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  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE
  • : LA CONSTITUTION EN AFRIQUE est un espace d’expression, de réflexion et d’échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde
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  BOLLE STEPHANE 

Stéphane BOLLE

Maître de conférences
HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III 
 

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La Constitution en Afrique est un espace d'expression, de réflexion et d'échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde.
Ce site propose un regard différent sur l'actualité constitutionnelle foisonnante des pays africains. Il ne s'agit pas de singer les gazettes ou les libelles, de s'abîmer dans une lecture partisane des constitutions, des révisions, des pratiques et des jurisprudences. Sans angélisme ni scepticisme, il urge d'analyser, en constitutionnaliste, une actualité constitutionnelle largement méconnue et passablement déformée.
La Constitution en Afrique se conçoit comme l'un des vecteurs du renouvellement doctrinal qu'imposent les changements à l'œuvre depuis la décennie 1990. La chose constitutionnelle a acquis dans la région une importance inédite. Il faut changer de paradigme pour la rendre intelligible ! C'est d'abord au constitutionnaliste de jauger le constitutionnalisme africain contemporain, ses échecs - toujours attestés -, ses succès - trop souvent négligés. Sans verser ni dans la science politique, ni dans un positivisme aveugle, le constitutionnaliste peut et doit décrypter la vie constitutionnelle, en faisant le meilleur usage des outils de la science actuelle du droit.
La Constitution en Afrique est enfin un forum, un lieu ouvert à la participation des chercheurs débutants ou confirmés qui souhaitent confronter leurs points de vue. N'hésitez pas à enrichir ce site de commentaires, de réactions aux notes d'actualité ou de lecture, de billets ou de documents. Vos contributions sont attendues.

Au plaisir d'échanger avec vous

 

 

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public
Université Paul Valéry - Montpellier III

 

19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 15:41

sarkozy-reforme-institutions.jpg

Le constituant français devrait bien puiser dans les constitutions africaines pour adapter une V° République épuisée, à l’aube de son cinquantenaire. C’est ce qui ressort de la lettre d'orientation que le Président Nicolas Sarkozy a adressée, le 12 novembre 2007, au Premier ministre François Fillon.
La tendance – cachée ! - au renversement du mimétisme constitutionnel, qui avait été d’abord pressentie, puis attestée lors la remise du rapport du Comité Balladur, est toujours d’actualité. Seulement, Nicolas Sarkozy a revu et corrigé les 77 propositions de la « copie » du comité : celles qui rencontrent un large consensus ont été retenues ; la plus contestée – la réécriture des articles 5 et 20 de la Constitution – a été « enterrée » ; enfin, une réforme attendue mais rejetée par les « sages » - la limitation du nombre de mandats présidentiels – a été réinscrite sur l’agenda de la révision constitutionnelle. Ces choix, s’ils venaient à être entérinés par les assemblées réunies en Congrès, après les élections municipales de mars 2008, reviendraient à « africaniser » - sans le savoir ? – la Constitution du 4 octobre 1958.
Nicolas Sarkozy entend, d’abord, introduire dans la loi fondamentale de la V° République des avancées de l'Etat de droit et de démocratie pluraliste qui font consensus en France … et qui figurent dans les constitutions africaines depuis une quinzaine d’années.  En 2008, les citoyens français devraient jouir de « droits nouveaux » que leur promettait déjà le rapport Vedel de 1993, de droits reconnus aux africains – comme aux européens de l’Est -, sur recommandation de « pèlerins constitutionnels » - dont des experts français ! -, pour sceller la sortie de l’autoritarisme, après la chute du mur de Berlin. Ne faut-il pas, dès lors, changer de regard, voir autrement les constitutions africaines, qui, sur bien des points, sont davantage sophistiquées et modernes que la Constitution française ? Une réponse affirmative s’impose, s’agissant, par exemple, du contrôle concret, a posteriori, de la constitutionnalité des lois. Nicolas Sarkozy écrit, dans sa lettre du 12 novembre 2007: « Comme c’est le cas dans toutes les grandes démocraties, je pense que doit être ouverte aux citoyens, à l’occasion de litiges portés devant les juridictions, la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la constitutionnalité des lois déjà promulguées au regard des droits fondamentaux ». La France s’apprêterait donc à s’aligner sur le droit positif des « grandes démocraties » du Bénin, du Sénégal, de Madagascar ou encore du Congo-Kinshasa. Ne devrait-elle pas alors s’interroger sur le bien-fondé des différentes variantes de l’exception d’inconstitutionnalité et, en particulier, sur la pertinence d’un filtrage par les juridictions suprêmes ordinaires, au regard des expériences « tropicales » ? Ne devrait-elle pas, pour se normaliser, copier intelligemment, en 2008, sur la base d’une étude d’impact, où le devenir du Conseil Constitutionnel pourrait être évalué au regard de la jurisprudence – pionnière en Francophonie - de la Cour Constitutionnelle du Bénin ?
Nicolas Sarkozy surprend lorsqu’il renonce à plagier ces constitutions africaines qui font du Président de la République le chef suprême de l’exécutif, dans le cadre d’un régime semi-présidentiel : « après réflexion, je ne pense pas qu’il soit souhaitable que les articles 5, 20 et 21, qui précisent la répartition des rôles entre le Président de la République, le Premier ministre et le gouvernement, soient modifiés. Dès lors qu’un changement de la nature du régime est écarté, toute modification de la rédaction actuelle me paraît en effet présenter plus d’inconvénients que d’avantages ». Le comité Balladur, qui avait honoré une commande présidentielle expresse, est clairement désavoué ; les nombreux commentateurs, qui avaient étonnamment minimisé ou complaisamment approuvé l’inscription du présidentialisme dans le marbre de la Constitution, n’ont pas convaincu. C’est le refus du PS, du principal parti d’opposition en capacité de bloquer la révision constitutionnelle, qui a eu raison d’un amendement majeur, condamné par quelques universitaires, comme Marie-Anne Cohendet, Bastien François ou Gilles J. Guglielmi. La France ne prendra donc pas le risque, en 2008, de sacrifier la souplesse de sa Constitution sur l’autel de la formalisation de conventions de la Constitution présidentialistes ; la cohabitation, toujours possible, sera constitutionnellement praticable, contrairement à la situation qui prévaut dans nombre de pays africains.
Enfin, Nicolas Sarkozy se prononce en faveur du double quinquennat présidentiel, règle d’or des constitutions africaines de la décennie 1990. Le comité Balladur, « au nom de la souveraineté du suffrage », n’avait pas cru bon de revenir sur le quinquennat "sec" imposé, en 2000, par Jacques Chirac. L’élu du 6 mai 2007 réitère sèchement sa position : « Conformément aux engagements de la campagne présidentielle, et alors même que le comité ne l’a pas retenu, je propose que le nombre de mandats successifs d’un même Président de la République soit limité à deux. Je considère que le rôle de la Constitution est aussi d’aider les responsables politiques à agir plutôt qu’à chercher à se maintenir ». La limitation du nombre de mandats présidentiels par la Constitution a toujours été discutée: en démocratie, ne faut-il pas faire confiance aux gouvernés, leur laisser une entière liberté de choix des gouvernants ? Nicolas Sarkozy estime, comme les constituants africains de la décennie 1990, au sortir des autoritarismes, que la modernité démocratique commande de raccourcir le règne présidentiel, quitte à amputer les prérogatives du souverain primaire. La France, en 2008, pourrait faire ce choix hardi, qui tranche avec la levée de la limitation du nombre de mandats présidentiels, décidée souverainement et légalement, ces dernières années, en Afrique.
Ainsi, Nicolas Sarkozy, dans sa lettre d'orientation, tantôt copie, tantôt ne copie pas les africains, à la manière de Monsieur Jourdain. Il faudra attendre la consultation annoncée des formations politiques, le dépôt du projet de loi constitutionnelle – prévu pour le 15 décembre 2007 – et, surtout, les résultats de la discussion parlementaire – en principe, avant les élections municipales de 2008 – pour apprécier dans quelle mesure la France de Nicolas Sarkozy « africanisera » bien sa Constitution. D’ici là, méfiez-vous des contrefaçons !
 
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
 
Illustration extraite de « Racaille le Rouge », Paris, Seuil 2007, avec l’aimable autorisation de Plantu

 

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18 novembre 2007 7 18 /11 /novembre /2007 11:53

OLINGA-2.jpg

Alain Didier OLINGA
La Constitution de la République du Cameroun
Presses de l’UCAC, Les éditions terre africaine, 2006
 
Une mention spéciale doit être décernée à Alain Didier OLINGA, enseignant-chercheur réputé, actuellement directeur adjoint chargé des études de l'Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC), pour la qualité didactique de son dernier ouvrage :
La Constitution de la République du Cameroun.
L’auteur explicite, en préambule, le parcours intellectuel qui l’a conduit à ce remarquable essai de droit constitutionnel contemporain : « Les étudiants en droit de ma génération ont été privés d’un enseignement spécifique relatif à l’histoire constitutionnelle et au droit constitutionnel du berceau de nos ancêtres. Troublé par une incongruité aussi évidente, laquelle a transformé plusieurs d’entre nous en perroquets malhabiles d’expériences constitutionnelles étrangères, plus tentés de reproduire et de plaquer des schémas analytiques prêts à l’emploi (quitte à en constater la dénaturation) qu’à explorer lucidement les trajectoires profondes d’un constitutionnalisme autochtone, j’ai été obnubilé depuis la période de la fin de mes contraintes scolaires par le souci d’exposer de manière aisément intelligible les données fondamentales de la Constitution camerounaise ».
C’est avec un talent consommé qu’Alain Didier OLINGA propose 326 pages « (d’)introduction à la Constitution camerounaise », pour « étancher un tant soit peu la soif de tous ceux qui entendent mettre en perspective la trajectoire constitutionnelle de notre pays, et susciter des réflexions encore plus fécondes, pour que nous cessions d’être des perroquets du vécu constitutionnel des autres et que nous devenions des analystes lucides et vigilants de nos propres pratiques constitutionnelles et politiques ». Cette adresse aux camerounais vaut, me semble-t-il, pour tous les chercheurs, débutants ou confirmés, d’Afrique ou d’ailleurs, qui se consacrent à l’élucidation des constitutions africaines. Combien d’articles, de thèses ou de projets de thèse s’abîment-ils encore et toujours dans la reconduction mécanique d’analyses surannées, dans une certaine médiocrité intellectuelle, consistant à rapporter une loi fondamentale africaine – trop souvent réduite à son texte - à la Constitution française du 4 octobre 1958 – trop souvent mal maîtrisée ?
Alain Didier OLINGA, avec rigueur et enthousiasme, emprunte une autre voie méthodologique, celle que devraient emprunter les chercheurs des générations présentes et futures, pour que la science du droit constitutionnel africain vive et grandisse. « S’il n’évite pas les controverses majeures, il n’entend pas susciter des discussions inutilement divertissantes. S’il s’oblige à restituer les données juridiques dans leur contenu positif, il ne les y cantonne nullement, le souci de rendre compte de la règle de droit en rapport avec son environnement historique et politique demeurant une interpellation constante ». Autrement dit, il fait du droit constitutionnel, avec les instruments de la science actuelle du droit !
La Constitution de la République du Cameroun se lit aisément, la profondeur des analyses n’étant pas obscurcie par un langage ésotérique. Alain Didier OLINGA s’emploie à faire découvrir le droit constitutionnel camerounais d’aujourd’hui, en embrassant l’essentiel de la matière :
-         Vers une stabilité constitutionnelle ? (Chapitre introductif) 
-         L’élaboration de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 (Chapitre I)
-         La nature du régime politique (Chapitre II)
-         Le pouvoir exécutif (Chapitre III)
-         Le pouvoir législatif (Chapitre IV)
-         La structure juridictionnelle (Chapitre V)
-         Les partis politiques (Chapitre VI)
-         L’exercice du suffrage (Chapitre VII)
-         La décentralisation régionale (Chapitre VIII)
L’ouvrage est particulièrement fourni ; il s’attarde sur nombre de mécanismes constitutionnels, qu’il dissèque pertinemment. On peut regretter que l’auteur se soit focalisé sur la Constitution politique et administrative du Cameroun – il est vrai, enjeu primaire de la construction de l'Etat de droit et de démocratie pluraliste en Afrique -, qu’il ait délaissé sa Constitution sociale, c’est-à-dire l’analyse du catalogue constitutionnel des droits et libertés et de sa protection. Ce manque s’explique, en grande partie, par l’indigence de la jurisprudence constitutionnelle sur le sujet ; il peut, d’ailleurs, être utilement comblé par la consultation de l’article remarqué de droit positif qu’Alain Didier OLINGA avait signé à la Revue universelle des droits de l’homme, 1996, vol. 8 : « L'aménagement de droits et libertés dans la Constitution camerounaise révisée ».
Pour toutes ces bonnes raisons, lisez et faîtes lire 
La Constitution de la République du Cameroun !
 
