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  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE
  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE est un espace d’expression, de réflexion et d’échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde
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  BOLLE STEPHANE 

Stéphane BOLLE

Maître de conférences
HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III 
 

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La Constitution en Afrique est un espace d'expression, de réflexion et d'échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde.
Ce site propose un regard différent sur l'actualité constitutionnelle foisonnante des pays africains. Il ne s'agit pas de singer les gazettes ou les libelles, de s'abîmer dans une lecture partisane des constitutions, des révisions, des pratiques et des jurisprudences. Sans angélisme ni scepticisme, il urge d'analyser, en constitutionnaliste, une actualité constitutionnelle largement méconnue et passablement déformée.
La Constitution en Afrique se conçoit comme l'un des vecteurs du renouvellement doctrinal qu'imposent les changements à l'œuvre depuis la décennie 1990. La chose constitutionnelle a acquis dans la région une importance inédite. Il faut changer de paradigme pour la rendre intelligible ! C'est d'abord au constitutionnaliste de jauger le constitutionnalisme africain contemporain, ses échecs - toujours attestés -, ses succès - trop souvent négligés. Sans verser ni dans la science politique, ni dans un positivisme aveugle, le constitutionnaliste peut et doit décrypter la vie constitutionnelle, en faisant le meilleur usage des outils de la science actuelle du droit.
La Constitution en Afrique est enfin un forum, un lieu ouvert à la participation des chercheurs débutants ou confirmés qui souhaitent confronter leurs points de vue. N'hésitez pas à enrichir ce site de commentaires, de réactions aux notes d'actualité ou de lecture, de billets ou de documents. Vos contributions sont attendues.

Au plaisir d'échanger avec vous

 

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III

 

23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 10:39

Quelle évaluation pratique pouvait-on faire de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996, avant sa révision controversée d'avril 2008, qui continue de déchaîner les passions, dans la presse d'opposition relayée par le site Constitution du Cameroun ?

 

Vous trouverez des éléments de réponse à cette question dans

 

LA CONSTITUTION CAMEROUNAISE
DU 18 JANVIER 1996

BILAN ET PERSPECTIVES

 

Sous la direction du Professeur Alain ONDOUA

 

AFRICAINE D'EDITION, 2007, 268 pages

 

Cet ouvrage compile les actes d'un séminaire organisé par Initiatives Gouvernance Citoyenne (IGC) les 17, 18 et 19 janvier 2007 à Yaoundé, Cameroun.

 

Les différentes communications invitent à une réflexion critique sur l'application de la Constitution de 1996, avec une orientation plutôt science politique que droit constitutionnel. Avec l'aimable autorisation d'Alain Ondoua, vous pouvez prendre connaissance sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE  :

- du Rapport introductif du séminaire ;

- et de la Table des matières de l'ouvrage .

 

Après un diagnostic portant sur « Le renforcement des institutions » (1ère partie), les auteurs des communications reproduites se sont surtout attachés à mesurer l'impact de la loi fondamentale de 1996 sur les réalités sociales du Cameroun, au travers des thèmes « Le citoyen et la garantie de ses droits » (3ième partie) et « La participation » (4ième partie). L'incomplétude et les zones d'ombre du constitutionnalisme de ce pays sont mises en exergue, dans une perspective somme toute conforme à la doctrine africaniste dominante. Les communications portant, avec une visée comparatiste, sur « Les expériences béninoise et ivoirienne » (2ième partie) confortent cette impression. D'où la conclusion d'Alain ONDOUA, directeur scientifique du séminaire, « le constitutionnalisme camerounais se trouve au milieu du gué. La Loi Constitutionnelle du 18 janvier 1996 a constitué un pas supplémentaire et important vers l'affermissement de l'Etat de droit au Cameroun. Il s'agit néanmoins d'une avancée mitigée, qui n'est pas dénuée d'ambiguïtés ni de tentatives de retour à l'ordre établi. [...] En tout état de cause, la nécessité d'une pacification du débat politique par l'ordre constitutionnel comme l'exigence d'appropriation des questions constitutionnelles par les citoyens demeurent, au Cameroun, un objectif à atteindre. On peut dans cette mesure convenir avec le professeur Alain Didier Olinga de la nécessité d'approfondir le chantier constitutionnel au Cameroun, en vue d'un constitutionnalisme servant de matrice à l'Etat de droit ».

 

Avec cet éclairage, sont ouvertes des pistes de réflexion autres que celles esquissées sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE par

 

* Le constitutionnaliste et la révision au Cameroun

http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-19332537.html

 

* Le constitutionnaliste et la révision au Cameroun

http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-19332537.html

 

° Les camerounaises exclues de la révision de la Constitution

http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-19070781.html

 

° Biya a promulgué la loi n°2008/001 de révision de la Constitution

http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-18924681.html

 

° Projet de révision au Cameroun. La Constitution selon Biya

http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-18563230.html

 

* Cameroun. Le pouvoir de révision peut-il tout faire?

http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-17766245.html

 

Avez-vous lu La Constitution de la République du Cameroun?

http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-13882378.html

 

 

BONNES LECTURES !

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public

http://www.la-constitution-en-afrique.org/

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21 juin 2008 6 21 /06 /juin /2008 08:43

LA CONSTITUTION EN AFRIQUE se fait l'écho de toutes les manifestations dédiées à la diffusion du savoir sur la chose constitutionnelle en Afrique.

 

Initiatives de Gouvernance Citoyenne (IGC), association de droit camerounais créée en 2005, a développé un programme « Constitutionalisme et Droits Constitutionnels », dont l'un des axes majeurs est l'organisation d'une Académie annuelle visant à améliorer la connaissance et la maîtrise des dispositifs institutionnels par le grand public.

