Au Niger, la crise constitutionnelle vient de connaître de nouveaux développements.
Le chantier de l’élaboration de la Constitution de la VI° République avance à grands pas : le Comité technique, créé par un décret présidentiel du 1er juin 2009, a remis officiellement au Chef de l’Etat, lors du Conseil des ministres du 9 juin, un avant-projet de Constitution, dont le texte n’a pas été rendu public.
Mais l’entreprise constituante du Président Tandja vient d’essuyer un nouveau revers avec L'ARRET N° 04/CC/ME DU 12 JUIN 2009 par lequel la Cour Constitutionnelle invalide le décret du 5 juin portant convocation du corps électoral pour le référendum sur la Constitution de la VIè République. Il y a là une cinglante – et logique - confirmation au contentieux de l'Avis n°2/CC du 25 mai 2009, un avis non contraignant que le Chef de l’Etat avait choisi d’ignorer.
La contre-attaque de la Cour Constitutionnelle, garante de l’Etat de droit, ruine toute possibilité de changement de Constitution dans la légalité.
Juridiquement, L'ARRET N° 04/CC/ME DU 12 JUIN 2009 a autorité de chose jugée ; nul pouvoir, nulle autorité ne peut s’y soustraire (Constit. 1999, art. 115) ; et le refus d’obtempérer à un arrêt de la Cour Constitutionnelle constitue une cause d’empêchement absolu, selon l'article 42 de la Constitution de 1999. Sauf que la procédure d’empêchement ne peut être déclenchée que par l'Assemblée Nationale, laquelle est dissoute depuis le 26 mai dernier… Il y a là une faille constitutionnelle, car l’infraction présidentielle à l’ordre constitutionnel ne pourra être sanctionnée tant que l’Assemblée Nationale, issue d’élections législatives anticipées – qui pourraient se dérouler avant comme après le référendum constituant… -, ne sera pas fonctionnelle.
Politiquement, l’affrontement inédit – une première en Afrique ! - entre le président constituant et le juge constitutionnel a peu de chances de tourner à l’avantage de ce dernier, s’il ne reçoit pas le soutien massif et sans équivoque de la classe politique, appelant à voter « non » à un référendum illicite qui risque fort d’être maintenu. Le Président Tandja, qui s’est illustré dans la lutte contre la gabegie parlementaire (cf. Session extraordinaire "mains propres" et La Constitution ne protège pas contre la gabegie des députés), aura-t-il donc les moyens d’imposer la tenue d’un plébiscite constituant, d’obtenir démocratiquement des nigériens et un changement de régime – au régime semi-présidentiel succèderait un régime présidentiel – et une prolongation de 3 ans – sans élection ! - de son mandat actuel, bref de faire naître aux forceps la VI° République du Niger ?
Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/