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
 
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15 novembre 2007 4 15 /11 /novembre /2007 15:02
La rocambolesque affaire Arche de Zoé n’a pas de rapport direct avec l’actualité constitutionnelle. Et le juriste – à moins de cautionner l’une des parties - n’apparaît pas nécessairement comme le plus qualifié pour la décrypter : l’Etat de droit et les intérêts géopolitiques des gouvernants n’ont jamais fait bon ménage ; la raison d’Etat, la raison des Etats, semble devoir passer avant la justice.
Pourtant, je ne crois pas inutile d’évoquer, avec vous, sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE, cette affaire emblématique.
C’est le regard porté par la France sur la justice tchadiennequi interpelle le constitutionnaliste. Le Président de la République française, après avoir très énergiquement condamné les agissements délictueux de l’Arche de Zoé, a réclamé que justice soit faite non pas au Tchad – pays où les infractions auraient été commises -, mais en France – pays d’origine des personnes soupçonnées ; il a, par la suite, annoncé son intention son intention d'aller « chercher tous ceux qui restent, quoi qu'ils aient fait ».Cette prise de position a inévitablement provoqué l’ire des plus hautes autorités tchadiennes, du ministre de la justice au Président de la République, celle des magistrats et de nombre de tchadiens. La France ne bafouait-elle pas la souveraineté de la République du Tchad, proclamée le 11 août 1960 ? Ne faisait-elle pas pression sur un pouvoir constitutionnel étranger, en l’occurrence sur le pouvoir judiciaire tchadien – inscrit dans le marbre de la Constitution, titre VI -, pouvoir qui est juridiquement maître de donner ou non une suite favorable à une demande de « délocalisation » de procédures pénales ? Ne manifestait-elle pas un certain mépris à l’égard des magistrats du Tchad souverain, en mettant en doute leur aptitude à dire le droit ? En somme, la France ne demandait-elle pas au Tchad de mettre entre parenthèses sa Constitution, les principes les plus élémentaires d’un Etat de droit, alors qu’elle reproche habituellement aux pays africains de ne pas les respecter ?
L’affaire de l’Arche de Zoé a, en tout cas, donné l’occasion àAlbert Pahimi Padacké, ministre de la justice du Tchad, de donner à la France une magistrale leçon de droit constitutionnel : « Si, en France, le président est en mesure de décider à la place du juge, au Tchad nous n'avons pas cette possibilité. Notre Constitution ne nous le permet pas. Le gouvernement ne sait pas quelle position prendra le juge du siège qui aura à se prononcer, et qui est totalement indépendant. Le Tchad se soumettra à ce que sa justice décidera. »
Dans une remarquable tribune, publiée dans le journal Le Monde, et intitulée « Soutenons l’indépendance de la justice tchadienne », Dominique Barella, ancien membre du conseil supérieur de la magistrature, ancien président de l’union syndicale des magistrats, exprime un point de vue similaire, reproduit in extenso ci-après :
 
« Désormais, l'association L'Arche de Zoé est devenue un symbole des pressions subies par tous les juges du monde qui tentent de garder un peu d'indépendance et de neutralité face aux pressions venues de toutes parts pour influencer leurs décisions dans le sens qui convient au pouvoir.
Juridiquement, des personnes qui sont présumées avoir commis un délit peuvent être jugées par la justice du pays du lieu de commission en vertu des textes qui régissent ce pays. Elles peuvent également être jugées dans leur propre pays si, par exemple, elles sont arrêtées dans celui-ci pour des actes commis à l'étranger. La justice du lieu de commission est toujours maîtresse de ce choix si les personnes soupçonnées y sont arrêtées.
En France, devant les tribunaux français, comparaissent tous les jours des personnes qui ne sont pas de nationalité française sans que cela crée chaque fois des demandes de délocalisation de la Grande-Bretagne, du Maroc, de la Suisse ou du Tchad. La France a signé une convention d'entraide judiciaire avec le Tchad, ce qui suppose, j'imagine, que les signataires des deux côtés ont entendu reconnaître et respecter la justice, et donc les juges de l'autre pays.
Sur ces bases, mes chers collègues juges du Tchad, je veux vous exprimer mon soutien à votre combat pour l'indépendance dans le cadre de cette très difficile affaire. Soutien d'abord à vous qui nous avez parfois fait l'honneur, comme d'autres de nos collègues d'Afrique, de venir vous former dans nos universités de droit ou parfois même à l'Ecole nationale de la magistrature française, ce qui est un hommage aux qualités juridiques de la patrie des droits de l'homme et à l'universalisme du respect de la règle de droit.
De la volonté, de l'esprit d'indépendance et de la force de caractère, vous en aurez besoin, car les Tchadiens, tout comme les Français, vous font confiance pour démêler cet écheveau au sein duquel se croisent la naïveté, la psychologie, la médiatisation, l'instrumentalisation, les rapports d'Etat, les lois de l'adoption et de la filiation.
Au milieu de cet écheveau se tiennent des enfants, des familles tchadiennes, des familles françaises, des bons samaritains, des opportunistes, voire des profiteurs ou des manipulateurs. Les avocats tchadiens et français sauront vous aider en plaidant dans l'intérêt des différentes parties. Qu'on laisse agir ces professionnels. Que chaque Etat assure un soutien à ses ressortissants, rien de plus normal, mais pas en dénigrant les bases d'une justice constitutionnelle, qui ne sont pas celles de la rue ou des palais d'Etat.
Pour vous compliquer la vie, nos chefs d'Etat respectifs s'en mêlent, s'emmêlent et s'entremêlent en n'hésitant pas à utiliser la manipulation des opinions publiques, les déclarations contradictoires et les approximations. Votre président a affolé ses concitoyens en avançant un peu rapidement, vraisemblablement sur la base de rumeurs, des soupçons de trafic d'organes. Le président français n'est pas en reste : à peine reparti en France, il annonçait qu'il irait chercher "ceux qui restent, quoi qu'ils aient fait". J'observe que votre ministre de la justice a, dans une envolée très démocratique, renvoyé notre président ex-avocat dans ses buts constitutionnels en lui rappelant : "Si, en France, le président est en mesure de décider à la place du juge, au Tchad nous n'avons pas cette possibilité. Notre Constitution ne nous le permet pas. Le gouvernement ne sait pas quelle position prendra le juge du siège qui aura à se prononcer, et qui est totalement indépendant. Le Tchad se soumettra à ce que sa justice décidera." Utile rappel au président français, qui avait déclaré il y a quelque temps : "Le juge doit payer" parce qu'une décision de justice ne lui convenait pas. Il n'est d'ailleurs pas connu pour beaucoup respecter la justice et les juges, notamment ceux de la Cour de cassation, qu'il a récemment traités de "petits pois" : il pensait sans doute au peu de poids qu'il leur accorde dans les rapports entre pouvoirs constitutionnels.
Cela étant, chers collègues tchadiens, dans cette affaire et dans les autres, n'hésitez pas à renvoyer votre président et votre ministre de la justice aux propos exemplaires qu'ils ont tenus. Vous allez devoir résister aux pressions aussi bien de la foule, qui va exiger des têtes à n'importe quel prix, que des politiques, qui vont vouloir vous instrumentaliser.
Les Français, comme les Tchadiens, veulent comprendre ce qui s'est passé dans cette affaire, sans a priori, dans le respect du droit, en tenant compte de la personnalité et des responsabilités éventuelles de chacun. Comme toujours, il nous revient, à nous, juges, de tenter de nous approcher de la vérité en essayant d'être justes, difficile métier que juges tchadiens et français partagent. Qu'on nous fasse un peu confiance et que les politiques arrêtent de s'agiter. Alors l'idéal de justice pourra peut-être surnager dans la tempête politico-médiatique franco-tchadienne soulevée par L'Arche de Zoé. »

Faut-il donc faire confiance à la justice tchadienne, souvent épinglée par les ligues des droits de l'homme ? La justice peut-elle passer au Tchad dans le respect du droit et, en particulier, de la Constitution ?

Je vous invite à réagir en ligne, à commenter ces libres propos sur l’actualité, avec la mesure qui convient.
 
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 10:00
L’ETAT DE DROIT ET DE DEMOCRATIE PLURALISTE AU BENIN
BILAN ET PERSPECTIVES
 
Poser des balises, les grandes leçons d’une expérience singulière, faire le bilan de l’Etat de droit et de démocratie pluraliste au Bénin, mais aussi en dessiner les perspectives, tel était l’objet de ma communication présentée aux membres et sympathisants de l'Association des Béninois de Montpellier (ABEM-Enangnon), le 4 août 2007. J’en reproduis ici la substantifique moelle, en espérant qu’elle suscite vos commentaires.
 
Un bref détour par l’histoire s’impose. Le Dahomey –ancien nom du Bénin- a connu une « évolution constitutionnelle et politique mouvementée », pour paraphraser le Préambule de la Constitution actuelle : République autonome de la Communauté franco-africaine le 4 décembre 1958, le pays accède à l’indépendance le 1er août 1960 ; plusieurs régimes et coups d’Etat se succèdent, ce qui vaut au Dahomey le sobriquet « d’enfant malade de l’Afrique » ; après le coup d’Etat militaire de Mathieu KEREKOU du 26 octobre 1972, le pays adhère au marxisme-léninisme le 30 novembre 1974 et devient un an plus tard, le 30 novembre 1975, la République populaire du Bénin. La Loi fondamentale du 26 août 1977 constitutionnalise une « démocrature » de type soviétique, une « dictature camouflée », une « démocratie truquée »[1] : elle est ordonnée autour d’un parti unique –le Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB)- et de son chef le général Mathieu KEREKOU, à la fois Président de la République, Président du Comité central du PRPB et président du conseil exécutif national –le gouvernement.
C’est la déconfiture de ce régime qui va ouvrir l’ère actuelle de Renouveau démocratique. La République Populaire du Bénin de 1989, comme la France de 1789, est en totale banqueroute : l’Etat, gangrené par l’enrichissement illicite de sa nomenklatura, voit s’accumuler les arriérés de salaires et de bourses ; il doit faire face à une fronde sociale sans précédent des étudiants et agents permanents de l’Etat ; il doit faire face à l’insurrection programmée du Parti Communiste du Dahomey (PCD) ; il doit faire face encore à la révolte de l’intelligentsia. C’est pour sortir de cette crise que, le 7 décembre 1989, Mathieu KEREKOU annonce la renonciation au marxisme-léninisme et, surtout, la décision de convoquer une conférence nationale des forces vives de la nation. Cette conférence a lieu du 19 au 28 février 1990, sous la présidence de Monseigneur Isidore DE SOUZA. Après s’être autoproclamée souveraine, la Conférence nationale accouche d’une révolution consensuelle : la République du Bénin est proclamée ; les grandes lignes d’une nouvelle Constitution sont arrêtées ; une période de transition –courant jusqu’au 1er avril 1991- est aménagée ; le régime constitutionnel provisoire repose sur la cohabitation entre Mathieu KEREKOU, maintenu chef de l’Etat à titre honorifique, et Nicéphore SOGLO, Premier ministre élu de la Conférence nationale, les 2 têtes de l’exécutif étant placés sous la surveillance du Haut Conseil de la République, mandataire suprême de la Conférence nationale. La transition se déroule comme prévu, sans accroc majeur : une nouvelle Constitution, élaborée sous l’autorité technique du professeur GLELE, est adoptée par référendum le 2 décembre 1990 ; des élections législatives et présidentielle pluralistes se déroulent en février et mars 1991. Nicéphore SOGLO, qui l’a emporté face à Mathieu Kérékou, devient le premier Président de la République sous le Renouveau démocratique. Il faut mettre à l’actif du Bénin ce modèle de transition, souvent imité, mais jamais égalé en Afrique noire francophone.
La Constitution du 11 décembre 1990 se présente à la fois comme un texte de compromis et de réaction au passé autoritaire ; elle a aussi inspiré bien des constituants des autres pays de la région. Le Préambule de cette Constitution proclame la détermination du peuple béninois « de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l'homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle ». C’est à l’aune de cette noble visée que je vous propose de mesurer le chemin parcouru par le Bénin, de jauger ses forces et ses faiblesses, son présent et son devenir. La visée en question recouvre deux objectifs intimement liés, deux objectifs que je distinguerai pour la commodité de l’exposé : créer un « Etat de droit », c’est à dire organiser la soumission du pouvoir au droit ; créer une « démocratie pluraliste », c’est à dire instaurer le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple selon la formule d’Abraham Lincoln inscrite à l’article 2 de la Constitution béninoise. A cet égard, je vous invite, loin des caricatures de l’afro-pessimisme ou de je ne sais quelle « négrologie »[2], à considérer que le Bénin constitue, dans la région, une démocratie pluraliste à parfaire (1) et un Etat de droit pionnier (2).
 
  1. UNE DEMOCRATIE PLURALISTE A PARFAIRE
 
La démocratie pluraliste est en marche au Bénin depuis 17 ans aujourd’hui. Des progrès considérables ont été accomplis, surtout au regard des piètres performances de bien des états africains. Mais certaines maladies infantiles –dont je ferai état- menacent de gangrener le Bénin du Renouveau démocratique. La chose ne doit pas surprendre : comment les béninois pourraient-ils bâtir en 17 ans ce que les français et les américains ont mis au moins un siècle à bâtir ? Une démocratie pluraliste n’est pas seulement « un mode de gouvernement à appliquer », c’est aussi « un idéal à poursuivre », comme le reconnaît la Déclaration universelle sur la démocratie de 1997. Il ne suffit pas d’implanter une certaine technologie institutionnelle, il ne suffit pas de singer les pratiques des « vieilles » démocraties ; il faut s’approprier l’idéal démocratique et cette appropriation réclame du temps. Samson DOSSOUMON souligne, à ce propos, que « La démocratie est un long chemin, un processus institutionnel, sociétal et individuel et c’est l’heureuse convergence de ces trois niveaux qui crée la société démocratique »[3].
Fatalement imparfaite, inscrite dans la dialectique de l’universel et du singulier, la jeune démocratie pluraliste du Bénin repose sur le libre choix des gouvernants (1.1) et sur la séparation concurrentielle des pouvoirs (1.2).
 