 

La première session de L'ACADEMIE DE DROIT CONSTITUTIONNEL EN AFRIQUE aura pour thème « Constitution et élections ». Elle aura lieu à Yaoundé (Cameroun) du 28 juillet au 7 août 2008.

 

Vous trouverez ci-dessous la documentation pertinente :

 

* Appel à candidatures session 2008

 

* Thème de l'Académie 2008

 

Pour toute précision complémentaire, rendez-vous sur http://www.citizens-governance.org/spip.php?rubrique2

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/

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19 juin 2008 4 19 /06 /juin /2008 07:44

 

Une fois n'est pas coutume, LA CONSTITUTION EN AFRIQUE vous propose de faire un détour par l'histoire constitutionnelle précoloniale et de lire (ou de relire) la Charte du Manden (ou Mandé), qui aurait été proclamée en 1222 par Soudjata, fondateur de l'Empire du Mali.

 

Cette contribution précoce au patrimoine mondial des droits humains, que vous lirez ci-dessous dans la version transmise par les confréries de chasseurs, recueillie et traduite par Youssouf Tata Cissé (source : AFRICULTURES, Youssouf Tata Cissé dans "Soundjata, la Gloire du Mali", éd. Karthala, ARSAN, 1991), invite à méditer sur les racines du constitutionnalisme contemporain.

Les droits affirmés par la Charte du Manden ne sont-ils pas d'une étonnante modernité et d'une troublante actualité ? Peut-on continuer à affirmer péremptoirement que chaque constitution africaine, dans son volet Constitution sociale, est purement et simplement purement et simplement importée de l'ancienne métropole? Qu'elle véhicule des valeurs étrangères à l'Afrique ? La Charte du Manden pourrait-elle et/ou devrait-elle inspirer aujourd'hui les constituants, les juges et les élus ?

 

Au plaisir d'échanger

 

Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/

 

 

 

Illustration tirée du quotidien national d'information du Mali "L'ESSOR", n°16221 du 18 juin 2008 : l'entrée du site du "Mandé sigui kan" ou la Charte du Mandé









 La Charte du Manden

 

1. Les chasseurs déclarent :

 

Toute vie (humaine) est une vie.

Il est vrai qu'une vie apparaît à l'existence avant une autre vie,

Mais une vie n'est pas plus "ancienne", plus respectable qu'une autre vie,

De même qu'une vie n'est pas supérieure à une autre vie.

 

2. Les chasseurs déclarent :

 

Toute vie étant une vie,

Tout tort causé à une vie exige réparation.

Par conséquent,

Que nul ne s'en prenne gratuitement à son voisin,

Que nul ne cause du tort à son prochain,

Que nul ne martyrise son semblable.

 

3. Les chasseurs déclarent :

 

Que chacun veille sur son prochain,

Que chacun vénère ses géniteurs,

Que chacun éduque comme il se doit ses enfants,

Que chacun "entretienne", pourvoie aux besoins des membres de sa famille.

 

4. Les chasseurs déclarent :

 

Que chacun veille sur le pays de ses pères.

Par pays ou patrie, faso,

Il faut entendre aussi et surtout les hommes ;

Car "tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface

Deviendrait aussitôt nostalgique."

 

5. Les chasseurs déclarent :

 

La faim n'est pas une bonne chose,

L'esclavage n'est pas non plus une bonne chose ;

Il n'y a pas pire calamité que ces choses-là,

Dans ce bas monde.

Tant que nous détiendrons le carquois et l'arc,

La faim ne tuera plus personne au Manden,

Si d'aventure la famine venait à sévir ;

La guerre ne détruira plus jamais de village

Pour y prélever des esclaves ;

C'est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable

Pour allez le vendre ;

Personne ne sera non plus battu,

A fortiori mis à mort,

Parce qu'il est fils d'esclave.

 

6. Les chasseurs déclarent :

 

L'essence de l'esclavage est éteinte ce jour,

"D'un mur à l'autre", d'une frontière à l'autre du Manden ;

La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ;

Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.

Quelle épreuve que le tourment !

Surtout lorsque l'opprimé ne dispose d'aucun recours.

L'esclave ne jouit d'aucune considération,

Nulle part dans le monde.

 

7. Les gens d'autrefois nous disent :

 

"L'homme en tant qu'individu

Fait d'os et de chair,

De moelle et de nerfs,

De peau recouverte de poils et de cheveux,

Se nourrit d'aliments et de boissons ;

Mais son "âme", son esprit vit de trois choses :

Voir qui il a envie de voir,

Dire ce qu'il a envie de dire 

Et faire ce qu'il a envie de faire ;

Si une seule de ces choses venait à manquer à l'âme humaine,

Elle en souffrirait

Et s'étiolerait sûrement."

En conséquence, les chasseurs déclarent :

Chacun dispose désormais de sa personne,

Chacun est libre de ses actes,

Chacun dispose désormais des fruits de son travail.

Tel est le serment du Manden

A l'adresse des oreilles du monde tout entier.

 

Youssouf Tata Cissé

 

Texte réécrit par Youssouf Tata Cissé dans "Soundjata, la Gloire du Mali", éd. Karthala, ARSAN, 1991

 

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16 juin 2008 1 16 /06 /juin /2008 13:15

 

LA CONSTITUTION EN AFRIQUE œuvre à la vulgarisation des textes constitutionnels africains d'aujourd'hui. C'est à ce titre que vous trouverez ci-dessous

LA CONSTITUTION DE L'UNION DES COMORES ADOPTEE PAR REFERENDUM LE 23 DECEMBRE 2001

[Source: http://www.comores-droit.com/ ]

 

Bonne lecture !

