La Constitution dit ce qu’il faut faire ; elle ne dit pas ce qu’on en fera[1]. L’actualité constitutionnelle du Niger vient, une fois encore, illustrer la maxime. A la demande du Premier Ministre – mais politiquement à l’initiative du Président de la République -, l'Assemblée Nationale tient, depuis le 20 janvier, sa première session extraordinaire de l’année 2009, sur un ordre du jour qu’a exposé Mahamane Ousmane, ex-président de la République (1993-1996), actuel premier responsable du législatif, dans son discours d'ouverture.
En apparence, les représentants de la Nation sont pressés de poser deux actes de haute portée pour faire avancer le chantier de la moralisation de la vie publique :
* supprimer les obstacles juridiques à la poursuite et, le cas échéant, au jugement de députés soupçonnés de malversations, nonobstant leur appartenance à la majorité présidentielle ;
* mettre en conformité avec la Constitution la loi de finances 2009, en exécution de l'arrêt de la Cour Constitutionnelle n°001/CC/MC du 13 juin 2008 qui a censuré les avantages substantiels que s’étaient octroyés les députés.
Mais les mobiles de la session extraordinaire pourraient être moins nobles. Il s’agirait d’abord de poursuivre le règlement de comptes interne à la majorité présidentielle : l’exécutif ne demande-t-il pas, dans l’Affaire MEBA, la levée de l’immunité parlementaire de proches d’Hama Hamadou, ex-Premier Ministre (février 1995-janvier 1996 ; janvier 2000-mai 2007), écroué depuis le 26 juin 2008, après sa mise en accusation par l'Assemblée Nationale, à la demande du Gouvernement ? Des observateurs de la vie publique nigérienne subodorent également que le Président Mamadou Tandja – qui a, étrangement, promulgué la loi de finances dont l’exécutif demande aujourd’hui la rectification – a commandité cette opération « mains propres » dans le but inavoué de crédibiliser le « Tazartché », (terme haoussa qui signifie continuité ou prolongation), que ce soit sous la forme de la prolongation de son second mandat ou sous celle de l’autorisation de briguer un troisième quinquennat en novembre 2009 (voir 2009: année de toutes les révisions, année de tous les dangers?).
Autrement dit, la Constitution serait à la libre disposition des détenteurs du pouvoir … pour, en toute légalité, changer la Constitution et revenir au « continuisme » d’antan.
Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public