1.1         Le libre choix des gouvernants
Comme l’a récemment rappelé la Commission de juristes indépendants sur le système électoral, sous le régime du PRPB, « le choix des gouvernants par le peuple souverain n’était plus un enjeu fondamental de la vie politique nationale. L’investiture des candidats par le parti unique emportait adhésion du corps électoral. L’élection étant désormais sans choix, le résultat étant aussi connu à l’avance, le vote n’était plus qu’une formalité, un rituel de légitimation et de ratification des choix opérés par le parti unique ». Il en va tout autrement sous l’ère du Renouveau démocratique. Le Bénin peut s’enorgueillir d’avoir organisé de nombreux scrutins pluralistes : 4 élections présidentielles (1991, 1996, 2001 et 2006), ayant débouché sur 3 alternances au sommet, avec l’élection de N. SOGLO en 1991, celle de M. KEREKOU en 1996 et celle de Yayi BONI en 2006 (avec 75% des voix au second tour, après avoir été largement qualifié au 1er face à 25 autres candidats) ; 5 élections législatives (1991, 1995, 1999, 2003 et 2007), où se sont affrontées de nombreuses formations politiques. Le verdict des urnes a été constamment accepté par les compétiteurs, une fois vidé par la Cour Constitutionnelle un contentieux toujours abondant.
Sur ce terrain, la jeune démocratie béninoise a pour atout et handicap un multipartisme anarchique (1.1.1) ; le libre choix des gouvernants par les gouvernés est mieux assuré au Bénin que dans les autres pays africains même si les élections restent « imparfaites » (1.1.2).
1.1.1                    Un multipartisme anarchique
La Conférence nationale a opté pour le multipartisme intégral ; elle a rejeté toutes les propositions de réduction a priori du nombre de partis politiques. Au sortir de la dictature du parti unique, ce choix s’imposait ; il aurait été mal venu d’organiser une démocratie contrôlée, un multipartisme limité du type de celui qu’a expérimenté le Sénégal de 1976 à 1981. Seulement, les partis politiques ont proliféré, ce qui a entraîné, avec l’application de la représentation proportionnelle, une atomisation sans précédent du paysage politique béninois : leur nombre est passé de 36 aux législatives de 1991 à 115 à la veille des législatives de 1999. Il s’agit souvent de micro-partis, formés sur des bases ethno-régionales, de partis fragiles, constamment menacés par les querelles intestines et les scissions, de partis qui se font et se défont au gré des intérêts conjoncturels des « grands électeurs » du pays.
Paradoxalement, ce multipartisme anarchique a constitué un atout : si la santé d’une démocratie pluraliste ne saurait se mesurer à la présence d’un très grand nombre de partis politiques, force est de constater que l’émiettement de la représentation nationale, aggravé par la transhumance politique, a interdit aux différents présidents de la République de disposer d’une majorité parlementaire automatique. Le législateur s’est, néanmoins, efforcé de corriger les excès du système : la Charte des partis politiques du 21 février 2003  suspend l’enregistrement d’un parti à sa fondation par 120 béninois (contre 18 en 1990), à raison de 10 pour chacun des 12 départements. Mais la rationalisation escomptée s’avère très relative : aux législatives du 25 mars dernier, 16 partis et 10 alliances de partis ont concouru (4316 candidats pour 83 sièges); Force Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE), le parti présidentiel, a conquis 35 des 83 sièges de l’Assemblée Nationale, où sont représentées 12 formations politiques … comme en 1991. Les partis traditionnels, de l’Alliance pour une Dynamique Démocratique (ADD : 20) au Parti du Renouveau Démocratique, ont été les grands perdants, les victimes de la profonde recomposition en cours du système au profit de Yayi BONI, Chef de l’Etat depuis avril 2006.
Plusieurs questions viennent à l’esprit. Est-il préférable de laisser le spectre politique se décanter, pour que le nombre de partis se réduise spontanément et durablement dans des proportions raisonnables? Ou faut-il légiférer pour créer de nouveaux garde-fous au multipartisme ? Au printemps dernier, la Commission GLELE sur le système électoral a préconisé d’emprunter la seconde voie : « en vue de disposer au Parlement, d’une majorité stable et de garantir la représentation des différentes forces politiques, on pourrait imaginer un scrutin mixte permettant l’élection d’une partie des députés au scrutin majoritaire à un tour, l’autre partie des députés à la représentation proportionnelle. Une telle initiative est de nature à favoriser le regroupement des forces politiques, ce qui clarifierait l’échiquier politique et faciliterait le choix de leurs élus par les citoyens ». Le risque majeur ne serait-il pas alors de trop déséquilibrer les institutions en faveur du Président de la République, quasiment assuré de disposer d’une majorité à l’Assemblée Nationale ?
1.1.2                    Des élections imparfaites
Ainsi que l’affirme la Déclaration universelle sur la démocratie de 1997, « 12. L'élément clé de l'exercice de la démocratie est la tenue à intervalles périodiques d'élections libres et régulières permettant l'expression de la volonté populaire ». Au Bénin –comme d’ailleurs dans les autres pays africains-, le pouvoir de suffrage subit diverses altérations, la principale étant le recours impuni à « l’achat des consciences ». Maurice GLELE a pu écrire : « L’argent est roi… N’allez surtout pas proposer un programme politique aux électeurs. Ils écoutent vos bonnes paroles ; ils y semblent sensibles mais vous disent simplement : « comment es-tu venu, qu’as-tu apporté ? » »[4]. L’argent liberticide n’a certes pas toujours l’effet escompté : dans l’isoloir, l’électeur ne vote pas forcément pour le plus généreux des candidats. Il n’en demeure pas moins que les candidats et partis dépourvus de gros moyens ont très peu de chances de l’emporter.
Le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour moraliser les élections, pour lutter contre les fraudes en tout genre : le Bénin a été ainsi le premier pays de l’Afrique de l’ouest francophone à expérimenter le bulletin unique en 1999 ; surtout la loi GNONLONFOUN du 17 janvier 1995, arrachée par l’opposition au Président Nicéphore SOGLO, a créé la Commission électorale nationale autonome (CENA), qui, selon la Cour Constitutionnelle, dans sa décision DCC 34-94 du 23 décembre 1994, « permet, d’une part, d’instaurer une tradition d’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la liberté et la transparence des élections, et, d’autre part, de gagner la confiance des électeurs et des partis et mouvements politiques ». L’institution, retouchée pratiquement à chaque scrutin, n’a pas rempli toutes ses promesses, la destitution du Président de la CENA 2007 ayant achevé de convaincre les pouvoirs publics d’une nouvelle réforme. Comment ne pas espérer que, dans la perspective des élections communales et municipales de janvier 2008, la « Constitution électorale » soit plus durablement fixée pour remédier aux imperfections les plus criardes qui grèvent le budget de l’Etat? Il urge, en particulier, que devienne réalité la LEPI, la liste électorale permanente informatisée, prévue par la loi n°2005-14 du 28 juillet 2005. Jusqu’à ce jour, les listes électorales sont refaites avant chaque élection, ce qui génère des contestations récurrentes sur leur fiabilité et des coûts insupportables pour le contribuable. L’opération LEPI n’a pu être menée à bien : Alain ADIHOU, principal ministre en charge du dossier, lors du second quinquennat de Mathieu KEREKOU (2001-2006), a été mis en accusation par l’Assemblée Nationale, le 18 juillet 2006, pour détournement de deniers et de biens publics ; la traduction devant la Haute Cour de Justice de deux ministres des finances, dans la même affaire, a été recommandée le 21 décembre 2006 par la commission des lois de l’Assemblée Nationale. C’est là une manifestation exemplaire –parmi d’autres- de la séparation concurrentielle des pouvoirs !
 
1.2         La séparation concurrentielle des pouvoirs
Le pouvoir politique était un sous le régime du PRPB ; il est pluriel sous l’empire de la Constitution de 1990. A l’unité du pouvoir politique a succédé la pluralité des centres de pouvoir ; la monocratie a laissé la place à une polyarchie. En 2004, le Président KEREKOU a déclaré que « la démocratie véritable implique nécessairement la séparation des pouvoirs pour éviter justement ce que pensait Louis XIV pendant la monarchie absolue… : « en ma personne seule réside la puissance souveraine » »[5]. Le Bénin est pratiquement le seul pays africain à avoir opté pour un régime présidentiel original reposant sur une séparation accentuée des pouvoirs (1.2.1). En pratique, s’est instaurée une salutaire concurrence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif qui, malgré « ses imperfections et quelque fois ses travers »[6], rencontre un large consensus (1.2.2).
1.2.1                    Un régime présidentiel original
Le Bénin est l’un des rares pays africains francophones à avoir opté pour un régime présidentiel démocratique et non pour un régime semi-présidentiel à la française. Contrairement à une idée reçue, un régime présidentiel ne génère pas immanquablement le présidentialisme dans sa version la plus « dure », l’omnipotence du Président de la République. Il se caractérise, d’abord, par la séparation organique du législatif et de l’exécutif : les deux pouvoirs, qui émanent du suffrage universel, ont la même légitimité démocratique ; ils sont élus séparément pour des durées distinctes, l’Assemblée Nationale pour 4 ans, le Président de la République pour 5 ans renouvelable une seule fois ; « ils sont condamnés à vivre ensemble sans pouvoir se séparer. C’est un mariage sans divorce », synthétisait Maurice DUVERGER[7]. En effet, le Président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée Nationale qui ne peut renverser le Président de la République.
Le régime présidentiel se caractérise aussi par la séparation fonctionnelle des pouvoirs : le législatif est entièrement maître de la confection des lois ; le Président de la République monopolise la fonction gouvernementale. Ce n’est par exemple l’exécutif qui l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale, le menu de ses travaux ; ainsi, le projet de Code des personnes et de la famille, déposé par le Président Soglo le 5 septembre 1995, n’a été voté par l’Assemblée Nationale, en première lecture et avec de nombreux amendements, que le 7 juin 2002.
Mais, comme l’enseigne la pratique américaine, une certaine collaboration fonctionnelle entre les pouvoirs est nécessaire à la bonne marche de l’Etat. C’est pourquoi le Constituant a pris le soin d’écarter la perspective d’un Président de la République autiste, et ce en introduisant des instruments inspirés du parlementarisme : l’avis consultatif du bureau de l’Assemblée Nationale est requis avant la nomination de tout ministre ; surtout, l’Assemblée peut interpeller le Gouvernement ou l’un de ses membres et lui faire, après débat, des recommandations. Ce régime présidentiel original a engendré, en pratique, une concurrence entre les pouvoirs.
1.2.2                    La concurrence entre les pouvoirs
L’exécutif et le législatif, surtout durant le quinquennat de Nicéphore SOGLO (1991-1996), se sont montrés jaloux de leurs compétences et se sont disputé la primauté : la figure de la « présidence impériale » et celle du « gouvernement congressionnel » -pour reprendre la terminologie américaine- se sont concurrencées, se sont neutralisées au bénéfice de l’équilibre des institutions. C’est l’absence d’une majorité parlementaire acquise une fois pour toute au Chef de l’Etat qui garantit la séparation concurrentielle des pouvoirs. Ainsi, l’opposition présidentielle, majoritaire à l’Assemblée Nationale, a contraint le Président SOGLO à procéder à l’installation des contre-pouvoirs prévus par la Constitution et, en particulier, la Cour Constitutionnelle en 1993 ; elle a interpellé l’exécutif sur la privatisation sans base légale de la brasserie « La Béninoise » en 1992 et sur la dévaluation du franc CFA en 1994 ; elle a forcé le Président SOGLO à promulguer la loi de 1995 créant la CENA. La guérilla permanente entre les institutions a donné naissance à un contre-pouvoir législatif « fort », qui use et, parfois, abuse des ressources que lui reconnaît la Constitution. Les disputes entre les pouvoirs sont d’abord juridiques, les « associés-rivaux » ne manquant pas une occasion d’exploiter la moindre faille pour en appeler à l’arbitrage craint et respecté de la Cour Constitutionnelle.
Bien sûr, une telle configuration institutionnelle ne va pas sans inconvénient : elle a généré des crises, notamment, les crises budgétaires de 1994, 1996 et 2002 ; l’Assemblée Nationale a, parfois, entravé le mouvement de réforme et contraint le Président de la République à légiférer par ordonnances, comme Nicéphore Soglo en 1996 pour la ratification du programme d’ajustement structurel (PAS III) et l’adoption du code des marchés publics, comme Mathieu Kérékou en 2002 pour la refonte du secteur des télécommunications. Il n’empêche que c’est la féroce concurrence entre les pouvoirs qui atteste de la vitalité de la démocratie pluraliste. Seulement, la dé-présidentialisation du pouvoir reste fragile : la tentation est grande pour le Président de la République de « caporaliser » l’Assemblée Nationale, de s’assurer le soutien d’une majorité absolue de députés pour contrôler la direction de l’Assemblée et conduire, sans difficulté, sa politique. Le Président Yayi BONI paraît actuellement céder à la tentation présidentialiste : la plupart des leviers de commande parlementaires de la V° législature ont été conquis par ses partisans. Cette mainmise est-elle conjoncturelle ou structurelle ? De la réponse à cette question dépend l’avenir du modèle béninois d’Etat de droit et de démocratie pluraliste.
 
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14 novembre 2007 3 14 /11 /novembre /2007 09:59
 
2. UN ETAT DE DROIT PIONNIER
 
« Un adage béninois dit « quand on ne sait où l’on va, on sait au moins d’où l’on vient ». Le peuple béninois a dit non à la dictature, à l’avilissement de l’homme. Il sait où il va car il a opté résolument pour un Etat de droit libéral »[1]. La voie a été empruntée plus hardiment au Bénin qu’ailleurs en Afrique noire francophone : non seulement la Constitution de 1990 comporte des dispositions denses et sophistiquées, mais encore les béninois ont su et savent recourir aux mécanismes constitutionnels pour rendre concrète la philosophie du « plus jamais ça » et faire sanctionner le moindre manquement au(x) droit(s). Le Bénin est sans conteste un Etat de droit pionnier dans la région, même si subsistent de nombreuses « zones d’ombre », même si les droits fondamentaux de bien des béninois continuent d’être violés, même si les gouvernants et les gouvernés n’ont pas pleine conscience de leurs droits et de leurs devoirs. Il faut d’ailleurs reconnaître que « L’Etat de droit n’existe jamais ni complètement, ni parfaitement ; il est une conquête continuelle, d’où l’importance des acteurs et protagonistes de l’Etat de droit »[2].
Au Bénin, la garantie réelle des droits fondamentaux a considérablement progressé (2.1); la Cour Constitutionnelle y contribue puissamment par sa jurisprudence, audacieuse et abondante, qui la fait participer au gouvernement du pays (2.2).
 