 

SB

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12 juin 2008 4 12 /06 /juin /2008 11:11

La quatrième Cour Constitutionnelle du Bénin, installée le 7 juin 2008 après qu'ait été vidé le contentieux sur la désignation de certains de ses membres, vient de se choisir un Président : Me Robert Dossou, juriste et homme politique de grande réputation au CV éloquent, succède à Conceptia Ouinsou, Présidente émérite des deuxième (1998-2003) et troisième (2003-2008) mandatures. Le Bureau de la Cour, élu le 11 juin 2008[1], comprend aussi, en qualité de vice-Président, Marcelline Gbêha Affouda, magistrate, secrétaire générale de la Cour Constitutionnelle sortante.

 

C'est un changement dans la continuité qui vient de s'opérer en douceur. Me Robert Dossou - dans lequel certains opposants voient « l'homme » de Yayi Boni, le Chef de l'Etat - a placé son quinquennat (2008-2013) sous le double signe de l'indépendance et de la compétence, marque de fabrique de la justice constitutionnelle béninoise. Lisez plutôt la déclaration du Président Dossou au journal "Option Infos" :

 

« C'est la mise en œuvre d'un nouveau sacerdoce qui commence et il s'agit d'une charge républicaine très délicate qui est une charge de tous les tourments que l'on peut rencontrer au cœur de la démocratie béninoise et dans le développement de notre démocratie.

J'assumerai cette tâche avec beaucoup de dévouement et de compétence. C'est une injure et un oubli de me considérer comme l'homme du chef de l'Etat parce que j'ai reçu toute sorte d'étiquettes et je ne m'arrête pas aux outrages qui vont venir.

Je suis Robert Dossou créé par Dieu à son image et périodiquement appelé à rendre service à la République. Au cours de ce quinquennat, je tâcherai avec mes autres collègues de poursuivre l'œuvre accomplie par nos prédécesseurs et s'il y a quelque chose à améliorer, on l'améliorera. Je n'ai pas le droit de parler du contenu des délibérés, donc une fois qu'on lève la séance et on sort, nous sommes autorisés à diffuser seulement les résultats.

La Nation peut faire confiance parce que j'ai jaugé toute suite la détermination des autres membres de la Cour Constitutionnelle, je les connaissais tous avant que nous ne soyons nommés tous à cette charge.

La République peut être confiante que la mission entamée par les membres de la Cour Constitutionnelle depuis la conférence des forces vives de la nation sera poursuivie. Nous ne mettrons pas nos pas dans des pétrins. »


Gageons que la Cour Constitutionnelle Dossou saura continuer à rendre, en toute indépendance, d'éminents services à la cause de L'Etat de droit et de démocratie pluraliste au Bénin !

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/


 

[1] Conformément à l'article 116 de la Constitution de 1990, aux articles 3, 4, 5 et 6 de la loi organique de 1991 sur la Cour Constitutionnelle et aux  articles 6, 7 et 8 du règlement intérieur de la Cour.

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11 juin 2008 3 11 /06 /juin /2008 10:48

LA CONSTITUTION EN AFRIQUE œuvre à la vulgarisation des textes constitutionnels africains d'aujourd'hui. C'est à ce titre que vous trouverez ci-dessous la

LOI FONDAMENTALE DE LA REPUBLIQUE DE GUINEE DU 23 DECEMBRE 1990

[Source: http://www.panos-ao.org/article.php3?id_article=65 ]

ainsi que les

MODIFICATIONS APPORTEES EN 1996 ET 2002 A CETTE LOI FONDAMENTALE

[Source: http://www.primature.gov.gn/ ]

 

Bonne lecture !

 

SB

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10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 13:58
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8 juin 2008 7 08 /06 /juin /2008 09:21


Lorsque le pouvoir de révision souverain s’emballe, la Constitution s’abîme : refaite, défaite, instrumentalisée, elle épouse les caprices du prince. C’est l’amère expérience d’un relativisme constitutionnel poussé à son paroxysme que connaît aujourd’hui le Sénégal d’Abdoulaye Wade.

 

LA FIEVRE REVISIONNISTE

 

La Constitution du 22 janvier 2001 n’a de cesse d’être modifiée, alors même que son auteur – au sens politique, le Constituant étant le peuple sénégalais qui s’est prononcé par référendum le 7 janvier 2001 – continue d’occuper la magistrature suprême. La troisième loi fondamentale du Sénégal indépendant est, en effet, le pur produit de l’alternance au pouvoir par les urnes : élu le 19 mars 2000 par 58% des suffrages, Abdoulaye Wade, l’opposant historique au « régime » socialiste, avait fait plébisciter – par 94% des suffrages - son projet de nouvelle Constitution, sur le fondement – contesté – de l’article 46 de la Constitution de 1963 alors en vigueur[1]. Nonobstant ce changement licite de Constitution et la modernité de la Constitution Wade, le Sénégal n’a pas rompu avec les errements passés, les révisions à répétition du texte suprême. La Constitution du 7 mars 1963 avait été révisée à 20 reprises. La Constitution du 22 janvier 2001, qui lui a succédée, change à un rythme beaucoup plus soutenu, grâce au soutien inconditionnel du PDS (Parti Démocratique Sénégalais), le parti ultramajoritaire[2].

