La Haute Cour Constitutionnelle de Madagascar vient de rendre la décision n°02-HCC/D2 du 15 octobre 2008, une décision qui invite le constitutionnaliste à s'interroger sur l'utilisation et l'utilité de l'exception d'inconstitutionnalité, un instrument essentiel de protection de la Constitution dans un Etat de droit et de démocratie pluraliste. Le justiciable en fait-il un « bon » usage ? L'exception d'inconstitutionnalité satisfait-elle ses attentes ?
En l'espèce, le requérant a d'abord demandé à la Haute Cour Constitutionnelle de déclarer contraire à la Constitution en vigueur un jugement rendu en première instance. Faute de décision du tribunal prononçant le sursis à statuer, la Haute Cour Constitutionnelle, par décision n°01-HCC/D2 du 2 avril 2008, a logiquement déclaré irrecevable la requête. Par la suite, le requérant a, en quelque sorte, interjeté appel de la décision de la Haute Cour Constitutionnelle, considérant - manifestement à tort - que ladite décision n'était pas définitive. La Haute Cour, par décision n°02-HCC/D2 du 15 octobre 2008, a écarté cette interprétation pour le moins tendancieuse et déclaré irrecevable la requête de reprise d'instance.
La solution, parfaitement conforme aux textes, mérite réflexion. Le justiciable n'abuse-t-il pas d'une arme de procédure dans le but délibéré de ralentir le cours de la justice ? Faut-il déduire des décisions susmentionnées de la Haute Cour Constitutionnelle que l'exception d'inconstitutionnalité est à Madagascar un droit illusoire par la faute des règles de procédure et/ou de leur trop littérale interprétation ? Faut-il, pour combler les attentes des usagers et adapter le droit positif aux réalités, reconnaître à chaque justiciable le droit de se pourvoir contre les décisions de justice censées violer la Constitution ? Comment faire de chaque plaideur un « procureur » de la Constitution devant le juge constitutionnel, sans déstabiliser l'appareil judiciaire ordinaire, ni encombrer les prétoires ?
Ces questions se posent à Madagascar mais aussi partout en Afrique, particulièrement au Bénin où la révision à venir pourrait perfectionner le système de protection de la Constitution le plus achevé dans la région, ainsi qu'au Mali où l'introduction de l'exception d'inconstitutionnalité est envisagée par le comité Daba Diawara.
A vous de contribuer à la discussion de ces points de droit constitutionnel processuel !
Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/