2.1         La garantie des droits fondamentaux
 
Dans son acception contemporaine, « l'Etat de droit est l'Etat des droits de l'homme »[3]. Plus les droits de la personne humaine sont garantis, plus l’arbitraire des gouvernants recule, plus l’Etat de droit avance. Sur ce chantier, le Bénin se situe à l’avant-garde en Afrique noire francophone ; il a tourné la page de la « crise de la légalité » du régime du PRPB, de l’application « contingente parce que soumise à la seule volonté du pouvoir politique » des « beaux principes du droit positif »[4]. Il n’en demeure pas moins que la garantie des droits fondamentaux doit connaître de nouvelles et significatives avancées pour réduire la fracture entre le droit positif et les réalités vécues, entre un catalogue imposant de droits fondamentaux (2.1.1) et une sauvegarde toujours insuffisante de ces mêmes droits (2.1.2).
2.1.1                    Un catalogue imposant de droits
La Constitution béninoise est la première des nouvelles constitutions africaines francophones qui « procèdent à une reconnaissance dure et granitique des droits fondamentaux »[5]. Le catalogue constitutionnel des droits fondamentaux comporte, en effet, deux volets : le titre II de la Constitution intitulé « Des droits et devoirs de la personne humaine » énonce en 24 articles les principaux droits, civils et politiques, économiques, sociaux et culturels ; le Préambule et l’article 7 de la loi fondamentale intègrent aussi à la Constitution la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981  et la charte internationale des droits de l’homme. La Constitution béninoise s’est ici nettement démarquée de la Constitution française de 1958 qui ne se réfère ni à la convention européenne, ni à la charte internationale.
Comme le constate Gérard CONAC, « L’accent est mis sur l’Etat de droit. La liste des droits protégés, rédigée de manière très minutieuse, est complétée par une liste de pratiques interdites. Visiblement, c’est l’expérience plus que le mimétisme qui a inspiré cette précaution. Ce que le Constituant a voulu condamner, ce sont des exactions et des errements dont la population avait souffert »[6]. Encore faut-il que les destinataires de ce catalogue imposant puissent effectivement s’en prévaloir devant les autorités compétentes, car « une proclamation solennelle et textuelle des droits de l’homme constitue un code de souhaits moraux ou politiques qui n’emporte juridiquement aucune conséquence sérieuse, s’il n’y a pas de « garantie » sérieuse de leur application »[7].
2.1.2                    Une sauvegarde insuffisante des droits
La sauvegarde des droits fondamentaux, même si elle s’affirme, comporte des failles.
Sur le volet promotion, l’Etat rechigne à appliquer l’article 40 de la Constitution qui lui fait devoir de vulgariser le catalogue des droits, y compris auprès des militaires et des policiers ; l’Etat se défausse sur les organisations non gouvernementales qui déploient des efforts conséquents, mais encore insuffisants pour insuffler la culture et le culte de l’Etat de droit. Or, comment un béninois analphabète pourrait-il exiger le respect de droits qu’il ne connaît ni ne maîtrise ?
Sur le volet sanction, la sauvegarde des droits fondamentaux n’est pas entièrement satisfaisante. Sans un appareil judiciaire performant et indépendant, les droits de la personne peuvent être impunément bafoués. Or, en 2004, le Comité des droits de l'homme de l'ONU a mis le Bénin à l’index : il « note les efforts déployés par l'État partie pour rapprocher la justice des justiciables, mais demeure préoccupé par des informations faisant état de dysfonctionnements importants dans l'administration de la justice, tenant principalement au manque de moyens humains et matériels, à l'engorgement des juridictions, à la lenteur des procès, à la corruption, et aux immixtions de l'exécutif dans le judiciaire ». Ces lourds dysfonctionnements ne sont pas totalement compensés par l’activisme de la Cour Constitutionnelle. La Cour peut être saisie par n’importe quel individu d’une violation des droits de la personne humaine ; elle remplit, à cet égard, un rôle assez comparable à celui de la Cour européenne des droits de l’homme. Les 7 sages de Cotonou ont accompli une œuvre remarquable ; ils ont sanctionné sans faiblesse les détentions et gardes à vue arbitraires, les faits de tortures, les traitements inhumains ou dégradants, les expropriations sans dédommagement ou encore les atteintes à la liberté religieuse. Par ses blâmes publics, la Cour Constitutionnelle rappelle solennellement tout un chacun à la stricte observance de la Constitution. Seulement, au quotidien, le respect des droits fondamentaux demeure suspendu au bon vouloir des autorités et des personnes privées. Par ailleurs, lorsque la Cour Constitutionnelle constate une violation des droits, elle n’a pas le pouvoir d’accorder une réparation à la victime ; elle se borne à déclarer depuis 2002[8] que la violation constatée ouvre droit à réparation du préjudice subi, ce qui impose à la victime de saisir le juge ordinaire pour voir fixé le montant de ladite réparation. Il conviendrait certainement soit d’étendre les compétences de la Cour Constitutionnelle, soit d’instaurer une cour spécialisée. La réforme doit être mûrement réfléchie pour ne pas déstabiliser la Cour Constitutionnelle qui n’a pas démérité -loin s’en faut- dans le domaine des droits de l’homme comme dans bien d’autres, où elle apparaît comme un pouvoir à part entière..
 
2.2         Le « gouvernement » de la Cour Constitutionnelle
A l’évidence, « de toutes les institutions de l’Etat béninois, la Cour Constitutionnelle est celle qui détient le plus grand pouvoir »[9]. D’une part, ses compétences vastes et multiformes, de loin supérieures aux compétences du Conseil Constitutionnel français, la rangent parmi les plus puissantes juridictions constitutionnelles ; en particulier, l’article 3 de la Constitution ouvre à tout citoyen le droit de se pourvoir devant elle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels. D’autre part, la Cour Constitutionnelle, installée le 7 juin 1993, a su imposer une jurisprudence audacieuse pour jouer « un rôle de premier plan dans la création du droit et dans le renforcement de l’Etat de droit »[10]. Toutes proportions gardées, une variante du gouvernement des juges semble s’être enracinée au Bénin. La Cour Constitutionnelle s’est, en effet, affirmée non pas seulement comme un censeur des lois inconstitutionnelles, mais aussi comme un co-législateur expert (2.2.1) et même un constituant négatif (2.2.2).
2.2.1          Un co-législateur expert
Le législateur est soumis à l’étroite surveillance de la Cour Constitutionnelle que les adversaires de la loi votée par l’Assemblée Nationale n’hésitent pas à saisir pour que soit sanctionnée une inconstitutionnalité flagrante ou prétendue, y compris pour les questions de procédure les plus vénielles. A titre d’exemple, Me Adrien HOUNGBEDJI et les 8 députés de son parti –le PRD- viennent de saisir la Cour de la loi sur le service militaire ; ils ne contestent pas le fond de la loi, mais estiment qu’elle viole l’interdiction constitutionnelle faite aux parlementaire d’initier et de voter une loi qui n’est pas financée. De nombreuses censures ont été prononcées sur les sujets les plus divers : la Cour a invalidé deux lois électorales visant à interdire de compétition présidentielle Nicéphore SOGLO en 1996 et Yayi BONI en 2006[11] ; des lois d’amnistie ont été annulées pour vice de procédure[12] ; la Cour a invalidé, en 2001, une version de la Charte des partis politiques sanctionnant la transhumance politique[13]
Mais la Cour Constitutionnelle ne remplit pas seulement la fonction de « législateur négatif » qu’a théorisé Hans KELSEN ; elle est aussi devenue un maillon essentiel de la chaîne de fabrication de la loi. Aucune réforme ne peut voir le jour sans l’aval des sept sages de Cotonou. La décision DCC 02-144 du 23 décembre 2002 sur le Code des personnes et de la famille en témoigne avec éclat. Dans cette décision, la Cour Constitutionnelle s’autorise à corriger l’œuvre de codification en imposant au législateur « son » orthodoxie juridique : elle procède à la fois à un contrôle de la qualité formelle du code et à son amendement. Par ailleurs, elle décide non sans hardiesse que le principe constitutionnel de l’égalité entre les époux impose de bouleverser les mœurs familiales : La déclaration d’inconstitutionnalité la plus spectaculaire frappe la polygamie, déclarée contraire à l’égalité entre l’homme et la femme. « Une grande première en Afrique »[14] !
Co-législateur expert, la Cour Constitutionnelle s’est récemment aventuré sur un terrain encore plus glissant, celui de défenseur de l’Etat de droit et de démocratie pluraliste contre le pouvoir de révision de la Constitution.
2.2.2          Un constituant négatif
La Constitution du 11 décembre 1990 est l’une des rares constitutions africaines francophones à ne pas avoir fait l’objet d’une révision, de l’une de ses révisions qui trop souvent défigurent les acquis du Renouveau démocratique. Une première tentative a échoué en 2003-2005 : c’est la mobilisation de certaines forces politiques mais surtout de la société civile, avec pour mot d’ordre « Touche pas ma Constitution ! », qui a tué dans l’œuf le projet visant à permettre à Mathieu Kérékou de briguer un troisième mandat présidentiel en 2006. La seconde tentative avait pour objet de prolonger d’un an la durée de la quatrième législature commencée le 22 avril 2003. La Cour Constitutionnelle a été saisie de 24 recours contre la loi de révision votée par l’Assemblée Nationale le 23 juin 2006. Si elle avait reproduit la jurisprudence française, la Cour aurait dû se déclarer incompétente : sa mission est de servir la Constitution et non d’être maîtresse de son contenu. En acceptant d’examiner les recours, la Cour Constitutionnelle, dans sa décision DCC 06-74 du 8 juillet 2006, s’est résolument affranchie du modèle français pour se donner sa propre politique jurisprudentielle. Elle a considéré, en substance, que le contrôle d’une loi de révision était assurément raisonnable, souhaitable et praticable dans un Etat de droit démocratique. Raisonnable, parce que la Constitution borne le pouvoir de révision, en édictant certaines limites de procédure et de fond. Souhaitable, parce que le législateur constitutionnel, tout comme le législateur ordinaire, peut « errer », commettre un excès de pouvoir ; seul un contrôle juridictionnel paraît en mesure d’éviter, dans les limites fixées par la loi fondamentale, une révision liberticide[15]. Enfin, le droit comparé enseigne que des juridictions ont affirmé et exercé, à des degrés divers, un contrôle de la révision.
La Cour Constitutionnelle a opté pour un contrôle maximaliste de la loi de révision, là où la Cour du Mali en 2001 et le Conseil Constitutionnel du Tchad en 2004[16] ont fait preuve de davantage de prudence. La Cour béninoise a, d’abord, invalidé la loi de révision pour divers vices de procédure. Elle a, ensuite, déclaré que le mandat des députés ayant été fixé à 4 ans par consensus à la Conférence nationale seul un nouveau consensus national pouvait remettre en cause cette durée. Elle a donc ajouté une limite non écrite à l’exercice du pouvoir de révision, pour contrer un amendement adopté par 71 députés sur 83 (85,5% !!!). Les députés ont émis de vives protestations contre cette sentence ; le Président de l’Assemblée Nationale Idji KOLAWOLE s’est publiquement interrogé : «Nous députés, sommes-nous encore en droit d’exercer nos prérogatives de représentants du peuple vis à vis de la Constitution?»[17] Il n’empêche que la décision de la Cour Constitutionnelle, « Constituant négatif », a été respectée et qu’une épée de Damoclès pèse sur la révision à venir, préparée sous l’égide du Président Yayi BONI.
*
Sans la Cour Constitutionnelle, l’Etat de droit et de démocratie pluraliste ne serait pas ce qu’il est au Bénin. Maurice GLELE, « père fondateur » de la Constitution et membre de la Cour pendant 10 ans (1993-2003), affirme très justement que la Cour Constitutionnelle « dont l’accès est ouvert à tout citoyen … apparaît comme la clef de voûte de tout le système politico-juridique du Bénin nouveau ». Un système qui a fait indéniablement ses preuves et que les béninois auront à cœur –j’en suis sûr- de corriger et d’améliorer dans les années à venir sur divers points.
Voilà, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, les principales considérations sur l’Etat de droit et de démocratie pluraliste au Bénin qui peuvent servir de fil d’Ariane à vos questions et à nos échanges à venir.
Je vous remercie.
 
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
 

[1] Maurice GLELE, « Le renouveau constitutionnel du Bénin : une énigme ? », in Mélanges Alliot, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 328.
[2] « L’Etat de droit au quotidien : bilan et perspectives dans l’espace francophone », Rapport général, Colloque international, Cotonou, 11-14 septembre 1991.
[3] Dominique ROUSSEAU, « L’Etat de droit est-il un Etat de valeurs particulières ? », in Mélanges Pactet, Paris, Dalloz, 2003, p. 885 et s..
[4] Ordre National des Avocats de la République Populaire du Bénin, Mémorandum, 16 octobre 1989.
[5] Luc SINDJOUN « Les nouvelles constitutions africaines et la politique internationale : contribution à une économie internationale des biens politico-institutionnels », Afrique 2000, Mai 1995, n°21, p. 39.
[6] Gérard CONAC, in L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, 19p. 37.
[7] NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA, Droit congolais des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2004, p.313.
[8] DCC 02-58 du 4 juin 2002.
[9] Samson DOSSOUMON, « La Cour Constitutionnelle, une tour de contrôle des institutions », in UJPPB et Fondation Konrad Adenauer, Connaître la Constitution béninoise, Séminaire, 22-23 juillet 1994.
[10] Maurice GLELE, « Le renouveau constitutionnel du Bénin : une énigme ? », p. 329.
[11] DCC 05-069 des 26 et 27 juillet 2005
[12] DCC 98-039 du 14 avril 1998 et DCC 01-060 du 25 juillet 2001
[13] DCC 01-083 du 27 août 2001
[14] Wildaf West Africa News letter, n° 14, avril 2003.
[15] Voir W. SABETE, Pouvoir de révision constitutionnelle et droits fondamentaux. Etude des fondements épistémologiques et européens de la limite matérielle du pouvoir constituant dérivé, Presses universitaires de Rennes, 2006.
[16] V. Stéphane BOLLE, « Le contrôle prétorien de la révision au Mali et au Tchad : un mirage ? », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, n° 17-décembre 2006, p. 3 et s.
[17] Antoine Idji KOLAWOLE, Président de l’Assemblée Nationale, L’Autre Quotidien, 21 juillet 2006.
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2 novembre 2007 5 02 /11 /novembre /2007 17:36

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Ismaïla Madior FALL

Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille de l’indépendance aux élections de 2007

CREDILA – CREPOS, février 2007

Ismaïla Madior FALL, constitutionnaliste à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Cheik Anta Diop de Dakar, a signé un bel essai de droit constitutionnel sous le titre Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille de l’indépendance aux élections de 2007.

L’auteur retrace, avec talent, l’itinéraire singulier du Sénégal contemporain, « l’un des rares pays du continent à n’avoir pas été le théâtre de coup d’Etat militaire et à avoir tenté, dès le début des années 1970, l’expérimentation de la démocratie pluraliste ». Vous apprécierez la systématisation d’une histoire constitutionnelle « riche et complexe » en deux cycles – représentation très prisée des constitutionnalistes : Le cycle parlementaire ouvert en 1959 et clôturé en 1962 (Première partie) ; Le cycle présidentialiste inauguré en 1963 et toujours en cours (Deuxième partie). Didactique et critique, l’ouvrage propose une analyse contextuelle des nombreux textes constitutionnels qui se sont succédés : sans céder ni aux facilités d’un positivisme aveugle, ni aux sirènes de la science politique, Ismaïla Madior FALL emprunte une démarche réaliste pour mettre en relation les textes avec la pratique et la jurisprudence. Un accent particulier est mis sur la boulimie constitutionnelle, sur un « Constituant [qui] tourne en rond, avec un mouvement de va-et-vient incessant entre des institutions qu’on instaure, supprime et restaure », en somme sur l’instrumentalisation – dénoncée - des constitutions "made in" Afrique. Il y a là une constante qui traverse les deux cycles constitutionnels, tous les régimes, toutes les présidences, celle de Léopold Sédar Senghor (1959-1980), celle d’Abdou Diouf (1981-2000), celle d’Abdoulaye Wade (2000-…).