 

La Constitution a déjà subi 7 amendements – permanents ou temporaires :

 

- la Loi n° 2003-15 du 19 juin 2003 portant révision de la Constitution et instituant un Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales,

- la Loi constitutionnelle n° 2006-11 du 20 janvier 2006 prorogeant le mandat des députés élus à l’issue des élections du 29 avril 2001,

- la Loi n° 2006-37 du 15 novembre 2006 modifiant l’article 33 de la Constitution [octroi du droit de vote aux militaires],

- la Loi constitutionnelle n° 2007-06 du 12 février 2007 créant un Sénat,

- la Loi constitutionnelle n° 2007-19 du 19 février 2007 modifiant l’article 34 de la Constitution [abrogation du 1er alinéa prévoyant de reprendre l’élection présidentielle en cas de retrait d’un candidat],

- la Loi constitutionnelle n° 2007-21 du 19 février 2007 modifiant la Loi constitutionnelle n° 2006-11 du 20 janvier 2006 prorogeant le mandat des députés élus à l’issue des élections du 29 avril 2001,

- la Loi constitutionnelle n° 2007-26 du 25 mai 2007 relative au Sénat.

 

La Constitution Wade est promise à d’autres évolutions : 5 textes de révision sont en instance d’approbation par l'Assemblée Nationale et le Sénat[3] réunis en Congrès - une nouvelle assemblée dépourvue de règlement -, conformément à  l'article 103 de la Constitution:

 

- la Loi constitutionnelle modifiant les articles 7, 63, 68, 71 et 82 de la Constitution [parité ou quotas de genre - session unique - délibération du Sénat - amendement parlementaire du projet de loi de finances], adoptée par le Sénat, en sa séance du lundi 26 novembre 2007 ;

- la Loi constitutionnelle portant création du Conseil économique et social, adoptée par le Sénat, en sa séance du jeudi 13 décembre 2007 ;

- la Loi constitutionnelle portant suppression du Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales, adoptée par le Sénat, en sa séance du jeudi 23 décembre 2007 ;

- le projet de loi n° 19/2008 portant révision de la Constitution [rétablissement de la Cour Suprême], voté par l’Assemblée nationale, en sa séance du lundi 07 avril 2008 ;

- le projet de loi constitutionnelle n° 18/2008 modifiant les articles 9 et 95 et complétant les articles 62 et 92 de la Constitution [poursuites pour infractions de droit international - contrôle de constitutionnalité obligatoire a priori des règlements des assemblées], voté par l’Assemblée nationale, en sa séance du lundi 07 avril 2008.

 

Quels sont les motifs et l’économie générale des révisions constitutionnelles à venir ?

 

LA CONSTITUTION FEMINISEE

 

La Constitution du 22 janvier 2001, dans sa dimension Constitution sociale, assure une promotion - sans équivalent en Afrique de l’Ouest – des droits de la femme. Pour autant, elle ne permet pas au législateur de prendre certaines mesures de discrimination positive en faveur des sénégalaises. C’est ainsi qu’au grand dam du Président Wade le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 97/2007, a censuré la loi n° 23/2007 modifiant l'article L 146 du Code électoral pour instituer la parité dans la liste des candidats au scrutin de représentation proportionnelle pour les élections législatives. Cette censure, violemment critiquée par les défenseurs de la cause des femmes, a paru neutraliser le Préambule de la Constitution qui incorpore la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, du 18 décembre 1979 ; telle est la substance du commentaire de Imaïla Madior Fall, que vous pouvez lire ICI en avant-première, en attendant la parution du recueil "Décisions et avis du Conseil Constitutionnel du Sénégal". Même si la portée de la convention a pu être discutée par les constitutionnalistes de l’ancienne métropole[4], le Conseil Constitutionnel sénégalais n’aurait-il pas, à tort, calqué sa position sur celle prise par son homologue de France dans ses décisions n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 et n° 98-407 DC du 14 janvier 1999 ?

 

Le Président Wade a, en tout cas, invité le pouvoir de révision souverain à « casser » la décision du Conseil pour donner une assise constitutionnelle incontestable à la parité ou aux quotas de genre. Pouvait-il faire un autre choix et ne pas imiter l’attitude des gouvernants français, qui a abouti à la Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes ? Valait-il mieux que le Président de la République n’honore pas la promesse faîte aux sénégalaises, qui auraient été alors exclues de l'entreprise de modernisation de la Constitution sociale, à l'instar de leurs consœurs camerounaises ? Le projet de « féminiser » la Constitution procède-t-il d’un pur caprice ou constitue-t-il la juste réponse à une demande sociale ?

   

LA CONSTITUTION INTERNATIONALISEE

 

Aujourd’hui en Afrique, l’impunité des anciens dirigeants, soupçonnés d’avoir commis les infractions les plus graves de droit pénal international, n’est plus tolérée par la société civile. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’affaire Hissène Habré, du nom de l’ex-président tchadien (1982-1990), qui, réfugié au Sénégal depuis sa chute, a été inculpé en février 2000 de complicité de crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de barbarie, avant que la justice ne se déclare incompétente pour le juger (voir ICI les principales décisions des juridictions judiciaires). Le Sénégal d’Abdoulaye Wade a été mis en demeure par la communauté internationale (voir ICI la décision du 17 mai 2006 Comite ONU contre la torture) et chargé par l’Union africaine (voir ICI les décisions de la conférence prises les 24 janvier et 2 juillet 2006, ensemble avec le rapport du comité d'éminents juristes africains), de faire cesser cette situation et de lever tous les obstacles juridiques au procès d’Hissène Habré.

