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  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE
  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE est un espace d’expression, de réflexion et d’échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde
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  BOLLE STEPHANE 

Stéphane BOLLE

Maître de conférences
HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III 
 

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La Constitution en Afrique est un espace d'expression, de réflexion et d'échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde.
Ce site propose un regard différent sur l'actualité constitutionnelle foisonnante des pays africains. Il ne s'agit pas de singer les gazettes ou les libelles, de s'abîmer dans une lecture partisane des constitutions, des révisions, des pratiques et des jurisprudences. Sans angélisme ni scepticisme, il urge d'analyser, en constitutionnaliste, une actualité constitutionnelle largement méconnue et passablement déformée.
La Constitution en Afrique se conçoit comme l'un des vecteurs du renouvellement doctrinal qu'imposent les changements à l'œuvre depuis la décennie 1990. La chose constitutionnelle a acquis dans la région une importance inédite. Il faut changer de paradigme pour la rendre intelligible ! C'est d'abord au constitutionnaliste de jauger le constitutionnalisme africain contemporain, ses échecs - toujours attestés -, ses succès - trop souvent négligés. Sans verser ni dans la science politique, ni dans un positivisme aveugle, le constitutionnaliste peut et doit décrypter la vie constitutionnelle, en faisant le meilleur usage des outils de la science actuelle du droit.
La Constitution en Afrique est enfin un forum, un lieu ouvert à la participation des chercheurs débutants ou confirmés qui souhaitent confronter leurs points de vue. N'hésitez pas à enrichir ce site de commentaires, de réactions aux notes d'actualité ou de lecture, de billets ou de documents. Vos contributions sont attendues.

Au plaisir d'échanger avec vous

 

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III

 

27 novembre 2007 2 27 /11 /novembre /2007 15:47
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Depuis plusieurs semaines, se développe en République Démocratique du Congo une vive controverse sur l’opportunité de procéder à une révision de la Constitution du 18 février 2006.  Le député Tshibangu Kalala a déposé, le 5 novembre 2007, sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de loi constitutionnelle portant révision des articles 110, 152 et 197 de ladite Constitution. Une pétition, signée par 310 députés de l’Alliance pour la Majorité Présidentielle (AMP), est venue appuyer la proposition qui a un triple objet :
-         Revoir le régime des incompatibilités parlementaires : comme cela est envisagé par Nicolas Sarkozy en France, un député ou sénateur, nommé à une fonction incompatible avec son mandat, serait temporairement remplacé et, après cessation de cette fonction, retrouverait automatiquement son siège.
-         Réformer la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, dont la présidence serait confiée au Chef de l’Etat, au moment même où la France s’apprête à supprimer cette prérogative.
-         Etendre aux députés provinciaux le régime des immunités, réservé jusque là aux députés nationaux.
Dans son exposé des motifs, l’auteur de la proposition de loi constitutionnelle soutient que la révision permettra « le renforcement et la consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit ». L’argumentaire n’a guère convaincu en dehors de la mouvance présidentielle. Les anti-révisionnistes ont bruyamment marqué leur désapprobation : les parlementaires de l'opposition entendent défendre la séparation des pouvoirs mise à mal par la proposition de révision ; le syndicat des magistrats proteste contre une « dictature parlementaire ou une dictature de l’exécutif » qui ruinerait l’indépendance du pouvoir judiciaire, que l'article 220 de la Constitution  déclare intangible ; plus de 30 000 citoyens auraient signé une pétition, lancée le 18 novembre 2007 par trois journalistes de la chaîne privée de télévision CEBS, pour s’opposer à une révision précoce qui « menace la survie de la République ».
Dans un entretien au journal Le Phare - reproduit ci-dessous avec son aimable autorisation -, le Professeur Auguste MAMPUYA KANUNK’A-TSHIABO, des Universités de Kinshasa et de Nancy 2, expert durant le processus constituant, et auteur de "Espoirs et déception de la quête constitutionnelle congolaise", Nancy – Kinshasa, AMA. Ed – BNC, 2005, opine sur la révision projetée :
 
Constitution : la révision n’est pas une urgence
 
Le Phare : Professeur, une grande initiative, soutenue par plus de trois cent députés, a été prise par un élu du peuple pour faire réviser la constitution. Comment voyez-vous cette démarche ?