Ainsi resituée, la Constitution actuelle du 22 janvier 2001, déjà révisée à trois reprises, s’inscrit dans une remarquable continuité et demeure affectée « par une forte dimension de personnalisation ». Ismaïla Madior FALL déplore la rupture en trompe-l’œil, formalisée après l’alternance de 2000 : « Beaucoup d’espoir était investi dans la nouvelle Constitution », mais « A la place du parlementarisme promis, c’est le présidentialisme antérieur qui a été reconduit », « En dépit des proclamations de rupture et d’avènement au Sénégal d’une Constitution promotrice des droits fondamentaux et « parlementarisant » le régime politique […] Ce qu’il y a eu, c’est simplement un toilettage par la réécriture de la Constitution existante ». L’auteur reconnaît assez peu de vertus à la « Constitution Wade » : une préoccupation de clarté, la codification de pratiques et de coutumes, la solution à des « débats récurrents du système politique », et la restauration de certains acquis démocratiques. Vous trouverez surtout dans Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille de l’indépendance aux élections de 2007 l’exposé sans concession des vices affectant la Constitution de 2001, née d’une « modalité de rupture contestable » : on peut citer pêle-mêle « Un Parlement toujours relégué au second plan », « Le pouvoir judiciaire, l’oublié de toujours des réformes », les « silences curieux » du Constituant, les « règlements de comptes » opérés par les « sopistes ».

Constitutionnaliste engagé, Ismaïla Madior FALL ouvre de fort intéressantes pistes de réflexion, qui méritent une discussion approfondie sur LA CONSTITUTION EN AFRIQUE. Je vous propose d’entamer cette discussion par l’examen – critique mais amical - des éléments de réponse de l’auteur à quelques-unes des nombreuses questions soulevées.

1. La Constitution de 2001 a-t-elle été établie licitement ?
Ismaïla Madior FALL répond par la négative, au terme d’une démonstration a priori imparable : la loi n°2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution n’a pas été adoptée conformément aux dispositions spéciales de la Constitution du 7 mars 1963 formant le Titre X- De la révision ; le Président Wade, pour écarter du processus constituant un Parlement dominé par le PS – défait à l’élection présidentielle -, a recouru à l’article 46 de ladite Constitution qui l’habilitait à « soumettre tout projet de loi au référendum » ; la voie choisie pour une révision totale contrastait avec celle empruntée lors des 20 révisions partielles de la Constitution de 1963 ; l’article 46, réservé à un référendum portant sur un projet de loi ordinaire, ne pouvait être utilisé pour « mettre à mort » la Constitution, car « une Constitution ne peut pas volontairement contenir les germes de sa propre destruction ou fournir les armes qui causent sa propre mort » ; dès lors, « la Constitution du 22 janvier 2001 est congénitalement affectée d’un vice juridique incontestable ».
L’opération de 2001 n’est pas sans précédent : en France, le général de Gaulle, en butte à l’hostilité du Parlement, a réussi à faire adopter par référendum la loi du 6 novembre 1962 instaurant l’élection populaire du Président de la République, en utilisant l’article 11 de la Constitution de 1958. Comparaison n’est pas raison et il était loisible aux autorités sénégalaises d’opter pour une interprétation différente. Pour autant, faut-il considérer que le Président Wade a violé la Constitution de 1963 pour faire adopter la Constitution de 2001 ? Il semble que l’article 46 se prêtait bien à l’interprétation qui a prévalu. L’article en question visait tout projet de loi, sans limiter le champ du référendum législatif, ni préciser la qualité de la loi adoptable par référendum. Or, une Constitution est la loi fondamentale révisable par une loi qui n’est pas toujours qualifiée de constitutionnelle au Sénégal, comme en attestent les textes constitutionnels depuis 1959 ; sauf indication contraire de la Constitution, les lois de révision obéissent, par ailleurs, au même régime que les autres lois, et, par exemple, sont promulguées conformément à la même règle (Il s’agissait en 2001 de l’article 61 de la Constitution 1963). Par ailleurs, la Constitution de 1963 n’interdisait expressément pas sa révision totale ; elle mettait seulement à l’abri de toute révision « la forme républicaine de l’Etat » (art. 89 in fine) que n’a pas remise en cause la Constitution de 2001.
Doit-on continuer à contester en droit une Constitution largement plébiscitée à l’origine, tant par la classe politique que par les électeurs ? Le contentieux n’a-t-il pas été vidé en son temps par les juridictions suprêmes ? Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°3/2000 du 9 novembre, a bien validé l’interprétation présidentielle, en considérant que l’article 46 de la Constitution de 1963 conférait au chef de l’Etat « le droit d’initiative au référendum sans distinction entre la matière constitutionnelle et la matière législative ordinaire ». En outre, le Conseil d’Etat, dans son arrêt n°1/2000 du 4 janvier 2001, a qualifié d’ « acte de gouvernement insusceptible de recours pour excès de pouvoir » la décision présidentielle de recourir au référendum, ce qui était une manière de rappeler le caractère strictement politique de l’acte constituant. Faut-il considérer, en 2007, que les juges – dont la mission est de dire le droit - ont failli en jugeant que la Constitution de 2001 a été établie licitement ?
2. Le pouvoir de révision doit-il être souverain ?
Ismaïla Madior FALL voudrait qu’il ne le soit pas et que le Conseil Constitutionnel soit un rempart contre les embardées du Constituant. Il s’agirait d’écarter les effets pernicieux du « mouvement de révisions itératives [qui] exprime une certaine banalisation des révisions constitutionnelles et, par suite, de la Constitution ». Il faudrait faire prévaloir « une rationalité objective et démocratique » et proscrire le « tripatouillage » de la Constitution « à des fins de manipulation des règles du jeu démocratique par le groupe dirigeant ». Ismaïla Madior FALL refuse que « L’absence de consensus dans l’instauration d’institutions constitutionnelles entraîne une logique de « loi du talion constitutionnel » ». En somme, il voudrait que le pouvoir de révision soit judicieusement borné, que les révisions soient consensuelles de manière à préserver les acquis d’un Etat de droit démocratique.
C’est là une question de droit constitutionnel cruciale et délicate, une question qui réclame une attention particulière en Afrique, où se multiplient les révisions sur-mesure déconstruisant le constitutionnalisme libéral et prudentiel de la décennie 1990. Comment parer en droit à cette instrumentalisation destructrice ? Les africains, qui continuent de s’inspirer de la France, devraient d’abord se défaire d’une conception, affirmée par le Conseil Constitutionnel en 1962 et 2003, qui soustrait les lois de révision à tout contrôle juridictionnel. L’obstacle n’est pas insurmontable puisqu’il a été franchi au Mali, au Tchad (voir, en ce sens, mon article « Le contrôle prétorien de la révision au Mali et au Tchad : Un mirage ? », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, n°17, décembre 2006) et au Bénin. Seulement, faut-il laisser au juge la tâche de déterminer les contours du contrôle des lois de révision, au risque qu’il l’étende bien au-delà des règles procédurales et des clauses d’éternité, expressément inscrites dans le texte de la Constitution ? Ismaïla Madior FALL regrette que le Conseil Constitutionnel du Sénégal n’ait pas pris pour exemple la Cour Constitutionnelle du Bénin qui a rendu, en la matière, la décision DCC 06-74 du 8 juillet 2006. Il se montre, dès lors, partisan d’un contrôle maximaliste, et – semble-t-il - ne voie aucun inconvénient à ce que le juge constitutionnel impose au pouvoir de révision le respect d’une clause non écrite, telle que le principe du consensus national. Selon lui, « le juge, mal intentionné, est moins dangereux pour la démocratie que le pouvoir politique mal intentionné, ne serait-ce que parce que le premier ne peut se prévaloir d’aucune légitimité et n’est pas armé ».
Peut-on vraiment, sans dommage, remettre au juge les clés du temple de la Constitution, alors que beaucoup dénoncent son inféodation au pouvoir ? Au nom d’une certaine morale constitutionnelle, faut-il espérer que le juge, serviteur de la Constitution, devienne le maître de la Constitution, en situation de bloquer de sa propre autorité toute révision ? Un gouvernement des juges sur la Constitution ne briderait-il pas abusivement la volonté du souverain primaire ou de ses représentants, au fondement de tout Etat de droit démocratique ?

3. Le Conseil Constitutionnel a-t-il failli ?
Le Conseil Constitutionnel sénégalais a « mauvaise réputation », à cause de ses nombreuses déclarations d’incompétence. Ismaïla Madior FALL fait droit à certaines critiques : il reproche au Conseil Constitutionnel « son enfermement intégriste dans les textes, sa propension à assimiler compétence d’attribution et compétence exclusive, son manque de hardiesse à élargir de son propre chef, de façon raisonnable et parcimonieuse, sa compétence dans les moments critiques où il constitue le seul rempart auquel s’accrochent les espoirs de sauvegarde de la démocratie » ; il met à l’index « une appréciation sévère des délais, une position minimaliste en matière de compétence, une imprécision du contenu des principes dégagés et une rare utilisation de la technique des réserves d’interprétation et une réserve à l’égard des moyens d’ordre public ». Faut-il convenir que, du fait de son attitude de self-restraint, le Conseil Constitutionnel « n’est pas encore une vraie juridiction constitutionnelle » ? Faut-il espérer que le Conseil fasse preuve d’activisme, comme la Cour Constitutionnelle du Bénin, née dans un contexte différent et textuellement dotée de plus grands pouvoirs ? Sa jurisprudence constitutionnelle est-elle à ce point décevante ? Pour une appréciation équilibrée, ne faudrait-il pas décrypter chaque décision en droit, lorsque les analyses produites sont très souvent « polluées » par des considérations partisanes ou subjectives ? Peut-on vraiment considérer que le Conseil Constitutionnel a failli, qu’il fait souffrir le droit pour servir le pouvoir, au lieu de dire le droit pour contrôler le pouvoir ?
 
 
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2 novembre 2007 5 02 /11 /novembre /2007 17:35
4. Faut-il un régime parlementaire ?
Ismaïla Madior FALL conclut son ouvrage par un plaidoyer en faveur d’un « régime parlementaire minimal » qui rappelle celui prôné, en France, par la Convention pour la 6ième République. Il recommande un rééquilibrage des pouvoirs : « Le Parlement devrait être habilité à investir le Gouvernement, le contrôler, l’évaluer et le sanctionner » ; le Gouvernement, dirigé par le seul Premier ministre, aurait l’entière responsabilité de déterminer et de conduire la politique de la nation ; le Président de la République serait cantonné à un rôle d’arbitre impartial, deviendrait « une personnalité au-dessus des contingences partisanes, jouissant de pouvoirs d’arbitrage, et à qui reviendraient des pouvoirs de souveraineté et de nomination à des emplois civils et militaires limitativement énumérés ». La viabilité d’un tel système, qui romprait avec « le contexte du Sénégal marqué par un fort enracinement des institutions et des mœurs du présidentialisme », n’est pas assurée. Dès lors que le Président de la République continuerait à être élu au suffrage universel direct, au terme d’une compétition partisane, comment pourrait-il se résigner à « inaugurer les chrysanthèmes », à laisser le Premier ministre gouverner et à exercer une sorte de pouvoir modérateur ? L’expérience malheureuse de la Constitution de 1992 de la III° République de Madagascar incline à la prudence. Faut-il vraiment une nouvelle Constitution – qui serait la cinquième depuis 1959 ! - au Sénégal du XXI° siècle ?
La présente note de lecture ne donne qu’un modeste aperçu des leçons dispensées et des questionnements magistralement mis en exergue par Ismaïla Madior FALL.
Je vous invite à réagir en ligne, pour faire honneur au digne représentant de la nouvelle génération des constitutionnalistes du Sénégal. Lisez et faîtes lire, sans modération, Evolution constitutionnelle du Sénégal de la veille de l’indépendance aux élections de 2007 !
 
Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public
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1 novembre 2007 4 01 /11 /novembre /2007 09:23

Les élections en Afrique sont toujours controversées et donnent lieu à de très abondants contentieux, tant lors de la « fabrication » du droit électoral qu’à l’occasion de sa mise en œuvre.

Le scrutin qui a eu lieu le mois dernier au Togo est de nature à nourrir la réflexion.

Vous trouverez sur le site de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de la République du Togo la décision de la Cour Constitutionnelle N°E-021/07, en date du 30 octobre 2007, proclamant les résultats définitifs des élections législatives anticipées du 14 octobre 2007.

Le droit fait-il l’élection ? Autrement dit, le changement de Code électoral, commandé par l'accord politique global d’août 2006, a-t-il notablement influencé les résultats des législatives au Togo ? Le juge de l’élection a-t-il dit le droit équitablement ou a-t-il démérité ?

Je serai ravi de recevoir et de publier vos commentaires sur le sujet.

 

Stéphane Bolle
Maître de conférences HDR en droit public

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31 octobre 2007 3 31 /10 /octobre /2007 12:26
 
Loi n°2001-03 du 22 janvier 2001 portant
CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE DU SENEGAL
 
Telle que modifiée par :
  • la Loi n° 2003-15 du 19 juin 2003 portant révision de la Constitution et instituant un Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales,
  • la Loi n° 2006-37 du 15 novembre 2006 modifiant l'article 33 de la Constitution,
  • la Loi constitutionnelle n° 2007-19 du 19 février 2007 modifiant l'article 34 de la Constitution,
  • la Loi constitutionnelle n° 2007-06 du 12 février 2007 créant un Sénat,
  • la Loi constitutionnelle n° 2007-26 du 25 mai 2007 relative au Sénat.
 