Répondre favorablement à ces injonctions, tel est le principal objet du projet de loi constitutionnelle n° 18/2008. Il ne s’agit, en aucun cas, de couvrir la promulgation de lois rétroactives de nature à restreindre les garanties fondamentales accordées aux sénégalais : les craintes du blog "POLITIQUE AU SENEGAL" étaient manifestement infondées. L’adoption du texte par l'Assemblée Nationale, le 8 avril 2008, a d’ailleurs été saluée par la FIDH et ses organisations membres au Sénégal, l'ONDH et la RADDHO, et au Tchad, l'ATPDH et la LTDH. « Internationalisée » pour permettre – notamment - la poursuite d’ex-présidents, criminels de guerre ou contre l’humanité ou génocidaires, la Constitution Wade se distinguera de d’autres textes fondamentaux consacrant l’immunité des anciens chefs de l’Etat, comme la Constitution du Gabon (art. 78 in fine) révisée en 2000[5]  ou la Constitution du Cameroun (art. 53 al. 3) révisée en 2008[6]. Reste à savoir si cette révision sera dûment exploitée pour juger au Sénégal l’ancien président Tchadien. Le doute est permis lorsque l’on sait que le Président Wade, à la mi-avril 2008, a confié le ministère de la justice à l'ex-coordinateur des avocats d'Hissène Habré. Si caprice du prince il y a, il ne se logerait pas dans la révision à finaliser mais dans la volonté de l’appliquer !


LA CONSTITUTION DESTABILISEE

 

C’est surtout la Constitution politique du Sénégal qui a été – à 7 reprises déjà ! - et sera victime des embardées du pouvoir de révision souverain, intimement liées aux inconstances de la vision institutionnelle du Président Abdoulaye Wade. Les 5 textes de révision pendants modifient certaines règles du jeu ou l’architecture des institutions ; ils obéissent à une logique formelle – certaines modifications sont réunies dans un même texte, sans le moindre souci d’unité de matière – et intellectuelle qui échappe largement au commentateur.

 

Les institutions sénégalaises fonctionneront sur la base de règles techniques nouvelles, peu, mal ou curieusement justifiées par leur initiateur :

 

° L’instauration d’une session unique du Parlement : Au lieu de tenir deux sessions ordinaires de quatre mois chacune, le Parlement se réunira de plein droit en une session ordinaire unique de huit ou neuf mois. La durée maximale des travaux des assemblées étant légèrement modifiée, faut-il voir dans cette réforme autre chose qu’un alignement – la copie n’est pas conforme ! - du Sénégal sur la France, qui a pris cette option avec la loi constitutionnelle n°95-880 du 4 août 1995 ?

 


° La limitation du droit d’amendement parlementaire du projet de loi de finances :
En matière législative ordinaire, les députés et les sénateurs auront toujours l’initiative financière, sous réserve d’assortir leurs initiatives de propositions de recettes compensatrices. En revanche, lors de l’examen du projet de loi de finances, le Parlement – et non plus les parlementaires (sic) – ne pourra proposer – et non adopter (sic) – un article additionnel ou un amendement que s’il diminue les dépenses de l’Etat ou augmente ses recettes. Autrement dit, les assemblées ne pourront prendre que des initiatives peu populaires par définition !

 


° La réintroduction du contrôle de constitutionnalité obligatoire des règlements des assemblées :
Selon l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle n° 18/2008, « l’article 62 a été amputé à tort de son dernier alinéa par la révision constitutionnelle du 12 février 2007 alors que, dans le souci de renforcer le contrôle de la constitutionnalité des lois, il est plus que jamais nécessaire de subordonner la promulgation du règlement intérieur de chaque assemblée à la déclaration de conformité dudit règlement par le Conseil constitutionnel sur saisine du Président de la République ». Le Président Abdoulaye Wade admet donc qu’à son initiative le pouvoir de révision souverain a malencontreusement erré en 2007 ; et il estime qu’il lui faudrait, l’année suivante, corriger cette invraisemblable erreur. Dans l’intervalle, il est peu probable que le Chef de l’Etat ou un dixième des membres d’une assemblée ait usé du droit que leur reconnaît l'article 74 de la Constitution du 22 janvier 2001 de saisir le Conseil Constitutionnel d’un recours visant à faire déclarer inconstitutionnelle la loi portant règlement intérieur[7] du nouveau Sénat. La chambre haute qui, installée le 26 septembre 2007, s’est donné le 3 octobre 2007 un bureau définitif, fonctionne peut-être sur la base d’un texte en partie contraire à la Constitution. C’est qu’au gré d’actes constituants s’enchaînant capricieusement le champ de compétences du Conseil Constitutionnel se rétrécit ou s’élargit, licitement mais au détriment des exigences contemporaines d’un Etat de droit et de démocratie pluraliste.

 

La Constitution Wade portera aussi les stigmates de l’étrange mal constitutionnel diagnostiqué par le professeur Ismaïla Madior Fall dans son ouvrage "Evolution constitutionnelle du Sénégal" (p. 150) : « le Constituant tourne en rond, avec un mouvement de va-et-vient incessant entre des institutions qu’on instaure, supprime et restaure, sans que la logique qui sous-tend ce mouvement soit toujours motivée par des préoccupations de rationalité démocratique ».

 

° La renaissance de la Cour Suprême : Le projet de retour partiel à l’organisation juridictionnelle de 1992, évoqué ICI sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE, ne reçoit aucune justification officielle, si l’on s’en tient à la lecture de l'exposé des motifs du projet de loi n° 19/2008 portant révision de la Constitution: « Le présent projet de loi a pour objet de substituer la Cour suprême au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation. Il modifie les articles 6, 88, 92, 93 et 44 de la Constitution ». Une telle substitution aurait pourtant mérité un éclairage conséquent pour alimenter un débat parlementaire de qualité sur les mérites et les travers de l’éclatement des hautes juridictions !