Prof. Mampuya K'a.T. Pour apprécier une telle initiative, il faut l’envisager tant au regard de son opportunité qu’à celui de son contenu, se demander s’il était utile, nécessaire, urgent, sage de procéder à une révision en ce moment, une année à peine après le début de l’application de la constitution. Je me limiterai à des observations purement techniques, évitant une appréciation politique pour une initiative dont les promoteurs sont des amis. L’un des enjeux auxquels devait répondre le constituant congolais est celui de la pérennité de notre loi fondamentale, quand nous connaissons l’instabilité constitutionnelle qui a marqué notre histoire, avec de nombreuses réformes et simples révisions qui ont fait qu’en l’espace de 45 ans nous avions déjà consumé douze constitutions, celle de 2005 étant la treizième, et opéré une vingtaine de révisions. Le Sénat avait accepté la proposition faite par les experts à Kisangani et prévu qu’aucune révision n’aurait lieu avant une certaine période après l’entrée en vigueur de la constitution et après qu’une commission technique sous la responsabilité de la Cour constitutionnelle ait jugé de l’opportunité et de l’objet de cette première révision de la nouvelle constitution. L’Assemblée nationale avait supprimé cette disposition de manière à laisser initier une révision à n’importe quel moment. De ce point de vue, tout le monde pourra dire de quel côté se trouve la sagesse.
L’urgence, la pertinence et l’utilité de la révision projetée devraient découler de son contenu. Or, les trois points sur lesquels on voudrait modifier la constitution n’ont aucun caractère d’urgence ou d’utilité. Quant à leur pertinence, elle doit se juger sur le plan technique, juridique et de bon sens naturel. D’abord, le point relatif au sort des députés frappés d’incompatibilité pour avoir été nommés au gouvernement ou à la tête des entreprises publiques, lorsque ces fonctions prennent fin. On voudrait que le suppléant qui avait ainsi remplacé le député concerné, conformément à la constitution, soit chassé afin que le député retrouve « son » siège ! C’est une conception marquée de plusieurs immoralités :
1°) voilà quelqu’un qui n’a vu dans l’élection que le moyen d’accéder au plus près de la mangeoire et à son coin le plus fourni, le gouvernement dont les membres sont censés percevoir plusieurs milliers de dollars (quelque chose comme 9.000 dollars), bien plus que les près de 4500 des parlementaires, et les entreprises publiques dont nous savons que les « mandataires », qui n’en sont pas propriétaires, s’en mettent plein les poches avec …jusqu’à des dizaines de milliers de dollars par mois ; pour cela, il abandonne le mandat que lui a confié le peuple, il préfère l’enrichissement personnel à la défense du peuple et lorsque cette fonction est finie il voudrait revenir au parlement pour continuer de percevoir les 4500 usd.
2°) On le sait, beaucoup de suppléants, par la présence de leur nom sur la liste, ont fait élire la liste de leur parti et ont, ainsi contribué à l’élection, la constitution elle-même le faisant attendre qu’en cas d’incompatibilité de celui qui aura été élu, il siègerait à l’Assemblée ; adopter cette révision revient à un acte d’iniquité et, donc, immoral. On ne doit pas se moquer des citoyens électeurs et du peuple, l’élection n’est pas un jeu de dès ou un tremplin pour la recherche d’un emploi garantissant l’opulence ; les citoyens ont par tous ces faits la preuve que par l’élection ils ont donné un emploi facile et enrichissant aux candidats dont d’ailleurs la plupart, quel que soit par ailleurs leur fortune personnelle ou leur notoriété, sont, on le sait, des sans-emploi ou des chômeurs. Seule solution : quand on n’est plus député pour avoir choisi la richesse, l’hyper-richesse parce que les milliers de dollars d’émoluments parlementaires, ce n’est pas rien, on ne devrait pas reprendre automatiquement le siège parlementaire, sauf à repasser par une nouvelle élection dans la circonscription d’origine.
Le deuxième objet de la révision c’est l’introduction, en plus de la société civile, du président de la République et du ministre de la justice au Conseil supérieur de la magistrature comme, respectivement, président et vice-président. La justification : c’est une erreur extrêmement dangereuse qu’ils n’y soient pas, pour le bon fonctionnement des institutions, car il y aurait dysfonctionnement de la justice. On a oublié que c’était déjà le cas sous Mobutu avant la transition, et que c’était décrié comme favorisant la dictature. Cette solution a été abandonnée par la CNS, par les « actes constitutionnels » de la première transition et par la constitution de transition de 2003. On ne nous dit pas comment la présence des membres de l’exécutif et de la société civile améliorerait le fonctionnement de la Justice, ni comment ce qui était dictatorial sous Mobutu cesserait de l’être