PREAMBULE
Le peuple du Sénégal souverain,
PROFONDEMENT attaché à ses valeurs culturelles fondamentales qui constituent le ciment de l'unité nationale ;
CONVAINCU de la volonté de tous les citoyens, hommes et femmes, d'assumer un destin commun par la solidarité, le travail et l'engagement patriotique ;
CONSIDERANT que la construction nationale repose sur la liberté individuelle et le respect de la personne humaine, sources de créativité ;
CONSCIENT de la nécessité d'affirmer et de consolider les fondements de la Nation et de l'Etat ;
ATTACHE à l'idéal de l'unité africaine ;
AFFIRME :
- son adhésion à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation de l'Unité Africaine, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979, la Convention relative aux Droits de l' Enfant du 20 novembre 1989 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981 ;
- son attachement à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques ainsi qu'au principe de bonne gouvernance ;
- sa détermination à lutter pour la paix et la fraternité avec tous les peuples du monde ;
PROCLAME :
- le principe intangible de l'intégrité du territoire national et de l'unité nation dans le respect des spécificités culturelles de toutes les composantes de la Nation ;
- l'inaltérabilité de la souveraineté nationale qui s'exprime à travers des procédures et consultations transparentes et démocratiques ;
- la séparation et l'équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers des procédures démocratiques ;
- le respect des libertés fondamentales et des droits du citoyen comme base de la société sénégalaise ;
- le respect et la consolidation d'un Etat de droit dans lequel l'Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale ;
- l'accès de tous les citoyens, sans discrimination, à l'exercice du pouvoir à tous les niveaux ;
- l'égal accès de tous les citoyens aux services publics ;
- le rejet et l'élimination, sous toutes leurs formes de l'injustice, des inégalités et des discriminations ;
- la volonté du Sénégal d'être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition démocratique, et un Etat qui reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ;
APPROUVE ET ADOPTE LA PRESENTE CONSTITUTION DONT LE PREAMBULE EST PARTIE INTEGRANTE
 
TITRE PREMIER - DE L'ETAT ET DE LA SOUVERAINETE
Article premier
La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances.
La langue officielle de la République du Sénégal est le Français. Les langues nationales sont le Diola, le Malinké, le Pular, le Sérère, le Soninké, le Wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée.
La devise de la République du Sénégal est : " Un Peuple – Un But – Une Foi ".
Le drapeau de la République du Sénégal est composé de trois bandes verticales et égales, de couleur verte, or et rouge. Il porte, en vert, au centre de la bande or, une étoile à cinq branches.
La loi détermine le sceau et l'hymne national.
Le principe de la République du Sénégal est : gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.
Article 2
La capitale de la République du Sénégal est Dakar. Elle peut être transférée en tout autre lieu du territoire national.
Article 3
La souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du référendum.
Aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté.
Le suffrage peut être direct ou indirect. Il est toujours universel, égal et secret.
Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi.
Article 4
Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s'identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une région.
Les conditions dans lesquelles les partis politiques et les coalitions de partis politiques sont formés, exercent et cessent leurs activités, sont déterminées par la loi.
Article 5
Tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse, de même que toute propagande régionaliste pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat ou à l'intégrité du territoire de la République sont punis par la loi.
Article 6
Les institutions de la République sont :
- Le Président de la République,
- Le Parlement qui comprend deux assemblées : l’Assemblée nationale et le Sénat,
- Le Gouvernement,
- Le Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales,
- Le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, la Cour de Cassation, la Cour des Comptes et les Cours et Tribunaux.
 
TITRE II - DES LIBERTES PUBLIQUES ET DE LA PERSONNE HUMAINE, DES DROITS ECONOMIQUES ET SOCIAUX ET DES DROITS COLLECTIFS
Article 7
La personne humaine est sacrée. Elle est inviolable. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger.
Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, à l'intégrité corporelle notamment à la protection contre toutes mutilations physiques.
Le peuple sénégalais reconnaît l'existence des droits de l'homme inviolables et inaliénables comme base de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde.
Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes sont égaux en droit.
Il n'y a au Sénégal ni sujet, ni privilège de lieu de naissance, de personne ou de famille.
Article 8
La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs. Ces libertés et droits sont notamment :
- Les libertés civiles et politiques : liberté d'opinion, liberté d'expression, liberté de la presse, liberté d'association, liberté de réunion, liberté de déplacement, liberté de manifestation,
- les libertés culturelles,
- les libertés religieuses,
- les libertés philosophiques,
- les libertés syndicales,
- la liberté d'entreprendre,
- le droit à l'éducation,
- le droit de savoir lire et écrire,
- le droit de propriété,
- le droit au travail,
- le droit à la santé,
- le droit à un environnement sain,
- le droit à l'information plurielle,
Ces libertés et ces droits s'exercent dans les conditions prévues par la loi.
Article 9
Toute atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l'exercice d'une liberté sont punies par la loi.
Nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu d'une loi entrée en vigueur avant l'acte commis. La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés de la procédure.
Article 10
Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l'image, la marche pacifique, pourvu que l'exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l'honneur et à la considération d'autrui, ni à l'ordre public.
Article 11
La création d'un organe de presse pour l'information politique, économique, culturelle, sportive, sociale, récréative ou scientifique est libre et n'est soumise à aucune autorisation préalable.
Le régime de la presse est fixé par la loi.
Article 12
Tous les citoyens ont le droit de constituer librement des associations, des groupements économiques, culturels et sociaux ainsi que des sociétés, sous réserve de se conformer aux formalités édictées par les lois et règlements.
Les groupements dont le but ou l'activité est contraire aux lois pénales ou dirigé contre l'ordre public sont prohibés.
Article 13
Le secret de la correspondance, des communications postales, télégraphiques, téléphoniques et électroniques est inviolable. Il ne peut être ordonné de restriction à cette inviolabilité qu'en application de la loi.
Article 14
Tous les citoyens de la République ont le droit de se déplacer et de s'établir librement aussi bien sur toute l'étendue du territoire national qu'à l'étranger.
Ces libertés s'exercent dans les conditions prévues par la loi.
Article 15
Le droit de propriété est garanti par la présente Constitution. Il ne peut y être porté atteinte que dans le cas de nécessité publique légalement constatée, sous réserve d'une juste et préalable indemnité.
L'homme et la femme ont également le droit d'accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions déterminées par la loi.
Article 16
Le domicile est inviolable.
Il ne peut être ordonné de perquisition que par le juge ou par les autres autorités désignées par la loi. Les perquisitions ne peuvent être exécutées que dans les formes prescrites par celle-ci. Des mesures portant atteinte à l'inviolabilité du domicile ou la restreignant ne peuvent être prises que pour parer à un danger collectif ou protéger des personnes en péril de mort.
Ces mesures peuvent être également prises, en application de la loi, pour protéger l'ordre public contre les menaces imminentes, singulièrement pour lutter contre les risques d'épidémie ou pour protéger la jeunesse en danger.
MARIAGE ET FAMILLE
Article 17
Le mariage et la famille constituent la base naturelle et morale de la communauté humaine. Ils sont placés sous la protection de l'Etat.
L'Etat et les collectivités publiques ont le devoir de veiller à la santé physique et morale de la famille et, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées.
L'Etat garantit aux familles en général et à celles vivant en milieu rural en particulier l'accès aux services de santé et au bien être. Il garantit également aux femmes en général et à celles vivant en milieu rural en particulier, le droit à l'allègement de leurs conditions de vie.
Article 18
Le mariage forcé est une violation de la liberté individuelle. Elle est interdite et punie dans les conditions fixées par la loi.
Article 19
La femme a le droit d'avoir son patrimoine propre comme le mari. Elle a le droit de gestion personnelle de ses biens.
Article 20
Les parents ont le droit naturel et le devoir d'élever leurs enfants. Ils sont soutenus, dans cette tâche, par l'Etat et les collectivités publiques.
La jeunesse est protégée par l'Etat et les collectivités publiques contre l'exploitation, la drogue, les stupéfiants, l'abandon moral et la délinquance.
EDUCATION
Article 21
L'Etat et les collectivités publiques créent les conditions préalables et les institutions publiques qui garantissent l'éducation des enfants.
Article 22
L'Etat a le devoir et la charge de l'éducation et de la formation de la jeunesse par des écoles publiques.
Tous les enfants, garçons et filles, en tous lieux du territoire national, ont le droit d'accéder à l'école.
Les institutions et les communautés religieuses ou non religieuses sont également reconnues comme moyens d'éducation.
Toutes les institutions nationales, publiques ou privées, ont le devoir d'alphabétiser leurs membres et de participer à l'effort national d'alphabétisation dans l'une des langues nationales.
Article 23
Des écoles privées peuvent être ouvertes avec l'autorisation et sous le contrôle de l'Etat.
RELIGIONS ET COMMUNAUTES RELIGIEUSES
Article 24
La liberté de conscience, les libertés et les pratiques religieuses ou cultuelles, la profession d'éducateur religieux sont garanties à tous sous réserve de l'ordre public.
Les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave. Elles sont dégagées de la tutelle de l'Etat. Elles règlent et administrent leurs affaires d'une manière autonome.
TRAVAIL
Article 25
Chacun a le droit de travailler et le droit de prétendre à un emploi. Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de son sexe, de ses opinions, de ses choix politiques ou de ses croyances. Le travailleur peut adhérer à un syndicat et défendre ses droits par l'action syndicale.
Toute discrimination entre l'homme et la femme devant l'emploi, le salaire et l'impôt est interdite.
La liberté de créer des associations syndicales ou professionnelles est reconnue à tous les travailleurs.
Le droit de grève est reconnu. Il s'exerce dans le cadre des lois qui le régissent. Il ne peut en aucun cas ni porter atteinte à la liberté de travail, ni mettre l'entreprise en péril.
Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination des conditions de travail dans l'entreprise. L'Etat veille aux conditions sanitaires et humaines dans les lieux de travail.
Des lois particulières fixent les conditions d'assistance et de protection que l'Etat et l'entreprise accordent aux travailleurs.
 
TITRE III - DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Article 26
Le Président de la République est élu au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours.
Article 27
La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.
Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire.
Article 28
Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de 35 ans au moins le jour du scrutin. Il doit savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle.
Article 29
Les candidatures sont déposées au greffe du Conseil constitutionnel, trente jours francs au moins et soixante jours francs au plus avant le premier tour du scrutin.
Toutefois, en cas de décès d'un candidat, le dépôt de nouvelles candidatures est possible à tout moment et jusqu'à la veille du scrutin.
Dans ce cas, les élections sont reportées à une nouvelle date par le Conseil constitutionnel.
Toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constitué ou être accompagnée de la signature d'électeurs représentant au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents au moins par région.
Les candidats indépendants, comme les partis politiques, sont tenus de se conformer à l'article 4 de la Constitution. Chaque parti ou coalition de partis politiques ne peut présenter qu'une seule candidature.
Article 30
Vingt neuf jours francs avant le premier tour du scrutin, le Conseil constitutionnel arrête et publie la liste des candidats.
Les électeurs sont convoqués par décret.
Article 31
Le scrutin pour l'élection du Président de la République a lieu quarante-cinq jours francs au plus et trente jours francs au moins avant la date de l'expiration du mandat du Président de la République en fonction.
Si la Présidence est vacante, par démission, empêchement définitif ou décès, le scrutin aura lieu dans les soixante jours au moins et quatre vingt dix jours au plus, après la constatation de la vacance par le Conseil constitutionnel.
Article 32
Les Cours et Tribunaux veillent à la régularité de la campagne électorale et à l'égalité des candidats pour l'utilisation des moyens de propagande, dans les conditions déterminées par une loi organique.
Article 33
Le scrutin a lieu un dimanche. Toutefois, pour les membres des corps militaires et paramilitaires, le vote peut se dérouler sur un ou plusieurs jours fixés par décret.
Nul n'est élu au premier tour s'il n'a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés.
Si aucun candidat n'a obtenu la majorité requise, il est procédé à un second tour de scrutin le troisième dimanche qui suit la décision du Conseil constitutionnel.
Sont admis à se présenter à ce second tour, les deux candidats arrivés en tête au premier tour.
En cas de contestation, le second tour a lieu le deuxième troisième suivant le jour du prononcé de la décision du Conseil constitutionnel.
Au second tour, la majorité relative suffit pour être élu.
Article 34
En cas d’empêchement définitif ou de retrait d’un des candidats entre l’arrêt de publication de la liste des candidats et le premier tour, l’élection est poursuivie avec les autres candidats en lice. Le Conseil Constitutionnel modifie en conséquences la liste des candidats. La date du scrutin est maintenue.
En cas de décès, d'empêchement définitif, ou de retrait d'un des deux candidats entre le scrutin du premier tour et la proclamation provisoire des résultats, ou entre cette proclamation provisoire et la proclamation définitive des résultats du premier tour par le Conseil constitutionnel, le candidat suivant dans l'ordre des suffrages est admis à se présenter au second tour.
En cas de décès, d'empêchement définitif ou de retrait d'un des deux candidats entre la proclamation des résultats définitifs du premier tour et le scrutin du deuxième tour, le candidat suivant sur la liste des résultats du premier tour est admis au deuxième tour.
Dans les deux cas précédents, le Conseil constitutionnel constate le décès, l'empêchement définitif ou le retrait et fixe une nouvelle date du scrutin.
En cas de décès, d'empêchement définitif, ou de retrait d'un des deux candidats arrivés en tête selon les résultats provisoires du deuxième tour, et avant la proclamation des résultats définitifs du deuxième tour par le Conseil constitutionnel, le seul candidat restant est déclaré élu.
Article 35
Les Cours et Tribunaux veillent à la régularité du scrutin dans les conditions déterminées par une loi organique.
La régularité des opérations électorales peut être contestée par l'un des candidats devant le Conseil constitutionnel dans les soixante douze heures qui suivent la proclamation provisoire des résultats par une commission nationale de recensement des votes instituée par une loi organique.
Si aucune contestation n'a été déposée dans les délais au greffe du Conseil constitutionnel, le Conseil proclame immédiatement les résultats définitifs du scrutin.
En cas de contestation, le Conseil statue sur la réclamation dans les cinq jours francs du dépôt de celle-ci. Sa décision emporte proclamation définitive du scrutin ou annulation de l'élection.
En cas d'annulation, il est procédé à un nouveau tour du scrutin dans les vingt et un jours francs qui suivent.
Article 36
Le Président de la République élu entre en fonction après la proclamation définitive de son élection et l'expiration du mandat de son prédécesseur.
Le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu'à l'installation de son successeur.
Au cas où le Président de la République élu décède, se trouve définitivement empêché ou renonce au bénéfice de son élection avant son entrée en fonction, il est procédé à de nouvelles élections dans les conditions prévues à l'article 31.
Article 37
Le Président de la République est installé dans ses fonctions après avoir prêté serment devant le Conseil constitutionnel en séance publique.
Le serment est prêté dans les termes suivants :
" Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d'observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l'intégrité du territoire et l'indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l'unité africaine".
Le Président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique.
Article 38
La charge de Président de la République est incompatible avec l'appartenance à toute assemblée élective, Assemblée nationale ou assemblées locales, et avec l'exercice de toute autre fonction, publique ou privée, rémunérée.
Toutefois, il a la faculté d'exercer des fonctions dans un parti politique ou d'être membre d'académies dans un des domaines du savoir.
Article 39
En cas de démission, d'empêchement définitif ou de décès, le Président de la République est suppléé par le Président du Sénat. Celui-ci organise les élections dans les délais prévus à l’article 31.
Au cas où le Président du Sénat serait dans l'un des cas ci-dessus, la suppléance est assurée par le président de l'Assemblée nationale.
La même règle définie par l’article précédent s’applique à toutes les suppléances.
Article 40
Pendant la durée de la suppléance, les dispositions des articles 49, 51,86, 87 et 103 ne sont pas applicables.
Article 41
La démission, l'empêchement ou le décès du Président de la République sont constatés par le Conseil constitutionnel saisi par le Président de la République en cas de démission, par l'autorité appelée à le suppléer en cas d'empêchement ou de décès.
Il en est de même de la constatation de la démission, de l'empêchement ou du décès du Président du Sénat ou des personnes appelées à le suppléer.
Article 42
Le Président de la République est le gardien de la Constitution. Il est le premier Protecteur des Arts et des Lettres du Sénégal.
Il incarne l'unité nationale.
Il est le garant du fonctionnement régulier des institutions, de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire.
Il détermine la politique de la Nation.
Il préside le Conseil des Ministres.
Article 43
Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets.
Les actes du Président de la République, à l'exception de ceux qu'il accomplit en vertu des articles 45, 46, 47, 48, 49 alinéa 1, 52, 60-1, 74, 76 alinéa 2, 78, 79, 83, 87, 89 et 90 sont contresignés par le Premier Ministre.
Article 44
Le Président de la République nomme aux emplois civils.
Article 45
Le Président de la République est responsable de la Défense nationale. Il préside le Conseil supérieur de la Défense nationale et le Conseil national de Sécurité.
Il est le Chef suprême des Armées ; il nomme à tous les emplois militaires et dispose de la force armée.
Article 46
Le Président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères.
Les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.
Article 47
Le Président de la République a le droit de faire grâce.
Article 48
Le Président de la République peut adresser des messages à la Nation.
Article 49
Le Président de la République nomme le Premier Ministre et met fin à ses fonctions.
Sur proposition du Premier Ministre, le Président de la République nomme les Ministres, fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions.
Article 50
Le Président de la République peut déléguer par décret certains pouvoirs au Premier Ministre ou aux autres membres du Gouvernement, à l'exception des pouvoirs prévus aux articles 42, 46, 47, 49, 51, 52, 72, 73, 87, 89 et 90.
Il peut en outre autoriser le Premier Ministre à prendre des décisions par décret.
Article 51
Le Président de la République peut, après avoir recueilli l'avis du Président de l'Assemblée nationale, du Président du Sénat et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum.
Il peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir recueilli l'avis des autorités indiquées ci-dessus, soumettre tout projet de loi au référendum.
Les Cours et Tribunaux veillent à la régularité des opérations de référendum. Le Conseil constitutionnel en proclame les résultats.
Article 52
Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité du territoire national ou l'exécution des engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels.
Il peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la Nation.
Il ne peut, en vertu des pouvoirs exceptionnels, procéder à une révision constitutionnelle.
Le Parlement se réunit de plein droit.
Il est saisi pour ratification, dans les quinze jours de leur promulgation, des mesures de nature législative mises en vigueur par le Président. Il peut les amender ou les rejeter à l’occasion du vote de la loi de ratification. Ces mesures deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale dans ledit délai.
L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels. Lorsque ceux-ci sont exercés après la dissolution de l'Assemblée nationale, la date des scrutins fixée par le décret de dissolution ne peut être reportée, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel.
 