 

° La suppression-remplacement du Conseil de la République : En 2003, à l’occasion de la première révision de la Constitution du 22 janvier 2001, le Président Wade a fait créer le Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (CRAES), « institution chargée de favoriser le dialogue social … une collaboration harmonieuse entre les communautés et les différentes catégories sociales et professionnelles ». En 2007, il prône la suppression du CRAES – qui a longtemps eu son site internet http://www.conseil-republique.sn/, alors que l'Assemblée Nationale n’a plus le sien depuis plusieurs années – et son remplacement par le Conseil économique et social, auquel sera dévolu – à quelque chose près - le même rôle et qui appartiendra lui aussi à l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et des institutions similaires. La suppression-remplacement du Conseil de la République est-elle de pure convenance ? Aurait-elle une cohérence cachée ?

 


Pérenniser
non un régime présidentiel mais un hyper-présidentialisme, telle semble être, en définitive, la préoccupation majeure du Président Wade lorsqu’il fait réviser « sa » Constitution du 22 janvier 2001.

 

° Le renforcement du Sénat : En 2007, le Sénégal d’Abdoulaye Wade a renoué avec le bicamérisme qu’il avait aboli en 2001 ; en 2008, il s’apprête à renforcer symboliquement le poids institutionnel de ce Sénat de facture bonapartiste, nommé par le Président de la République à hauteur des 2/3 de ses membres. Le texte de loi constitutionnelle modifiant l'article 71 de la Constitution, adopté par le Sénat le 26 novembre 2007, consiste apparemment à supprimer une malfaçon rédactionnelle – résultant d’une intervention bâclée du pouvoir de révision en 2007 - et à simplifier la procédure législative : l'alinéa 1 de l'article 71 prévoyant la transmission au Président de la République de toute loi adoptée par l'Assemblée Nationale, préalablement à sa soumission au Sénat, sera supprimé. Mais il en résultera la banalisation d’une chambre haute qui, davantage encore que certaines de ses consoeurs de la région, y compris le Sénat de la Constitution Ravalomanana, fait mauvais genre dans une démocratie.


°
Le projet - avorté ? - de restauration du septennat présidentiel : Le Constituant sénégalais a toujours prêté une attention particulière à la durée du mandat du Président de la République, qui n’a cessé de varier : sous le pouvoir socialiste, elle a été successivement fixée à 7 ans (1960-1963), 4 ans (1963-1967), 5 ans (1967-1992), et, enfin, 7 ans (1992-2001) ; dans la foulée de l'alternance, l'article 27 alinéa 1 de la Constitution du 22 janvier 2001 rétablit le quinquennat, qui n’est applicable au Président Wade que depuis sa réélection de 2007. Cette mesure de respiration démocratique est désormais dans le collimateur de son auteur : lors du Conseil des ministres du 9 mai 2008, le Chef de l’Etat a fait adopter un projet de loi constitutionnelle modifiant l’article 27 alinéa 1 de la Constitution pour restaurer le septennat. L’annonce de cette volte-face constitutionnelle a été redoublée d’une controverse sur la voie à emprunter pour adopter la révision. Pour des raisons de pure opportunité politique, la Présidence a, en effet, entrepris de convaincre l’opinion de la possibilité d’allonger la durée du mandat présidentiel, sans recourir au référendum, et ce en exhibant non l'article 27 alinéa 2 de la Constitution du 22 janvier 2001, tel que publié au journal officiel, mais l'une des versions en circulation sur le net! Elle a mené un combat surréaliste, perdu d’avance, contre les constitutionnalistes du pays appelant au respect de la Constitution authentique ; elle a nié l’évidence : "sans référendum, pas de révision de l'article 27!" La controverse procédurière l’a emporté sur la discussion du fond du projet de révision, immanquablement inscrit sur la liste déjà longue des reniements institutionnels du Président Wade.

 

Depuis peu, un coup d’arrêt semble avoir été donné aux dérives pathologiques du pouvoir de révision  - "Sans tripatouillages y'a pas de plaisir!"  : de passage à Paris, le Président de la République a finalement annoncé le maintien du quinquennat. Mais ce renoncement pourrait être purement tactique. Au Sénégal d’Abdoulaye Wade, la Constitution n’est-elle pas devenue, en toute légalité, le jouet du prince ?

 

Stéphane BOLLE

Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/



[1] L’article 46 habilitait le Président de la République à « soumettre tout projet de loi au référendum ». Le Président Abdoulaye Wade pouvait aisément se prévaloir du précédent français de 1962 lorsque le général de Gaulle, sur le fondement de l'article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958 , avait fait approuver par référendum la révision du mode d’élection du Chef de l’Etat. Deux juridictions sénégalaises ont avalisé la procédure de « révision-remplacement » de la Constitution de 1963 via son article 46 :

* Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 3/2000 du 9 novembre 2000 a considéré que « le Président de la République tient de cette disposition constitutionnelle le droit d’initiative au référendum sans distinction entre la matière constitutionnelle et la matière législative ordinaire ».

* Le Conseil d’Etat, dans son arrêt n° 1/2000 du 4 janvier 2001, a estimé que « la décision du Président de la République de recourir au référendum est un acte de gouvernement insusceptible de recours pour excès de pouvoir ».

[2] Lors des élections législatives du 29 avril 2001, les listes SOPI du PDS ont remporté 89 des 150 sièges en compétition. Lors des élections législatives du 3 juin 2007, boycottées par les principaux partis d’opposition, le PDS a remporté 131 des 150 sièges en compétition.

[3] La légitimité du nouveau Sénat, installé le 26 septembre 2007, est controversée. Chambre haute d’inspiration bonapartiste, il est presque entièrement acquis au Président Abdoulaye Wade : 65 sénateurs ont été nommés par lui ; le PDS occupe 34 des 35 sièges pourvus au suffrage universel indirect lors des élections sénatoriales du 18 août 2007.