aujourd’hui. Le Conseil supérieur est avant tout la juridiction disciplinaire des magistrats ; va-t-on envoyer des ministres au Conseil de l’Ordre des médecins ou des avocats… ? Si, comme les initiateurs disent, la seule présence du président de la République est de nature à améliorer l’administration de la justice, qu’est-ce qui empêche alors, en vue d’améliorer le fonctionnement et le rendement de toutes les institutions, de demander au président de les présider toutes, l’Assemblée nationale et le Sénat … ? J’ajoute que, contrairement à ce qu’on crie partout, la constitution n’a jamais consacré le président de la République « magistrat suprême ». Tous ceux qui ont quelques bribes de connaissances historiques savent que ce titre allait au dictateur antique à Rome ou à Athènes, à l’époque où le terme « magistrat » ne signifiait pas juge ou membre du pouvoir judiciaire mais tout détenteur d’une fonction publique importante, d’un office, (les « magistrats » de la « polis » (cité grecque), etc. ; cela fut transmis à l’empereur et au roi des « anciens régimes », cette fois-ci avec une connotation judiciaire dans la mesure où l’empereur ou le roi rendait justice en son conseil. Je dis que ce n’est plus le cas ; ce titre n’est plus de ces temps et n’a plus aucun sens aujourd’hui ; il ne faut pas prendre ce qui se raconte dans la rue pour en faire du droit positif ! Enfin, les prérogatives et les pouvoirs du président de la République sont déjà énormes dans notre constitution actuelle, ils sont concernés par une vingtaine d’articles et leur simple énumération prendrait au moins trois pages de la constitution ; celui qui pense les augmenter (comme ceux qui envisagent déjà d’attribuer au président le pouvoir de dissoudre les assemblées nationales) n’a aucun souci de la santé physique du président. Pourquoi tient-on à le faire crouler sous le poids des compétences toujours nombreuses ? Le président en a-t-il besoin ? D’autant plus que cela est inutile, car pour atténuer l’audace de la proposition, on nous dit que de toutes façons il est possible que le président n’aille pas toujours présider et soit remplacé par le ministre. Mais alors à quoi cela sert-il de donner au président des pouvoirs dont on dit qu’il n’usera pas ?! Dans ce sens, n’est-ce pas une inutile perte d’énergies ? Enfin, surtout, c’est anticonstitutionnel. D’abord, on ignore le principe fondamental exprimé dans notre constitution par une formule forte introuvable dans les constitutions occidentales : « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif », une option insistant exprès lourdement sur cette indépendance. Comment ne voit-on pas que faire présider le Conseil supérieur de la magistrature par un membre de l’exécutif c’est proprement faire dépendre le pouvoir judiciaire de l’exécutif ? Ensuite, c’est également anticonstitutionnel, allant à l’encontre de l’article 220 qui prescrit que l’indépendance judiciaire « ne peut faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ».
Le troisième objet, garantir l’immunité parlementaire aux députés provinciaux. Pour cela, une révision constitutionnelle n’est pas nécessaire, en tout cas pas urgente parce qu’on peut résoudre ce problème en recourant aux principes généraux du droit constitutionnel ; quand on voit le statut parlementaire qui est celui des députés provinciaux, on ne peut que leur reconnaître l’immunité. Même si cela vaut mieux que ce soit précisé, ce n’est pas d’une urgence qui commanderait la révision de la constitution hic et nunc.
Si cette révision est décidée, il faudra affirmer une bonne fois pour toutes que le Congo n’a pas besoin de constitution, parce qu’elle va sauter morceau par morceau, la prochaine étape étant d’atteindre les autres matières de l’article 220 ; vous voyez ce qu’il contient. Pour faire adopter une constitution que je jugeais mauvaise sur bien des points, on nous disait que comme toute œuvre humaine, on peut l’améliorer ! Est-ce cela améliorer ? Mais, vraiment trouve-ton que nous n’avons pas des urgences autrement plus … urgentes ou, alors, n’a-t-on rien d’autre d’important à faire ou alors n’a-t-on amorcé la démocratie que pour mieux l’effacer comme un écrit sur du sable ?
 
Faut-il déjà réviser la Constitution du 18 février 2006 ? Je vous invite à en débattre sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE. Au plaisir d’échanger.
                                                
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
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commentaires

N
Bonjour Stephane. J´ai passé un bon moment sur ton blog à lire tes artciles sur la constitution. C´est très intéressant.Je suis journaliste, congolaise de kinshasa et je serai ravie que nous puissions échanger puisque nous abordons le même sujet qui est le DROIT. Merci et à la prochaine.Bon courage
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