TITRE IV - DU GOUVERNEMENT
Article 53
Le Gouvernement comprend le Premier Ministre, chef du Gouvernement, et les Ministres.
Le Gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier Ministre. Il est responsable devant le Président de la République et devant l'Assemblée nationale dans les conditions prévues par les articles 85 et 86 de la Constitution.
Article 54
La qualité de membre du Gouvernement est incompatible avec un mandat parlementaire et toute activité professionnelle publique ou privée rémunérée.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par une loi organique.
Article 55
Après sa nomination, le Premier Ministre fait sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie d'un débat qui peut, à la demande du Premier Ministre, donner lieu à un vote de confiance.
En cas de vote de confiance, celle-ci est accordée à la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale.
Article 56
Le Gouvernement est une institution collégiale et solidaire. La démission ou la cessation des fonctions du Premier Ministre entraîne la démission de l'ensemble des membres du Gouvernement.
Article 57
Le Premier Ministre dispose de l'administration et nomme aux emplois civils déterminés par la loi.
Il assure l'exécution des lois et dispose du pouvoir réglementaire sous réserve des dispositions de l'article 43 de la Constitution.
Les actes réglementaires du Premier Ministre sont contresignés par les membres du Gouvernement chargés de leur exécution.
Le Premier Ministre préside les Conseils interministériels. Il préside les réunions ministérielles ou désigne, à cet effet, un Ministre.
Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux Ministres.
 
TITRE V - DE L'OPPOSITION
Article 58
La Constitution garantit aux partis politiques qui s'opposent à la politique du Gouvernement le droit de s'opposer.
La loi définit leur statut et fixe leurs droits et devoirs.
L'opposition parlementaire est celle qui est représentée à l'Assemblée nationale par ses députés
 
TITRE VI - DU PARLEMENT
Article 59
Les assemblées représentatives de la République du Sénégal portent les noms d’Assemblée nationale et de Sénat.
Leurs membres portent les titres de députés à l’Assemblée nationale et de sénateurs.
Article 60
Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct. Leur mandat est de cinq ans. Il ne peut être abrégé que par dissolution de l'Assemblée nationale.
Les Cours et Tribunaux veillent à la régularité de la campagne électorale et du scrutin dans les conditions déterminées par une loi organique.
Une loi organique fixe le nombre des membres de l'Assemblée nationale, leurs indemnités, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.
Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. Il est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique.
Article 60-1
Le Sénat assure la représentation des collectivités locales de la République et des Sénégalais établis hors du Sénégal.
Le nombre de sénateurs représentant les collectivités locales de la République ne peut être inférieur au tiers des membres du Sénat. Ces représentants sont élus au suffrage universel indirect dans chaque département dans les conditions déterminées par cette loi organique. Les cours et tribunaux veillent à la régularité de la campagne électorale et du scrutin pour l’élection des députés et des sénateurs dans les conditions déterminées par cette loi organique.
Une partie des sénateurs est nommée par le Président de la République après avis du Président de l’Assemblée nationale et du Premier Ministre.
Le mandat des sénateurs est de cinq ans.
Nul ne peut être élu ou nommé sénateur s’il n’est âgé de quarante ans au moins au jour du scrutin ou de la nomination.
Deux cinquièmes au moins des sénateurs sont des femmes.
Une loi organique fixe le nombre de sénateurs, leurs indemnités, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.
Article 61
Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.
Aucun membre du Parlement ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté, en matière criminelle ou correctionnelle, qu’avec l’autorisation de l’assemblée dont il fait partie.
Le membre du Parlement ne peut, hors session, être arrêté qu’avec l’autorisation de l’assemblée dont il fait partie, sauf en cas de crime ou délit flagrant, tel que prévu par l’alinéa précédent ou de condamnation pénale définitive.
La poursuite d’un membre du Parlement ou sa détention du fait de cette poursuite est suspendue si l’assemblée dont il fait partie le requiert.
Le membre du Parlement qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des parlementaires sur demande du Ministre de la Justice.
Article 62
Le règlement intérieur de chaque assemblée détermine :
- la composition, les règles de fonctionnement du bureau, ainsi que les pouvoirs et prérogatives de son président qui est élu pour la durée de la législature ;
- le nombre, le mode de désignation, la composition, le rôle et la compétence de ses commissions permanentes, sans préjudice du droit, pour l’assemblée, de créer des commissions spéciales temporaires ;
- l’organisation des services administratifs placés sous l’autorité du Président de l’assemblée, assisté d’un secrétaire général administratif ;
- le régime disciplinaire de ses membres ;
- les différents modes de scrutin, à l’exclusion de ceux prévus expressément par la Constitution ;
- d’une façon générale, toutes les règles ayant pour objet le fonctionnement de l’assemblée dans le cadre de sa compétence constitutionnelle.
Article 63
A l’exception de la date d’ouverture de la première session de l’Assemblée nationale ou du Sénat nouvellement élu, qui est fixée par le Président de la République, l’Assemblée nationale fixe, après avoir recueilli l’avis du Président du Sénat, la date d’ouverture et la durée des sessions ordinaires du Parlement. Celles-ci sont toutefois régies par les règles ci-après :
Les assemblées tiennent, chaque année, deux sessions ordinaires :
- la première s’ouvre dans le cours du deuxième trimestre de l’année ;
- la seconde s’ouvre obligatoirement dans la première quinzaine du mois d’octobre.
- La loi de finances de l’année est examinée au cours de la seconde session ordinaire.
Au cas où une session ordinaire ou extraordinaire est close sans que l’Assemblée nationale n’ait fixé la date d’ouverture de sa prochaine session ordinaire, celle-ci est fixée en temps utile par le bureau de l’Assemblée nationale, après avoir recueilli l’avis du Président du Sénat.
La durée de chaque session ordinaire ne peut excéder quatre mois.
Le Parlement est, en outre, réuni en session extraordinaire, sur un ordre du jour déterminé, soit :
- sur demande écrite de plus de la moitié des députés, adressée au Président de l’Assemblée nationale ;
- sur décision du Président de la République, seul ou sur proposition du Premier Ministre.
Toutefois, la durée de chaque session extraordinaire ne peut dépasser quinze jours, sauf dans le cas prévu à l'article 68.
Les sessions extraordinaires sont closes sitôt l'ordre du jour épuisé.
Article 64
Le vote des membres du Parlement est personnel. Tout mandat impératif est nul.
La loi organique peut autoriser, exceptionnellement, la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d'un mandat.
Article 65
L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent déléguer à leur commission des délégations le pouvoir de prendre des mesures qui sont du domaine de la loi.
Cette délégation s'effectue par une résolution de l’assemblée intéressée dont le Président de la République est immédiatement informé.
Dans les limites de temps et de compétence fixées par la résolution prévue ci-dessus, la commission des délégations prend des délibérations qui sont promulguées comme des lois. Ces délibérations sont déposées sur le bureau de l'Assemblée nationale. Faute d'avoir été modifiées par le Parlement dans les quinze jours de la session, elles deviennent définitives.
Article 66
Les séances du Parlement sont publiques. Le huis clos n'est prononcé qu'exceptionnellement et pour une durée limitée.
Le compte-rendu intégral des débats ainsi que les documents parlementaires sont publiés dans le journal des débats ou au journal officiel.
 
