'une révision » (considérant 11). En revanche, dans un contexte très différent, la Cour Constitutionnelle du Bénin, citée en exemple pour ses nombreuses audaces, a assujetti le pouvoir de révision au respect d’une norme non écrite :  « même si la Constitution a prévu les modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment le consensus national, principe à valeur constitutionnelle ». Au Bénin, la Cour Constitutionnelle s’est érigée en instance d’homologation du caractère consensuel – une notion vague s’il en est, à moins de la confondre avec l’unanimité – de toute révision constitutionnelle. La contrainte est si forte que les observateurs se demandent si le consensus requis existe aujourd’hui, si le projet du Président Yayi Boni de "toiletter" la Constitution a des chances d'être validée par la Cour Constitutionnelle.
En dégageant de sa propre autorité les normes de contrôle d’une loi de révision, le juge constitutionnel peut, plus ou moins, enchaîner le pouvoir de révision. Une telle situation respecte-t-elle les canons d’un Etat de droit et de démocratie pluraliste ?
 
B. UN CONTROLE NECESSAIREMENT LIMITE ?
           
            Une contrainte pèse mécaniquement sur le contrôleur : il doit s’assigner des limites qui ménagent le pouvoir de révision, qui le confortent dans son large pouvoir discrétionnaire de changer la Constitution post-autoritaire et de revenir sur certains acquis d’un jeune Etat de droit et de démocratie pluraliste. C’est ainsi que le contrôle qu’ont pratiqué les juges constitutionnels du Mali et du Tchad est apparu très mesuré, à la limite inutile, comme je l’ai démontré dans un commentaire comparé : « Le contrôle prétorien de la révision au Mali et au Tchad : un mirage ? », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives n°17 décembre 2006. En revanche, la Cour Constitutionnelle du Bénin a fait preuve d’un activisme unique en son genre, qui pose le problème de l’identité du « maître de la Constitution ».
 
  • L’autolimitation au risque de l’inutilité
La Cour Constitutionnelle du Mali, en 2001 s’est cantonnée à un contrôle minimum, très respectueux de la liberté du pouvoir de révision. Le Conseil Constitutionnel du Tchad s’est abîmé dans un semblant de contrôle, excessivement révérencieux. La discussion contentieuse, qui portait davantage sur le respect des formes, la qualité démocratique de la décision, que sur la constitutionnalité matérielle de la loi de révision ad référendum, s’est soldée au Mali par une censure réversible et au Tchad par une fâcheuse validation sans réserve. D’où un bilan déconcertant : la certification autorisée de l’expression licite de la volonté révisionniste de l’ultramajorité parlementaire prévaut sur un volet sanction si mesuré que sa réalité est sujette à caution.
 
  • Un contrôle maximaliste au risque du « gouvernement des juges »
La Cour Constitutionnelle du Bénin a censuré la loi de révision de 2006 allongeant d’une année la législature en cours (2003-2007) pour coupler élections législatives et locales. La censure a porté, d’abord, sur la constitutionnalité formelle : comme n’importe quelle loi, la loi de révision est contrôlée notamment au regard de la Constitution mais aussi du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale qui fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité. La censure a aussi porté sur la constitutionnalité matérielle de la loi de révision, qui méconnaîtrait le consensus national, notion purement jurisprudentielle : le pouvoir de révision n’aurait pas le droit de modifier la durée du mandat des députés, fixé à 4 ans par la conférence nationale de 1990. 7 juges nommés peuvent-ils s’opposer à la volonté politique suprême, à celle du pouvoir de révision, c’est-à-dire, en l’espèce à 71 députés sur 83 (8 contre et 1 abstention) ?
 
Au terme de cet exposé, il apparaît nettement qu’en droit – et sauf au Bénin- le pouvoir de révision peut pratiquement tout faire, au risque de compromettre la paix par la Constitution. Par conséquent, les opposants à la révision de l’article 6 (1) de la Constitution du Cameroun ne peuvent l’emporter sur le terrain du droit ; il y a lieu de se demander s'ils ont bien lu la Constitution de la République du Cameroun, car bien des arguments présentés sont, à l’examen, des arguties. Leur bataille est évidemment politique et presque exclusivement extraparlementaire. Une gageure !
 

[1] A. CABANIS et M. L. MARTIN, « Un espace d’isomorphisme constitutionnel : l’Afrique francophone », in Mélanges Dmitri Georges Lavroff, Paris, Dalloz, 2005, p. 348 et s., relèvent que la création, via une révision, d’un sénat traduit souvent « le souci de faire place à des amis politiques et de fournir des postes susceptibles de faciliter des arbitrages problématiques au sein du parti au pouvoir ». Ce fut le cas au Cameroun (1996), en Côte d’Ivoire et au Sénégal (1998), et au Togo (2003).
[2] Cette suppression, inspirée du modèle camerounais, a été décidée par voie de révision en Guinée (2002), au Gabon et au Togo (2003). Selon A. CABANIS et M. L. MARTIN, op. cit., p. 346, ce système devrait favoriser le Président sortant candidat à sa propre succession qui, comme l’enseigne l’élection présidentielle sénégalaise de 2000, est souvent en tête du 1er tour mais peut perdre au 2nd tour face au candidat de l’opposition coalisée.
[3] Au Sénégal, une loi constitutionnelle n°29/2005 vient de proroger la législature en cours de manière à organiser la même année, en 2007, l’élection présidentielle et les élections législatives. Ce couplage, destiné à alléger le coût des élections, devrait favoriser l’harmonisation politique du vote aux deux scrutins.
[4] Le Burkina Faso en 1997 a inauguré la levée de la clause de l’alternance constitutionnelle automatique après deux mandats présidentiels. Cette pièce maîtresse du constitutionnalisme prudentiel a été supprimée au Sénégal (1998), en Guinée (2002), au Togo (2003), au Gabon (2003), et au Tchad (2005). Voir A. LOADA, « La limitation du nombre de mandats présidentiels en Afrique francophone », Afrilex, n°03/2003, p. 139 et s..
[5] G. VEDEL, « Schengen et Maastricht », RFDA, 1992, p. 179.
[6] Dans sa décision du 9 octobre 1998, sur l’affaire n°9/C/98, le Conseil Constitutionnel se déclare incompétent pour statuer sur une loi de révision touchant à la rééligibilité à la Présidence de la République et à la réglementation de la compétition présidentielle. Il confirme cette jurisprudence, dans sa décision du 18 janvier 2006 sur l’affaire n°3/C/2005, concernant une loi constitutionnelle prorogeant le mandat des députés élus.
[7] Sur ce genre d’anticipation jurisprudentielle, v. A. B. FALL, « Le droit africain a-t-il sa place en droit comparé ? », in Le devenir du droit comparé en France (Journée d’études à l’institut de France, 23 juin 2004), J. du Bois de Gaudusson (dir.), Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2005, p. 168 et s..
[8] L. FAVOREU, « Le principe de constitutionnalité. Essai de définition d’après la jurisprudence du Conseil Constitutionnel », in Mélanges Charles Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 37 et s., relève que la « composition du bloc de constitutionnalité varie selon la nature des actes soumis au contrôle ».
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