[4] Voir en ce sens « La parité dans la vie politique. Rapport de la commission pour la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique », Paris, La Documentation Française, 1999, pp. 155-188.

[5] Gabon, Constit. 1991, art. 78, dernier alinéa

Le Président de la République qui a cessé d’exercer ses fonctions ne peut être mis en cause, poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé pour les faits définis par la loi organique prévue à l’article

81 de la Constitution (L. 14/2000 du 11 octobre 2000).

[6] Cameroun, Constit. 1996, art. 53, alinéa 3

Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l'Assemblée Nationale et le Sénat statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres les composant.
Les actes accomplis par le Président de la République en application des articles 5, 8,9 et 10 ci-dessus, sont couverts par l'immunité et ne sauraient engager sa responsabilité à l'issue de son mandat.

[7] Au Sénégal, le règlement d’une assemblée législative prend la forme d’une loi et non d’une résolution. Ce formalisme peu favorable à l’autonomie parlementaire est rarissime en Afrique francophone.

 

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7 juin 2008 6 07 /06 /juin /2008 18:17

Aujourd'hui, 7 juin 2008, une page se tourne en République du Bénin : la troisième Cour Constitutionnelle (2003-2008) tire sa révérence et Conceptia Ouinsou, après une décade (1998-2008) passée à la tête de la haute juridiction, quitte les habits de troisième personnage de l'Etat.

 

Il convient de saluer l'œuvre accomplie en faveur de la consolidation de l'Etat de droit et de démocratie pluraliste, plus vivace au Bénin que dans bien d'autres pays africains. La Cour Ouinsou a exercé son magistère dans la continuité de la jurisprudence fondatrice, du Haut Conseil de la République faisant office de Cour Constitutionnelle (1991-1993), puis de la première mandature de la Cour définitive présidée par Elisabeth Pognon (1993-1998). Avec elle, le modèle béninois de justice constitutionnelle - exemplaire en Afrique - a administré la preuve de sa solidité et de son efficience.  Et le constat fait en 1997 (Stéphane Bolle, Le nouveau régime constitutionnel du Bénin. Essai sur la construction d'une démocraie africaine par la Constitution, thèse de droit public, 1997, pp. 735-736) reste d'une troublante actualité : « Le nouveau régime constitutionnel du Bénin qui assure, par la séparation concurrentielle des institutions politiques et par le « gouvernement » de la Cour Constitutionnelle, le maximum de stabilité institutionnelle et le règne le plus étendu de la Constitution, que l'on puisse attendre d'une jeune démocratie africaine, est une exception dans la région. [...] Bien des responsables africains et des africanistes saluent l'oeuvre de la Cour Constitutionnelle qui, de manière constante, imprime un mouvement décisif à la civilisation constitutionnelle du champ ouvert à la compétition institutionnelle. Seule incarnation crédible d'un « troisième pouvoir » quasi-inexistant en Afrique, la Haute juridiction s'est employée à régler les litiges politiquement insolubles relevant de ses imposantes compétences textuelle et jurisprudentielle, par l'énonciation, dans les formes contemporaines du contrôle de constitutionnalité, des solutions les plus conformes à la lettre et/ou à l'esprit antiautoritaire de la Constitution. Arbitre respecté bénéficiaire d'un manifeste « report de conscience » de la part des citoyens, la Cour Constitutionnelle, qui supplante en partie les deux branches du pouvoir politique démocratique, tend à devenir la gouverne éthique et libérale de la jeune démocratie béninoise ».

 

Exemplaire, avant et sous la direction de Conceptia Ouinsou, la Cour Constitutionnelle du Bénin ne laisse personne indifférent : ses admirateurs louent la sagesse de ses décisions, lui sont gré d'avoir épargné au pays certaines épreuves qui, ailleurs, ont fait avorter la pacification de la scène publique ; ses détracteurs dénoncent une juridiction qui en fait trop, qui sort dangereusement de son rôle - c'est la thèse centrale de Frédéric Joël Aïvo dans « Le juge constitutionnel et l'état de droit en Afrique. L'exemple du modèle béninois », Paris, L'Harmattan, 2006).

 

La Cour Constitutionnelle joue assurément un rôle insigne ; elle n'a pas démérité, loin s'en faut - comme en attestent les espèces reproduites sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE, catégorie "Bénin". La jurisprudence Ouinsou qui s'inscrit, incontestablement, dans le procès de soumission de l'exercice du pouvoir politique démocratique au respect de la Constitution, dans le droit fil de la philosophie anti-autoritaire du Constituant de 1990, mériterait d'être étudiée par les constitutionnalistes.

 

Parce qu'elle s'apparente davantage à la puissante Cour Constitutionnelle Fédérale d'Allemagne qu'au Conseil Constitutionnel français, la Cour Constitutionnelle du Bénin me paraît justiciable de la réflexion stimulante de Charles Eisenmann (« La justice constitutionnelle dans la République Fédérale d'Allemagne », in Ecrits de théorie du droit, de droit constitutionnel et d'idées politiques. Textes réunis par Charles Leben, Paris, Editions Panthéon-Assas, 2002, pp. 560-562) :

 

« Ce n'est certainement pas exagérer que de louer l'extrême conscience, le scrupule conscient, la volonté de justesse avec lesquels la Cour Constitutionnelle a [...] rempli les [...] missions [...] que la Constitution lui a confiées.