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31 octobre 2007 3 31 /10 /octobre /2007 12:24
TITRE VII - DES RAPPORTS ENTRE LE POUVOIR EXECUTIF ET LE POUVOIR LEGISLATIF
Article 67
La loi est votée par le Parlement
La loi fixe les règles concernant :
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens,
- le statut de l'opposition,
- la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités,
- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l'amnistie, la création de nouveaux ordres de juridictions et le statut des magistrats,
- l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, le régime d'émission de la monnaie,
- le régime électoral de l'Assemblée nationale et du Sénat et des assemblées locales,
- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat,
- les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
- de l'organisation générale de la Défense nationale,
- de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources,
- de l'enseignement,
- du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale,
- du régime de rémunération des agents de l'Etat.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Les créations et transformations d'emplois publics ne peuvent être opérées que par les lois de finances.
Les lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat. Le plan est approuvé par la loi.
Les dispositions du présent article peuvent être précisées et complétées par une loi organique.
En outre, le Président de la République, sur proposition du Premier Ministre, peut en raison de leur importance sociale, économique ou financière, soumettre au vote du Sénat, des projets de loi relatifs à des matières autres que celles énumérées au présent article, sans qu'il en résulte une dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 76.
Article 68
Le Parlement vote les projets de lois de finances dans les conditions prévues par une loi organique.
Le projet de loi de finances de l'année, qui comprend notamment le budget, est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, au plus tard le jour de l'ouverture de la session fixée.
Le Parlement dispose de soixante jours au plus pour voter les projets de lois de finances.
Si, par suite d'un cas de force majeure, le Président de la République n'a pu déposer le projet de loi de finances de l'année en temps utile pour que le Parlement dispose, avant la fin de la session fixée, du délai prévu à l'alinéa précédent, la session est immédiatement et de plein droit prolongée jusqu'à l'adoption de la loi de finances.
Si le projet de loi de finances n'est pas voté définitivement à l'expiration du délai de soixante jours prévu ci-dessus, il est mis en vigueur par décret, compte tenu des amendements votés par l'Assemblée nationale ou le Sénat et acceptés par le Président de la République.
Si compte tenu de la procédure prévue ci-dessus, la loi de finances de l'année n'a pu être mise en vigueur avant le début de l'année financière, le Président de la République est autorisé à reconduire par décret les services votés.
La Cour des Comptes assiste le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement, dans le contrôle de l'exécution des lois de finances.
Article 69
L'Etat de siège, comme l'état d'urgence, est décrété par le Président de la République. L'Assemblée nationale se réunit alors de plein droit, si elle n'est en session.
Le décret proclamant l'état de siège ou l'état d'urgence cesse d'être en vigueur après douze jours, à moins que l'Assemblée nationale, saisie par le Président de la République, n'en ait autorisé la prorogation.
Les modalités d'application de l'état de siège et de l'état d'urgence sont déterminées par la loi.
Article 70
La déclaration de guerre est autorisée par l'Assemblée nationale.
Les droits et devoirs des citoyens, pendant la guerre ou en cas d'invasion ou d'attaque du territoire national par des forces de l'extérieur, font l'objet d'une loi organique.
Article 71
Après son adoption par l'Assemblée nationale, la loi est transmise sans délai au Président de la République.
Toutefois, les projets ou propositions de loi sont, après leur adoption par l’Assemblée nationale, transmis au Sénat qui statue dans un délai de vingt jours à compter de la date de réception. En cas d’urgence déclarée par le Gouvernement, ce délai est réduit à sept jours.
Si le Sénat adopte un texte identique à celui de l’Assemblée nationale, la loi est transmise sans délai au Président de la République pour promulgation. En cas de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ou si le Sénat ne s’est pas prononcé dans les délais prévus au deuxième alinéa, l’Assemblée nationale statue définitivement. Après son adoption, la loi est transmise sans délai au Président de la République pour promulgation.
Article 72
Le Président de la République promulgue les lois définitivement adoptées dans les huit jours francs qui suivent l'expiration des délais de recours visés à l'article 74.
Le délai de promulgation est réduit de moitié en cas d'urgence déclarée par l'Assemblée nationale.
Article 73
Dans le délai fixé pour la promulgation, le Président de la République peut, par un message motivé, demander à l'Assemblée une nouvelle délibération qui ne peut être refusée. La loi ne peut être votée en seconde lecture que si les trois cinquièmes des membres composant l'Assemblée nationale se sont prononcés en sa faveur.
Article 74
Le Conseil constitutionnel peut être saisi d'un recours visant à faire déclarer une loi inconstitutionnelle :
- par le Président de la République dans les six jours francs qui suivent la transmission à lui faite de la loi définitivement adoptée,
- par un nombre de députés au moins égal au dixième des membres de l'Assemblée nationale, dans les six jours francs qui suivent son adoption définitive,
- par un nombre de sénateurs au moins égal au dixième des membres du Sénat, dans les six jours francs qui suivent son adoption définitive.
Article 75
Le délai de la promulgation est suspendu jusqu'à l'issue de la seconde délibération de l'Assemblée nationale ou de la décision du Conseil constitutionnel déclarant la loi conforme à la Constitution.
Dans tous les cas, à l'expiration des délais constitutionnels, la promulgation est de droit ; il y est pourvu par le Président de l'Assemblée nationale.
Article 76
Les matières qui ne sont pas du domaine législatif en vertu de la présente Constitution ont un caractère réglementaire.
Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décret si le Conseil constitutionnel, à la demande du Président de la République ou du Premier Ministre, a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.
Article 77
Le Parlement peut habiliter par une loi le Président de la République à prendre des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Dans les limites de temps et de compétence fixées par la loi d'habilitation, le Président de la République prend des ordonnances qui entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale avant la date fixée par la loi d'habilitation. Le Parlement peut les amender à l'occasion du vote de la loi de ratification.
Article 78
Les lois qualifiées organiques par la Constitution sont votées dans les conditions prévues à l’article 71. Toutefois, le texte ne peut être adopté par le Parlement qu’à la majorité absolue de ses membres.
Les articles 65 et 77 ne sont pas applicables aux lois organiques.
Article 79
Le Président de la République communique avec l'Assemblée nationale et le Sénat par des messages qu'il prononce ou qu'il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat.
Article 80
L'initiative des lois appartient concurremment au Président de la République, au Premier Ministre, aux députés et aux sénateurs.
Par dérogation aux dispositions de l’article 71, les propositions de lois initiées par les sénateurs sont examinées en premier lieu au Sénat. Elles sont, après leur adoption, transmises à l’Assemblée nationale. SI l’Assemblée nationale adopté ce texte, après l’avoir éventuellement modifié, il est transmis sans délai au Président de la République pour promulgation.
Article 81
Le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement peuvent être entendus à tout moment par les assemblées et leurs commissions. Ils peuvent se faire assister par des collaborateurs.
Article 82
Le Président de la République, Le Premier Ministre, les députés et les sénateurs ont le droit d'amendement. Les amendements du Président de la République sont présentés par le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement.
Les propositions et amendements formulés par les députés et les sénateurs ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, à moins que ces propositions ou amendements ne soient assortis de propositions de recettes compensatrices.
Si le Gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.
Article 83
S'il apparaît, au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi, le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement peuvent opposer l'irrecevabilité.
En cas de désaccord, le Conseil constitutionnel, à la demande du Président de la République, de l'Assemblée nationale, du Sénat ou du Premier Ministre, statue dans les huit jours.
Article 84
L'inscription, par priorité, à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ou du Sénat d'un projet ou d'une proposition de loi ou d'une déclaration de politique générale, est de droit si le Président de la République ou le Premier Ministre en fait la demande.
Article 85
Les députés et les sénateurs peuvent poser au Premier Ministre et aux autres membres du Gouvernement qui sont tenus d'y répondre, des questions écrites et des questions orales avec ou sans débat.
Les questions ou les réponses qui leur sont faites ne sont pas suivies de vote.
L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent désigner, en leur sein, des commissions d'enquête.
La loi détermine les conditions d'organisation et de fonctionnement ainsi que les pouvoirs des commissions d'enquête.
Article 86
Le Premier Ministre peut, après délibération du Conseil des Ministres, décider de poser la question de confiance sur un programme ou une déclaration de politique générale. Le vote sur la question de confiance ne peut intervenir que deux jours francs après qu'elle a été posée.
La confiance est refusée au scrutin public à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. Le refus de confiance entraîne la démission collective du Gouvernement.
L'Assemblée nationale peut provoquer la démission du Gouvernement par le vote d'une motion de censure.
La motion de censure doit, à peine d'irrecevabilité, être revêtue de la signature d'un dixième des membres composant l'Assemblée nationale. Le vote de la motion de censure ne peut intervenir que deux jours francs après son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale.
La motion de censure est votée au scrutin public, à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale ; seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure. Si la motion de censure est adoptée, le Premier Ministre remet immédiatement la démission du Gouvernement au Président de la République. Une nouvelle motion de censure ne peut être déposée au cours de la même session.
Article 87
Le Président de la République peut, après avoir recueilli l'avis du Premier Ministre et celui du Président de l'Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l'Assemblée nationale.
Toutefois, la dissolution ne peut intervenir durant les deux premières années de législature.
Le décret de dissolution fixe la date du scrutin pour l'élection des députés. Le scrutin a lieu soixante jours au moins et quatre vingt dix jours au plus après la date de publication dudit décret.
L'Assemblée nationale dissoute ne peut se réunir. Toutefois, le mandat des députés n'expire qu'à la date de la proclamation de l'élection des membres de la nouvelle Assemblée nationale.
 
TITRE VII - 1 - DU CONSEIL DE LA REPUBLIQUE POUR LES AFFAIRES ECONOMIQUES ET SOCIALES
Article 87-1
Le Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales, en abrégé Conseil de la République, constitue, auprès des pouvoirs publics, une assemblée consultative.
Il est consulté par les pouvoirs publics et peut, de sa propre initiative, émettre un avis sur l’ensemble des questions d’ordre social, économique et culturel intéressant les différents secteurs d’activités de la Nation.
Le Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales favorise par son activité, une collaboration harmonieuse entre les différentes communautés et les différentes catégories sociales et professionnelles du Sénégal. En cas de conflit social, il peut être saisi pour proposer des solutions.
Une loi organique détermine le mode de désignation des membres du Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales ainsi que les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’institution.
 
TITRE VIII - DU POUVOIR JUDICIAIRE
Article 88
Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, la Cour de Cassation, la Cour des Comptes et les Cours et Tribunaux.
Article 89
Le Conseil constitutionnel comprend cinq membres dont un président, un vice-président et trois juges.
La durée de leur mandat est de six ans. Le Conseil est renouvelé tous les deux ans à raison du président ou de deux membres autres que le président, dans l'ordre qui résulte des dates d'échéance de leurs mandats.
Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le Président de la République.
Les conditions à remplir pour pouvoir être nommé membre du Conseil constitutionnel sont déterminées par la loi organique.
Le mandat des membres du Conseil constitutionnel ne peut être renouvelé.
Il ne peut être mis fin aux fonctions des membres du Conseil constitutionnel avant l'expiration de leur mandat que sur leur demande ou pour incapacité physique, et dans les conditions prévues par la loi organique.
Article 90
Les magistrats autres que les membres du Conseil constitutionnel et de la Cour des Comptes sont nommés par le Président de la République après avis du Conseil supérieur de la Magistrature. Les magistrats de la Cour des Comptes sont nommés par le Président de la République après avis du Conseil supérieur de la Cour des Comptes.
Les juges ne sont soumis qu'à l'autorité de la loi dans l'exercice de leurs fonctions.
Les magistrats du siège sont inamovibles.
La compétence, l'organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature ainsi que le statut des magistrats sont fixés par une loi organique.
La compétence, l'organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Cour des Comptes ainsi que le statut des magistrats de la Cour des Comptes sont fixés par une loi organique.
Article 91
Le pouvoir judiciaire est gardien des droits et libertés définis par la Constitution et la loi.
Article 92
Le Conseil constitutionnel connaît de la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l'exécutif et le législatif, des conflits de compétence entre le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation, ainsi que des exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant le Conseil d'Etat ou la Cour de Cassation.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucune voie de recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
Le Conseil d'Etat est juge en premier et dernier ressort de l'excès de pouvoir des autorités exécutives. Il connaît des décisions de la Cour des Comptes par la voie du recours en cassation. Il est compétent en dernier ressort dans le contentieux des inscriptions sur les listes électorales et des élections aux conseils des collectivités territoriales. Il connaît, par la voie du recours en cassation, des décisions des Cours et Tribunaux relatives aux autres contentieux administratifs, à l'exception de ceux que la loi organique attribue expressément à la Cour de Cassation.
En toute autre matière, la Cour de Cassation se prononce par la voie du recours en cassation sur les jugements rendus en dernier ressort par les juridictions subordonnées.
La Cour des Comptes juge les comptes des comptables publics. Elle vérifie la régularité des recettes et des dépenses et s'assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat ou par les autres personnes morales de droit public. Elle assure la vérification des comptes et de la gestion des entreprises publiques et organismes à participation financière publique. Elle déclare et apure les gestions de fait. Elle sanctionne les fautes de gestion commises à l'égard de l'Etat, des collectivités locales et des organismes soumis à son contrôle.
Article 93
Sauf cas de flagrant délit, les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en matière pénale qu'avec l'autorisation du Conseil et dans les mêmes conditions que les membres du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes.
Sauf cas de flagrant délit, les membres du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes ne peuvent être poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en matière pénale que dans les conditions prévues par la loi organique portant statut des magistrats.
Article 94
Des lois organiques déterminent les autres compétences du Conseil constitutionnel, du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation et de la Cour des Comptes ainsi que leur organisation, les règles de désignation de leurs membres et la procédure suivie devant elles.
 
TITRE IX - DES TRAITES INTERNATIONAUX
Article 95
Le Président de la République négocie les engagements internationaux.
Il les ratifie ou les approuve éventuellement sur autorisation de l'Assemblée nationale.
Article 96
Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient les dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.
Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés.
Nulle cession, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées.
La République du Sénégal peut conclure avec tout Etat africain des accords d'association ou de communauté comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l'unité africaine.
Article 97
Si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ou de l'approuver ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution.
Article 98
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.
 
TITRE X - DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE
Article 99
Il est institué une Haute Cour de Justice.
Article 100
La Haute Cour de Justice est composée de membres élus, en nombre égal, par l’Assemblée nationale et le Sénat après chaque renouvellement de ces assemblées.
Elle est présidée par un magistrat.
L'organisation de la Haute Cour de Justice et la procédure suivie devant elle sont déterminées par une loi organique.
Article 101
Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées, statuant par un vote identique au scrutin secret, à la majorité des trois cinquièmes des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de Justice.
Le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice. La procédure définie ci-dessus leur est applicable, ainsi qu'à leurs complices, dans le cas de complot contre la sûreté de l'Etat. Dans les cas prévus au présent alinéa, la Haute Cour est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines, telles qu'elles résultent des lois pénales en vigueur au moment où les faits ont été commis.
 
TITRE XI - DES COLLECTIVITES LOCALES
Article 102
Les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s'administrent librement par des assemblées élues.
Leur organisation, leur composition et leur fonctionnement sont déterminés par la loi.
 
TITRE XII - DE LA REVISION
Article 103
L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux députés.
Le Premier Ministre peut proposer au Président de la République une révision de la Constitution.
Le projet ou la proposition de révision de la Constitution est adopté par les assemblées selon la procédure de l’article 71. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
Toutefois, le projet ou la proposition n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès.
Dans ce cas, le projet ou la proposition n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes (3/5) des suffrages exprimés.
Les articles 65 et 77 ne sont pas applicables aux lois constitutionnelles.
La forme républicaine de l'Etat ne peut faire l'objet d'une révision.
 
TITRE XIII - DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Article 104
Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu'à son terme.
Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables.
Article 105
En vue de la mise en application rapide de toutes les dispositions de la présente Constitution, le Président de la République est autorisé à regrouper le maximum d'élections dans le temps.
A cet effet, il peut prononcer la dissolution de tous les conseils des collectivités locales. Il peut également, soit prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale, soit organiser simplement des élections anticipées sans dissolution.
Dans ce dernier cas, l'actuelle Assemblée nationale continue d'exercer ses fonctions jusqu'à la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale.
La nouvelle Assemblée nationale est convoquée par décret.
Article 106
Les mesures législatives nécessaires à la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale et des nouvelles assemblées locales qui suivent l'adoption de la présente Constitution, notamment celles concernant le régime électoral et la composition de ces assemblées, sont fixées par l'actuelle Assemblée nationale si elle n'est pas dissoute. Dans le cas contraire, elles sont fixées par le Président de la République, après avis du Conseil d'Etat, par ordonnance ayant force de loi. Les délais de convocation des élections et la durée de la campagne électorale peuvent être réduits.
Article 107
Les lois et règlements en vigueur, lorsqu'ils ne sont pas contraires à la présente Constitution, restent en vigueur tant qu'ils n'auront pas été modifiés ou abrogés.
En tout état de cause, toutes les dispositions relatives au Sénat et au Conseil économique et social sont abrogées entraînant d'office la suppression de ces institutions.
Pour le Haut Conseil de l'Audiovisuel, le Président de la République est autorisé à mettre fin aux fonctions des membres actuels et à procéder, par consensus, à la nomination de nouveaux membres. Il peut, en tant que de besoin, prendre toutes les mesures nécessaires à cet effet.
Article 108
La présente Constitution sera soumise au peuple par voie de référendum. Après adoption, elle sera publiée au journal officiel comme loi suprême de la République.
La Constitution adoptée entre en vigueur à compter du jour de sa promulgation par le Président de la République. Cette promulgation doit intervenir dans les huit jours suivant la proclamation du résultat du référendum par le Conseil constitutionnel.
Toutefois, les dispositions relatives aux titres VI (De l'Assemblée Nationale) et VII (Des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif) n'entrent en vigueur qu'à compter de la clôture de la session parlementaire en cours.
 
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