[...] Cette appréciation très favorable de l'œuvre de la Cour Constitutionnelle [...] n'implique naturellement pas que l'on soit d'accord avec toutes les décisions qu'elle a rendues ou rendra [...] le juriste étranger se doit d'ailleurs d'observer une sérieuse réserve : il doit veiller notamment à ce que sa critique ne tienne pas à ce qu'il désapprouve politiquement des règles de droit positif que la Cour ne fait qu'appliquer, sans être vraiment responsable elle-même des décisions d'espèce qu'elles appellent de sa part ; il doit encore se garder de critiquer trop catégoriquement, même s'il en préfèrerait une autre, l'interprétation que la Cour donne d'une disposition de la Constitution qui peut en vérité laisser place au doute - et par là même à une certaine liberté de choix, à un certain pouvoir discrétionnaire pour le juge -, auquel cas des convictions d'ordre politico-social influeront tout naturellement, et très normalement, ou même détermineront ses options entre des interprétations divergentes toutes plus ou moins plausibles.

[...] On peut donc dire que [...] la Cour Constitutionnelle [...] a cherché à maintenir loyalement la suprématie de la Constitution, le pouvoir suprême du législateur constitutionnel ; c'est-à-dire qu'elle a voulu interpréter et faire prévaloir la Loi fondamentale dans l'esprit que l'on attend d'une juridiction, surtout placée à un rang si éminent.

[...] Doit-on dire que la Cour Constitutionnelle [...] participe au gouvernement [...], au pouvoir politique, à un niveau élevé (c'est la seule formulation correcte de la question ; parler de « gouvernement des juges serait une formule assurément simplificatrice et ultra-exagérée) ?

Ce problème concerne en premier lieu le pouvoir d'annulation des lois et le pouvoir d'interprétation de la Loi fondamentale qui lui sont reconnus. Pour le second, il faut dire que, dans les hypothèses, nombreuses, où le sens du texte qui a été voulu par son auteur n'est pas évident ni déterminable avec certitude, il s'ensuit si l'on voit les choses de façon réaliste (et non de façon formaliste) que la Cour participe à la législation constitutionnelle, au pouvoir constituant. Le premier pouvoir constitue, lui, un pouvoir de veto législatif, c'est-à-dire opposé aux décisions du « pouvoir législatif », - pouvoir de veto qui en théorie est « lié », puisqu'il ne doit pas exprimer un désaccord personnel des juges avec le fond de la volonté législative, un jugement politique de leur part, mais seulement un désaccord juridique, fondé sur la Constitution, dur les règles qu'elle veut voir respecter par le législateur... Mais il faut tenir compte de ce qui vient d'être dit sur la part importante de jugement personnel c'est-à-dire de pouvoir discrétionnaire, qui joue dans l'interprétation préalable de la Constitution, base du jugement sur la constitutionnalité, et dans le jugement de conformité ou contrariété lui-même. De sorte que l'on doit dire en fin de compte que, dans une mesure qui varie certes extrêmement avec l'état des textes constitutionnels, avec leur degré de précision, et aussi avec des facteurs politiques imprévisibles - d'opposition des forces politiques et de l' « opinion » à accepter une forte marge de liberté des juges ; disposition des juges à exercer cette liberté, l'une et l'autre exprimant la position morale de l'organe juridictionnel dans la société politique -, le Cour participe au pouvoir constituant.

Il faut aller plus loin : dans la mesure où la Cour a proclamé son droit de juger les lois d'après des règles qui n'ont pas été posées par et dans la loi fondamentale [...] auxquelles c'est donc elle qui reconnaît l'autorité de règles constitutionnelles, elle se pose, pour ainsi dire, en second pouvoir constituant [...] ; dans la mesure où elle se réserve [...] le pouvoir de juger même des dispositions constitutionnelles soit au nom des règles inexprimées dans la Loi fondamentale soit même au nom de règles qui figurent bien dans cette Loi, mais qu'elle croit devoir soustraire au pouvoir constituant de révision, c'est un pouvoir supra-constituant qu'elle exercerait ; c'est une légalité supra-constitutionnelle qu'elle créerait.

Ce contrôle de la législation, ce contrôle de sa régularité, de sa régularité le plus souvent constitutionnelle [...] la Cour a [...] tendance à l'étendre en pouvoir de direction de la législation, donc du « pouvoir législatif », en disant au législateur (pour parler bref) ce qu'il doit faire, ce qu'il ne doit pas faire, ou, si l'on veut, en posant, comme l'on dit, au moins des « directives » quant aux règles qu'il ne doit pas édicter, ou même à celles qu'il peut ou même qu'il doit édicter. Du contrôle, pouvoir négatif (au moins selon la théorie), elle serait passée à la direction, pouvoir positif, - d'un « pouvoir d'empêcher » à un pouvoir de « statuer » (Montesquieu). »

 

La Cour Constitutionnelle Ouinsou n'est plus. Vive la Cour Constitutionnelle !

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/

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6 juin 2008 5 06 /06 /juin /2008 10:06

 

Le Président de la République du Bénin ne saurait se substituer à l'Assemblée Nationale pour créer une administration autonome, dont les attributions d'arbitrage empiètent sur les compétences de la Cour Constitutionnelle, même si la légitimité et l'utilité de la médiation ne sont guère contestables dans un Etat de droit et de démocratie pluraliste.

 

Je vous invite à lire et à commenter sans modération sur le sujet :

 

* la décision DCC 08-066 du 26 mai 2008 de censure du décret du 26 août 2006 sur l'Organe Présidentiel de Médiation, structure disposant de son site internet (http://www.palais-marina.bj/mediateur/) ;

 

* un entretien avec le Professeur Albert Tévoédjrè, Médiateur à la Présidence de la République;

 

* ainsi que le décret du 28 mars 2008- par anticipation ? - le décret censuré, et dont la constitutionnalité paraît très douteuse.

 

Au plaisir d'échanger

 

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
http://www.la-constitution-en-afrique.org/

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